« Il n’y avait pas de [drapeau rouge]. » Ianik Lamontagne, l’homme qui aurait tué ses jumeaux avant de se donner la mort, samedi, à Notre-Dame-des-Prairies, avait été arrêté pour harcèlement auprès de son ex-conjointe deux jours plus tôt. Un possible évènement déclencheur ayant mené à ce drame, selon un ami proche.

Les deux enfants, des jumeaux, Antoine et Tristan, avaient trois ans et demi.

Dimanche, deux t-shirts d’enfant orange sur lesquels était inscrit « Chaque enfant compte » ont été accrochés aux branches devant la résidence de Ianik Lamontagne.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE IANIK LAMONTAGNE

Les deux enfants, Antoine et Tristan, avaient trois ans et demi.

La nouvelle du drame n’avait pas encore fait son chemin dans le réseau social de l’homme : au passage de La Presse, deux proches arrivés chez lui ont fait demi-tour en pleurs après avoir été informés du drame qui s’est déroulé la veille.

Des sources ont indiqué à La Presse que deux jours avant le drame, à la suite d’une plainte pour harcèlement envers son ex-conjointe, les policiers sont allés rencontrer M. Lamontagne non loin de chez elle, l’ont arrêté, puis libéré.

Les agents auraient alors retrouvé un ou des GPS sous l’auto de la femme. Propriétaire d’une entreprise spécialisée en cybersécurité informatique, Ianik Lamontagne aurait aussi utilisé des moyens technologiques afin d’espionner son ex-conjointe.

Il n’avait pas été emmené au poste de police, mais aurait tout de même reçu une promesse de comparaître dont la date exacte reste inconnue. Ce mécanisme est utilisé par les corps policiers afin de terminer l’enquête et de déterminer si des chefs d’accusation doivent être déposés.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE IANIK LAMONTAGNE

Ianik Lamontagne

Dans ce cas-ci, rien n’indique que Ianik Lamontagne allait bel et bien être accusé ni que des menaces avaient été signalées à l’endroit des enfants.

Dans les heures qui ont suivi le double meurtre, une proche de la mère des enfants, Marie-Élène Corbeil, a raconté qu’elles avaient brièvement échangé par écrit. La mère lui aurait alors dit que sa vie était finie, qu’elle n’avait plus d’enfants. Elle a par ailleurs rassuré Mme Corbeil sur le fait qu’elle avait bel et bien une proche à ses côtés.

Une spirale négative

Pour un ami proche de Ianik Lamontagne, Patrick Boucher, qui l’avait rencontré dans un cadre professionnel il y a au moins six ans, cette arrestation serait à l’origine du drame qui a suivi.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Une enquêteuse sur le lieu du drame, à Notre-Dame-des-Prairies

Informé de l’évènement impliquant son ami, il dit lui avoir parlé afin de le voir éventuellement. Une rencontre qui n’a jamais eu lieu.

« Il était surtout inquiet pour son avenir », explique-t-il, conscient des enjeux qu’un dossier criminel peut représenter pour un professionnel de la sécurité informatique. « Dans notre secteur d’activité [en sécurité informatique], on a des background checks tous les deux ou trois mois, chaque fois qu’on a un nouveau client. »

Ianik Lamontagne serait ainsi entré dans une « spirale négative », selon lui.

Il lui est arrivé quelque chose, il était dans ses pensées, puis samedi, il a trouvé que c’était trop rough ?

Patrick Boucher, ami de Ianik Lamontagne

Encore sous le choc, Patrick Boucher insiste : « Il n’y avait aucun [drapeau rouge] ». « Il n’y avait zéro violence, ni en paroles ni en gestes. Durant nos voyages, il pétait moins de coches que moi, il était toujours calme […], il gérait ses affaires », raconte-t-il, toujours à la recherche de réponses.

« Il était malade »

En entrevue téléphonique, Mario Laurin et Marie-Élène Corbeil, qui connaissaient bien le couple, se disaient bouleversés. M. Laurin, qui travaille dans la construction, avait rénové la maison de la famille de Ianik Lamontagne qui, lui, agissait comme expert informatique pour l’entreprise de M. Laurin.

Les deux couples n’avaient pas que des liens d’affaires. Ils ont aussi été amis pendant plusieurs années. « Ianik n’en était pas conscient, mais il était malade », avance Mme Corbeil.

Depuis juin 2022, les deux couples ne se fréquentaient plus. M. Laurin et Mme Corbeil avaient décidé de couper les ponts. Il était devenu trop lourd de se retrouver coincé entre les deux conjoints.

Mme Corbeil, qui tentait comme son conjoint de ne pas prendre parti, dit avoir conseillé à maintes reprises au couple « de se faire aider », de consulter un thérapeute. « On voyait qu’il n’allait pas bien », raconte M. Laurin à propos de M. Lamontagne.

Si Mme Corbeil avait d’abord connu Ianik Lamontagne, elle était devenue tout aussi proche au fil des ans de sa conjointe. « Ianik a très mal pris que je me retire [de la relation], il m’a envoyé un message horrible. »

La situation était si tendue, M. Lamontagne avait l’air d’aller si mal que M. Laurin a fini par s’inquiéter du fait qu’il ait accès à tout le contenu informatique de son entreprise, étant donné qu’il avait été son client.

Quand les deux hommes se parlaient, M. Laurin explique que M. Lamontagne n’avait de cesse de blâmer sa conjointe pour tout.

Les deux conjoints se seraient séparés plusieurs fois – certaines fois avant d’avoir leurs jumeaux, certaines fois, après. La dernière fois, selon M. Laurin, c’est Ianik Lamontagne qui aurait décidé de la fin de la relation.

Ianik voulait des enfants. Les jumeaux ont été considérés comme des bébés miracles et ils ont pensé qu’ils aideraient le couple.

Marie-Élène Corbeil

Bonheur apparent

Les pages Facebook de M. Lamontagne et de la mère des enfants donnent l’impression d’un bonheur sans nuage. On y voit des photos du couple, au temps du bonheur, d’un voyage en Espagne, aussi pendant la grossesse.

Jusqu’en septembre 2022, M. Lamontagne a mis des photos de lui et de ses jumeaux à répétition sur sa page Facebook. Les enfants sont toujours vus côte à côte, portant les mêmes vêtements. Puis, depuis un an, plus rien.

Sur les pages des réseaux sociaux, les enfants demeuraient néanmoins présents, leur parenté publiant des photos d’eux qui grandissaient et qui sont toujours vus très souriants et bien mis.

Suzanne Dauphin, mairesse de Notre-Dame-des-Prairies, a publié un communiqué à l’intention des résidants de sa ville.

Un évènement tragique et déchirant a secoué notre communauté, laissant derrière lui une douleur inimaginable.

Suzanne Dauphin, mairesse de Notre-Dame-des-Prairies

Des discussions ont eu lieu entre la Sûreté du Québec, chargée de l’enquête, et le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), qui se penche sur les évènements tragiques impliquant l’intervention des policiers. Ce dernier aurait toutefois tranché qu’il n’y avait pas matière à investiguer davantage le drame.

Sur le site de son entreprise, nommée Kevlar cybersécurité Inc., M. Lamontagne dit être un expert en informatique depuis plus de 20 ans, détenir « une vaste expérience de l’informatique tant au niveau programmation, infrastructure, réseau que sécurité ».

Pour Patrick Boucher, qui œuvre dans le domaine de la sécurité informatique, le geste de son ami reste toutefois inexpliqué. « Notre job, c’est de détecter les failles, et cette fois, je n’ai rien vu. »

Besoin d’aide ?

Ligne québécoise de prévention du suicide : 1 866 APPELLE (277-3553)

Consultez le site de l’Association québécoise de prévention du suicide

Quelques ressources pour les personnes violentes et leurs proches

Groupe d’aide aux personnes impulsives, ayant des comportements violents (Québec) : 418 529-3446

Action sur la violence et intervention familiale (Montréal) : 450 692-7313