Un autre père qui tue ses enfants avant de se suicider. Une autre mère dévastée qui devra tenter de survivre et de se reconstruire.

Le meurtre des deux petits garçons dans Lanaudière s’inscrit dans une dynamique de violence conjugale qui laisse en suspens plusieurs questions.

Les premières informations nous indiquent que l’homme de 46 ans avait été arrêté, ou du moins intercepté, par les policiers de la Sûreté du Québec, deux jours avant le drame.

Sur la base de quels critères a-t-il été relâché ? Pour l’instant, il nous est impossible de le savoir.

Lui a-t-on proposé les services d’un intervenant afin de désamorcer le choc de l’arrestation ? L’a-t-on appelé dans les heures et les jours qui ont suivi pour l’accompagner et s’assurer qu’il ne représentait pas un danger ?

A-t-on offert un soutien et une protection quelconque à son ex-conjointe et à ses enfants ?

Les réponses à ces questions permettront de savoir si tous les gestes de prévention ont été mis en place pour éviter que n’éclate la bombe à retardement que représentait Ianik Lamontagne.

La mort des deux petits garçons de Notre-Dame-des-Prairies soulève aussi la question des outils à la disposition des policiers pour évaluer la dangerosité d’un individu dans un contexte de violence conjugale. Même les psychiatres avouent que ce n’est pas une tâche facile. Si même eux, qui sont formés pendant des années pour reconnaître la détresse psychologique, n’y arrivent pas toujours, comment penser qu’un policier, avec ses quelques heures de formation, posera en tout temps un bon diagnostic ?

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE IANIK LAMONTAGNE

Les deux jeunes victimes, Antoine et Tristan

Il existe beaucoup d’expertise en violence conjugale au Québec. Peut-on penser mettre en place une procédure qui ferait en sorte que les policiers fassent systématiquement appel aux organismes spécialisés en la matière ?

Un exemple de cette approche est présentement en cours en Montérégie.

L’organisme Entraide pour hommes a mis sur pied un projet-pilote avec la régie intermunicipale de police Richelieu–Saint-Laurent.

Reconnaissant que le risque de commettre un acte violent augmente après une arrestation, le projet Proximité tisse un filet de sécurité autour du conjoint potentiellement violent. Un intervenant entre en contact avec lui et met en place un suivi psychosocial pour prévenir la violence. Jusqu’ici, 60 % des hommes admissibles ont participé au projet-pilote. Et selon Geneviève Landry, directrice de l’organisme, ils disent tous à peu près la même chose : « Une chance que vous m’avez appelé, je ne l’aurais pas fait. »

On met le doigt ici sur un point très important : les hommes ont moins recours aux ressources disponibles que les femmes. Ils ont moins tendance à se responsabiliser en temps de crise, à composer le numéro de téléphone qui apparaît à l’écran, à tendre la main.

Dans ce contexte, l’approche mise de l’avant par Entraide pour hommes semble porteuse. Il faudrait songer à l’élargir à d’autres régions du Québec.

Cette tragédie rappelle aussi l’importance de la sensibilisation en matière de violence conjugale.

Il faut continuer d’informer la population sur les dynamiques de pouvoir et d’abus en jeu dans une relation. Il faut apprendre à savoir détecter des comportements inquiétants. Installer un GPS sur la voiture de son ex-conjointe comme l’a fait Ianik Lamontagne en est un.

Cette sensibilisation, elle doit commencer dès l’école.

C’est d’ailleurs l’avis de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) qui rappelle que « les programmes qui ont démontré une certaine efficacité sont implantés pour la majorité en contexte scolaire et visent principalement à modifier les attitudes, à sensibiliser à la violence dans les relations amoureuses et à augmenter les connaissances ».

Comme le note judicieusement la porte-parole de SOS Violence conjugale, Claudine Thibaudeau, on demande bien aux enfants ce qu’ils veulent faire quand ils seront grands, pourquoi ne pas demander aux jeunes quel genre de partenaire amoureux ils aimeraient devenir ? Et leur donner les outils nécessaires pour vivre des relations saines ?

Dans le documentaire Garçons, un film de genre (disponible sur la plateforme TV5Unis.ca depuis lundi), le cinéaste Manuel Foglia montre à quel point il est difficile pour les garçons d’exprimer leurs émotions. Le stéréotype de l’homme qui ne doit pas se montrer vulnérable a la vie dure.

Il serait plus que temps que les hommes – qui, dans 85 % des cas sont à l’origine des filicides, selon l’INSPQ – s’emparent de cette question et en discutent publiquement, un peu comme le fait, par exemple, l’ex-champion olympique Jean-Luc Brassard quand il dénonce la culture toxique dans les sports.

Il est temps que les hommes partagent la charge mentale de la sensibilisation avec les femmes, qui portent les enjeux de couple et de la violence conjugale à bout de bras depuis très longtemps.

C’est à eux que revient la responsabilité de proposer des modèles positifs aux hommes de demain.

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