Une femme qui avait été attaquée par trois chiens lors d’une séance de jogging à Potton, en Estrie, en mars 2019, a obtenu gain de cause devant la Cour supérieure.

Dominique Alain et son mari Leo Joy reprochaient à la petite municipalité d’avoir été négligente dans son application de son propre règlement sur le contrôle des animaux, et au propriétaire des chiens d’avoir lui aussi fait preuve de laxisme.

Ce « laisser-aller » a mené à l’attaque brutale qui a laissé la comptable de 59 ans, jadis très sportive, avec des traumatismes et d’importantes limitations physiques, souligne le juge Sylvain Provencher dans sa décision du 15 mai, dont La Voix de l’Est a obtenu copie.

Le tribunal civil estime que Mme Alain a droit à un dédommagement de 460 000 $ et M. Joy, 75 000 $. Le couple réclamait au départ 676 000 $.

La municipalité de Potton et l’ex-propriétaire des chiens, Alan Barnes, devront défrayer cette somme. M. Barnes avait été condamné à six mois de prison et 240 heures de travaux communautaires, en 2021, pour négligence criminelle. Il lui est interdit de posséder des chiens à vie et les bêtes en question ont été euthanasiées.

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L’ex-propriétaire des chiens, Alan Barnes

L’ex-propriétaire des chiens, Alan Barnes. (Spectre média, Maxime Picard/Spectre Média, Maxime Picard)

Au procès qui s’est tenu en mars dernier au palais de justice de Cowansville, le couple a dit réclamer ce montant pour les nombreuses séquelles physiques et psychologiques subies, mais aussi pour les pertes de salaire à la suite de l’attaque.

Mme Alain a dû subir de nombreuses interventions chirurgicales et plusieurs heures de thérapie et de réadaptation, les chiens ayant arraché les muscles de ses mollets, chevilles et triceps.

Sa vie n’a plus été la même après l’évènement survenu sur le chemin de l’Aéroport, rappelle le magistrat dans son jugement de 70 pages.

« [Mme] Alain doit maintenant vivre et composer avec des douleurs neuropathiques chroniques – entre autres, des sensations de brûlure –, lesquelles sont difficiles à contenir, même pour des professionnels chevronnés en cette matière, qui, inévitablement, l’affaiblissent, la perturbent et, par voie de conséquence, limitent grandement l’ensemble de ses activités, incluant sa capacité d’exercer un travail. »

« Jusque-là, les demandeurs, mariés depuis plus de 30 ans et parents de deux enfants, amoureux, unis, complices et heureux dans la vie, partageaient leurs passions du travail et de leurs nombreuses activités sociales, sportives et de loisirs de toutes sortes », poursuit le juge.

Responsablité

Le tribunal a rejeté les arguments de la Ville qui alléguait ignorer que les chiens de Barnes étaient agressifs et dangereux.

La poursuite, menée par MJonathan Gottlieb, a prouvé que de nombreux incidents impliquant ces animaux et survenus avant mars 2019 auraient dû inciter la municipalité à agir.

Dominique Alain a dû subir de nombreuses interventions chirurgicales et plusieurs heures de thérapie et de réadaptation, les chiens ayant arraché les muscles de ses mollets, chevilles et triceps. (archives la tribune/archives la tribune)

Deux d’entre eux impliquaient d’ailleurs la conjointe du directeur des travaux publics et des services de sécurité publique de la municipalité.

Un autre a concerné directement un conseiller municipal, Jason Ball.

« Potton, qui avait justement dans le passé adopté un règlement dont plusieurs de ses dispositions visaient la sécurité du public en lien avec des animaux dangereux, se devait d’intervenir auprès des chiens de Barnes, et, au minimum, procéder à leur évaluation comportementale », écrit le juge Provencher.

Son « inertie […] n’est pas un comportement acceptable, encore moins celui d’une municipalité locale prudente, diligente et raisonnable, à qui incombe la responsabilité de voir à assurer la protection du public, et qui, de surcroît, possède l’outil pour le faire – son Règlement concernant les animaux ».

« La preuve révèle une culture du laisser-aller total [à Potton], où tous se permettent ce qu’ils estiment le mieux pour leur animal de compagnie. »

MFrançois Barré représentait la Ville de Potton.