La rentrée scolaire n’a pas été facile pour Bernard Drainville, mais le ministre de l’Éducation a raison sur au moins une chose.

Le programme allégé qui avait cours pendant la pandémie n’a plus sa raison d’être.

N’enseigner que 75 % des notions aux élèves quand le monde est sens dessus dessous, ça se justifie. Mais l’école minceur était une mesure d’urgence. Maintenant que la pandémie n’est plus une préoccupation de premier ordre, il est normal que le programme allégé prenne fin, comme l’a annoncé le ministre.

Les cégeps se plaignent déjà du niveau des élèves qu’ils reçoivent, en particulier en français. La dernière chose à faire est de baisser la barre de façon prolongée.

Le hic, c’est qu’on ne peut pas non plus simplement revenir à ce qui se faisait avant la pandémie en sifflotant, comme semble vouloir le faire M. Drainville.

D’abord, la pandémie a laissé des traces, notamment en creusant l’écart entre les élèves forts et les élèves faibles. Si on ramène le train à pleine vitesse, il faut s’assurer que tout le monde réussisse à embarquer et qu’on ne laisse personne derrière.

Aider les élèves en difficulté est évidemment un casse-tête avec la pénurie de main-d’œuvre qui sévit. Pendant la pandémie, Québec a implanté une solution en théorie intéressante : le tutorat. On a notamment fait appel aux élèves des cégeps et aux étudiants des universités pour aider les jeunes.

À un certain moment, 15 000 tuteurs épaulaient jusqu’à 150 000 élèves. Contrairement à plusieurs initiatives lancées pendant la pandémie, le tutorat a survécu et a été « pérennisé » par des investissements de 309 millions de dollars sur cinq ans. Tant mieux.

Les impacts du programme n’ont toutefois jamais été évalués. Les experts nous disent que du tutorat bien fait est bénéfique, mais il est impératif de s’assurer que celui qu’on utilise est déployé de façon optimale.

L’autre raison pour laquelle revenir au programme prépandémique sans se poser de questions serait une erreur, c’est que ce programme était loin d’être parfait à l’époque. Et le laboratoire qu’a été la pandémie a permis de jeter un nouvel éclairage sur plusieurs réalités.

Un exemple : pendant la COVID-19, le nombre de bulletins a été réduit de trois à deux par année pour donner le temps aux profs et aux élèves de souffler. Or, plusieurs enseignants ont apprécié l’expérience. En consacrant moins de temps à évaluer leurs élèves, ils disent avoir eu plus de temps… pour leur enseigner.

On serait fou de ne pas écouter leur son de cloche. Cela étant dit, il faut aussi voir ce que pensent les parents et les élèves de recevoir leurs premières notes en janvier seulement. Est-ce que ça donne le temps de réajuster le tir en cas de problème ? L’avis des experts doit aussi être entendu.

La même réflexion s’impose au sujet des examens du Ministère. Auparavant, ces épreuves pouvaient compter pour jusqu’à 50 % de la note finale de l’élève. Ce pourcentage a été considérablement réduit pendant la pandémie.

Encore là, les profs ont aimé le changement au point où ils réclament de le conserver. Lorsque l’examen du Ministère compte autant dans la note de l’élève, plaident-ils, il y a un stress de performance qui incite les enseignants à « driller » leurs élèves non pas pour qu’ils acquièrent des notions, mais pour qu’ils soient formatés à réussir l’épreuve.

Certains enseignants réclament maintenant carrément l’abolition des épreuves ministérielles. À notre avis, cela va trop loin. Sans examens uniformes, il est impossible de connaître la valeur réelle des notes que chaque prof attribue à ses élèves. Mais le débat sur la pondération doit avoir lieu.

Évidemment, débattre de ces questions en pleine rentrée scolaire est loin d’être idéal. Ces réflexions auraient dû avoir lieu bien avant. Mais ce n’est pas parce qu’il est trop tard qu’il faut attendre encore.

Cette année, on a le choix malheureux entre reconduire un programme scolaire allégé qui a été bricolé à la hâte pendant la pandémie ou reprendre celui, imparfait, qui existait avant.

Bernard Drainville a choisi de foncer tête baissée avec l’ancien programme. Mais il est grand temps de se mettre au travail et de lancer les réflexions si on veut de meilleures options l’an prochain.

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