Des témoins à la « moralité douteuse » et une preuve peu convaincante de préméditation. Le juge Daniel Royer s’est permis d’écorcher la qualité de la preuve de la Couronne mercredi en condamnant Véronique Manceaux à la prison à vie pour le meurtre « sordide » de Jimmy Méthot.

« Avec le plus grand respect pour le jury, le Tribunal a entériné le verdict puisque rien n’indique qu’il n’a pas été rendu en conformité avec les directives reçues qui sont appropriées en droit jusqu’à la preuve du contraire », a déclaré le juge Royer mercredi, condamnant Véronique Manceaux à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Dans la salle d’audience, les proches de Jimmy Méthot se sont mis à applaudir, avant d’être rappelés à l’ordre.

Sous l’effet du crack, Véronique Manceaux a battu et torturé Jimmy Méthot dans sa résidence de LaSalle en septembre 2021. Un complice de 17 ans a participé au meurtre, alors que trois autres personnes ont nettoyé la scène pendant des jours. Les tueurs avaient caché le corps du jeune homme dans un baril. Le verdict ne permet pas de connaître le rôle précis de Manceaux dans le meurtre.

Quand un jury rend un verdict de meurtre au premier degré, le juge n’a aucune discrétion dans l’imposition de la peine. Généralement, les juges se contentent alors de souligner la douleur des victimes et l’horreur du crime. Mais mercredi, le juge Royer a tenu des commentaires inusités avant d’imposer la peine.

Le magistrat a plutôt mis l’accent sur la fragilité de la preuve de la Couronne. Pour reconnaître Véronique Manceaux coupable du meurtre de Jimmy Méthot, le jury devait conclure qu’elle avait prémédité son geste ou que le meurtre avait été commis dans un contexte de séquestration. Ou encore qu’elle a aidé son complice à tuer la victime.

La preuve « non confirmée », selon le juge, provenait de témoins ayant participé au crime ou qui témoignaient alors qu’ils étaient en attente de procès. La copine de Jimmy Méthot – témoin clé du procès – doit encore être jugée pour un chef de complicité après le fait et d’outrage à un cadavre. Au procès, elle a d’ailleurs relaté de façon confuse la soirée fatidique.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Véronique Manceaux, il y a une dizaine d’années

Quant au « chemin » de la séquestration, il reposait « uniquement », selon le juge, sur le témoignage antérieur d’un adolescent de 17 ans qui s’est déjà avoué coupable du meurtre au premier degré en Chambre de la jeunesse.

« Ce témoignage a dû être déposé en preuve, puisque le témoin a prétendu sous serment ne rien se souvenir des évènements, ce qui lui a valu d’être cité pour outrage au tribunal », a rappelé le juge, en soulignant la « moralité douteuse » de ces deux témoins.

La défense avait plaidé que le meurtre avait probablement été commis par l’adolescent meurtrier et son mentor, le violent criminel Everett Roger Clayton (mort depuis). La défense avait aussi fait valoir que les deux témoins avaient eu un intérêt à témoigner de cette façon, et que leurs récits se contredisaient. Mais cette théorie n’a pas soulevé de doute raisonnable dans l’esprit du jury.

Comme aux sentences de l’adolescent de 17 ans et d’Everett Roger Clayton, les proches de Jimmy Méthot ont livré des témoignages émouvants. Sa mère et ses sœurs pleurent depuis trois ans la mort d’un jeune homme « drôle », « chaleureux » et « attachant ».

« Mon frère me manque tous les jours. Je ressens un vide irréparable. Un immense chagrin », a confié sa sœur Vicky dans une lettre poignante.

« Jimmy n’est pas une victime, c’est un frère, un fils, un ami… J’ai perdu mon gars. C’est la pire douleur qu’une mère peut vivre », a écrit sa mère dans une lettre.

« Je n’entendrais plus jamais son rire, ses imitations de Jim Carrey… Nos vies sont brisées à jamais », a livré sa sœur Samantha.

MCarl Devost Fortin et MFanie Lacroix ont défendu Véronique Manceaux, alors que MMarie-Claude Bourassa et MJasmine Guillaume ont représenté le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).