Astronomique. Colossale. Gigantesque. On vous laisse choisir votre adjectif préféré pour décrire la facture de 36 milliards de la nouvelle mouture du REM de l’Est, un tracé de 34 km pour accommoder 29 000 passagers par jour.

Le montant a de quoi faire tiquer. Mais pas les élus de la métropole : la mairesse de Montréal, Valérie Plante, juge le projet enthousiasmant, tandis que celle de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, Caroline Bourgeois, estime que « la population de l’Est mérite un investissement à la hauteur de ses besoins ».

On est bien conscients que l’est de Montréal – très mal desservi en transports collectifs – a besoin d’un projet structurant pour stimuler son développement.

On est donc heureux de constater que le comité mandaté par Québec a fait ses devoirs avant de pondre le rapport qui sera présenté mardi, dont La Presse a dévoilé les contours samedi dernier1.

On se réjouit de voir que le nouveau tracé répondra mieux aux besoins des usagers et sera socialement plus acceptable que la première version soumise par la Caisse de dépôt et placement du Québec, dont l’infrastructure aérienne massive aurait défiguré le centre-ville de Montréal.

C’est pourquoi le comité revient avec un REM entièrement souterrain qui n’amochera pas le paysage avec ses caténaires disgracieux (allez voir le REM sur le pont Samuel-De Champlain) et qui ne cassera pas les oreilles des résidants (parlez-en à ceux de Pointe-Saint-Charles qui découvrent ces jours-ci les inconvénients du REM de l’Ouest).

Un REM souterrain, c’est très bien.

Mais à quel prix !

Il est vrai que la facture de 36 milliards pour 34 km de souterrain reste cohérente avec le coût du prolongement de la ligne bleue, qui revient à environ 1 milliard par kilomètre de tunnel.

Reste que 36 milliards, ce n’est pas exactement de la petite monnaie ! Et ce montant pourrait grimper autour de 50 milliards, sachant que les travaux d’infrastructures de cet acabit occasionnent généralement des dépassements de coûts d’environ 45 %.

On n’est pas si riches que ça au Québec !

Mettons les chiffres en perspective pour mieux mesurer l’ampleur de la facture.

À 1 milliard près, elle correspond au montant que Québec devrait débourser pour mettre à niveau la totalité de ses infrastructures vieillissantes : routes, hôpitaux, écoles, alouette !

Évalué à 35 milliards, le déficit d’entretien de nos infrastructures existantes ne cesse de croître. Avant de se lancer dans de nouveaux projets d’envergure, il faut garder de l’argent pour réparer ce qui est cassé, puisque l’argent et la main-d’œuvre ne sont pas illimités.

Un chantier de 36 milliards, ça ne se fait pas tout seul.

Toutes ensemble, les 10 plus grandes sociétés de transport du Québec ont dépensé 1 milliard de dollars par année, en moyenne, entre 2010 et 2020. C’est infiniment moins que la facture du REM de l’Est, même si elle sera évidemment étalée sur plusieurs années.

Il faut se demander si on a les moyens de consacrer autant de ressources à un seul et unique projet. Et qui va payer pour ça ?

On ne peut pas imposer aux utilisateurs des augmentations bien au-delà de l’inflation, sans quoi les tarifs les dissuaderont de prendre le transport collectif. On se sera tiré dans le pied.

Pour leur part, les villes ne cessent de se lamenter qu’elles n’ont pas assez de leviers pour imposer les contribuables et offrir les services à la population.

La caisse est vide aussi à Québec : le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT) destiné au financement du réseau routier et des transports en commun est dans le rouge. On pourrait le renflouer grâce à l’écofiscalité, mais la Coalition avenir Québec, allergique aux nouvelles taxes, préfère accorder des baisses d’impôt aux citoyens.

Et ce n’est pas Ottawa qui absorbera au complet la facture de 36 milliards.

Alors qui va payer la note ?

L’est de Montréal a besoin de transports en commun pour développer son économie et pour bâtir de nouveaux quartiers résidentiels qui ne seront pas dépendants de l’automobile.

Mais avec une facture aussi astronomique, la nouvelle mouture du REM risque de rester sur la voie de service.

1. Consultez l’article publié le 1er juillet « Rapport final sur le REM de l’Est : 100 % souterrain pour 36 milliards » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion