La mission diplomatique du ministre Steven Guilbeault en Chine lui aura valu une volée de bois vert.

La décision de se rendre à Pékin était pourtant prudente, responsable, et elle répond aux intérêts stratégiques du Canada.

À écouter les critiques, on jurerait pourtant que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique est un grand naïf qui agit comme un amateur.

Avant même son départ, les conservateurs ont été particulièrement cinglants.

À commencer par le député Michael Chong, qui a accusé le gouvernement Trudeau de faire le jeu du régime chinois et de lui permettre, grâce au « bon nom du Canada », d’obtenir « un vernis de respectabilité » sur la question des changements climatiques.

PHOTO FRED THORNHILL, ARCHIVES REUTERS

Le député conservateur Michael Chong

Michael Chong a raison de se méfier de Pékin, on ne le nie pas.

Il a été pris pour cible plus d’une fois au cours des dernières années. Des campagnes d’intimidation et de diffamation orchestrées par le régime chinois ont été menées contre lui, a reconnu le gouvernement fédéral récemment.

En fait, le gouvernement canadien au grand complet doit se méfier de Pékin, on l’a appris à la dure au cours des dernières années. Depuis que les deux Michael ont été faits prisonniers en riposte à l’arrestation de Meng Wanzhou, en 2018, en fait.

Désormais, il est clair que respecter la souveraineté canadienne est loin d’être une priorité pour le régime chinois.

Ça fait d’ailleurs longtemps que le gouvernement Trudeau aurait dû déclencher une enquête publique et indépendante sur l’ingérence chinoise. Nous l’avons soutenu plus d’une fois dans cette section.

Mais la Chine est aussi une grande puissance incontournable. Décider de couper les ponts avec Pékin, dans les circonstances actuelles, serait plus problématique qu’avantageux.

Il serait donc utile, pour les détracteurs de Steven Guilbeault, de se rappeler qu’on peut mâcher de la gomme et marcher en même temps.

Notre politique à l’égard de la Chine doit être motivée par d’autres besoins que celui d’assouvir notre désir d’affrontement.

Il est non seulement possible, mais préférable, de faire preuve de fermeté et de tenir tête au régime chinois sur certains enjeux, tout en coopérant avec lui sur d’autres.

Cette prémisse est d’ailleurs au cœur de la stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, dévoilée par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, l’an dernier.

Consultez la stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique

« Dans les domaines de profond désaccord, nous interpellerons la Chine, notamment si elle adopte un comportement coercitif, sur le plan économique ou autre, si elle ignore ses obligations en matière de droits de la personne, ou si elle compromet nos intérêts en matière de sécurité nationale ou ceux de nos partenaires dans la région », y lit-on.

Mais on y précise aussi que :

Parallèlement, la taille et l’influence de la Chine font en sorte qu’il est nécessaire de coopérer pour tenter de trouver des solutions à certains défis existentiels à l’échelle internationale, comme les changements climatiques et la perte de biodiversité, la santé mondiale ainsi que la prolifération nucléaire. Et l’économie chinoise présente des débouchés importants pour les exportateurs canadiens.

Extrait de la stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique

Changements climatiques ? Perte de biodiversité ? C’est exactement ce qui figurait au menu de Steven Guilbeault en Chine.

C’est « par le dialogue » qu’on pourra convaincre Pékin de faire mieux en matière de lutte contre les changements climatiques, selon le ministre.

« Comme c’est par le dialogue qu’on est arrivés à avoir une entente historique à Montréal, à la COP15, qui incluait notamment la Chine et plus de 190 autres pays », a-t-il déclaré dans une entrevue récemment.

Il a raison.

C’est d’autant plus important que la Chine est actuellement le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. Le pays est responsable de plus d’un quart des émissions mondiales annuelles.

C’est un travail de longue haleine, bien sûr.

Et ne nous berçons pas d’illusions, par ailleurs : ce sera long avant que les relations entre Ottawa et Pékin ne s’améliorent de façon véritable.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est que s’obstiner à adopter une attitude digne d’une guerre froide sur un dossier où la collaboration est de mise serait irresponsable.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion