De meilleurs résultats en français et en mathématiques, un enseignement de plus grande qualité, des écoles un peu plus rénovées : le ministère de l’Éducation a établi ses priorités pour l’année scolaire qui s’amorce. Il s’agit d’objectifs difficiles à atteindre « dans l’état actuel » du réseau, avancent deux expertes.

La première orientation du Ministère pour l’année scolaire en cours est de « faire de la réussite de nos élèves une grande priorité de la société québécoise », lit-on dans son Plan d’action 2023-2024, que La Presse a consulté.

Professeure à la faculté de l’éducation de l’Université de Sherbrooke, Julie Myre-Bisaillon sourcille face à cet objectif. « On se permettra de ne plus trop y croire en ce moment », dit-elle.

Marie-Hélène Forget, professeure au département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), est du même avis.

Je ne vois pas comment on va y arriver dans l’état actuel des choses, notamment avec la pénurie de personnel, le fait qu’on a beaucoup d’enseignants non légalement qualifiés.

Marie-Hélène Forget, professeure au département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières

Les profs, ajoute Mme Forget, sont épuisés.

En français, Québec se fixe comme objectif que la proportion des élèves qui obtiennent entre 70 % et 100 % à l’épreuve obligatoire d’écriture de deuxième secondaire passe de 57 % actuellement à 75 % en 2026-2027.

« C’est très, très ambitieux », estime Mme Forget, spécialiste de l’écriture.

Parmi ses solutions pour y parvenir, le Ministère veut faire une campagne de sensibilisation pour développer le goût de la lecture chez les élèves.

Dans les écoles, pourtant, les enseignants font de moins en moins lire les élèves parce qu’ils sont moins compétents en lecture, avance Marie-Hélène Forget.

« Comme les élèves ne maîtrisent pas suffisamment la compréhension de texte, les enseignants [d’autres matières que le français] remâchent les contenus et les présentent sur des diaporamas où il ne reste rien », illustre Mme Forget.

Il faut « régler la lecture rapidement dans la vie d’un élève », poursuit-elle. La professeure de l’UQTR cite l’exemple d’une enseignante de deuxième année du primaire qui, dans sa classe, a mis l’accent dans les premiers mois de l’année scolaire sur la lecture intensive.

« À Noël, ses élèves avaient une vitesse de lecture et une compréhension au-delà des attentes pour des enfants de 7 ans », illustre Marie-Hélène Forget.

Un taux de diplomation calculé sur sept ans

En règle générale, les élèves terminent leur secondaire en cinq ans. Parmi ses objectifs, Québec veut faire passer le taux de diplomation en sept ans de 84,1 à 86,8 % en 2026-2027.

Quand il est question de réussite des élèves, Julie Myre-Bisaillon dit qu’elle « n’aime pas tant les pourcentages et les cibles ».

C’est comme dire aux enseignants : “Vous devez faire réussir ce pourcentage d’élèves cette année.”

Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté de l’éducation de l’Université de Sherbrooke

Pour améliorer les résultats des élèves en mathématiques et en français, le ministère de l’Éducation veut cette année ajouter des conseillers pédagogiques « dédiés à la formation et à l’accompagnement des enseignants dans le développement de pratiques d’enseignement reconnues efficaces par la recherche ».

À quelques jours de la rentrée, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, disait en entrevue au 98,5 FM qu’il n’excluait pas de ramener des conseillers pédagogiques – enseignants de formation – dans les classes pour pallier la pénurie d’enseignants. « C’est l’une des options qui est sur la table », disait-il.

« Rien de nouveau »

Quant au plan dans son ensemble, « il n’y a rien de nouveau et de surprenant là-dedans », dit Julie Myre-Bissaillon. Pourtant, « on aurait besoin d’une mini-révolution dans les écoles québécoises », estime la professeure, à commencer par l’amélioration des conditions de travail des enseignants.

Dans son document, Québec dresse justement un portrait de l’état physique des bâtiments écoliers.

Actuellement, seuls 39 % des écoles sont dans un état « satisfaisant ». Québec souhaite faire passer cette proportion à 45 % en 2026-2027.

Au début de son premier mandat, le gouvernement Legault s’était donné comme objectif de remettre la moitié des écoles en bon état cette année.

Augmenter le nombre d’enseignants qualifiés par une « voie rapide »

Parmi ses cibles, Québec veut aussi « rehausser le nombre d’enseignants qualifiés dans le réseau ».

On souhaite faire passer le nombre d’inscrits dans une « voie rapide de formation » des enseignants de zéro à mille cette année.

« Ce n’est pas la même chose de reconnaître un certain nombre d’acquis pour quelqu’un qui est dans le réseau. Mais promouvoir une voie rapide pour quelqu’un qui n’aurait jamais enseigné, c’est plus problématique », estime Mme Myre-Bisaillon.