Sans être parfaits, les États-Unis sont un État de droit exemplaire à bien des égards.

On en a eu une autre preuve vendredi dernier, alors que le procureur général des États-Unis, Merrick Garland, a nommé un procureur spécial indépendant pour enquêter sur le fils de son patron, Hunter Biden.

Avec cette nomination, Merrick Garland ne remportera pas de concours de popularité au sein du Parti démocrate. Il complique la réélection de Joe Biden, qui continuera de traîner – injustement, mais ça ne change rien – son fils Hunter comme un boulet politique.

Mais le rôle d’un procureur général n’est pas d’être populaire. C’est de prendre les meilleures décisions dans l’intérêt de la justice et d’avoir une intégrité irréprochable. C’est ce que fait l’ex-juge Merrick Garland depuis le début de son mandat au sein de l’administration Biden.

Par exemple, quand il est en situation de conflit d’intérêts (notamment quand il doit enquêter sur un membre du gouvernement ou sa famille), le procureur général doit désigner un procureur totalement indépendant avec les pleins pouvoirs. Aux États-Unis, on appelle ça un procureur spécial. C’est ainsi qu’un procureur spécial a enquêté sur le Watergate dans les années 1970.

Sous l’administration Biden, Merrick Garland a nommé trois procureurs spéciaux dont les dossiers sont tous en cours.

Il a nommé Jack Smith, un procureur de carrière qui a accusé des chefs mafieux et des criminels de guerre, pour gérer les enquêtes sur l’ex-président Donald Trump dans l’affaire de documents classifiés (des accusations ont été déposées en juin) et dans l’affaire du complot pour faire invalider le résultat de l’élection présidentielle de 2020 (des accusations ont été déposées en août).

Il a nommé Robert Hur, nommé procureur au départ par l’administration Trump, pour enquêter sur le président Biden dans l’affaire de documents classifiés (aucune accusation n’a été déposée).

Et vendredi dernier, il a nommé David Weiss procureur spécial dans l’enquête sur Hunter Biden. Depuis des années, l’enquête était dirigée par M. Weiss, procureur fédéral responsable de l’État du Delaware nommé au départ par Donald Trump. David Weiss disposait déjà d’une grande indépendance dans le cadre de son enquête. Il a déposé des accusations criminelles de fraude fiscale contre Hunter Biden. Ce dernier s’était entendu pour plaider coupable à ces chef d’accusations, et un chef de possession d’arme alors qu’il était toxicomane allait être retiré. Mais au moment de plaider coupable ou non coupable, la juge s’est aperçue que les deux parties n’avaient pas la même compréhension de l’immunité accordée à Hunter Biden pour d’autres infractions. L’entente est tombée à l’eau, et Hunter Biden fait toujours face à des accusations criminelles.

Suite à ce revirement de situation, David Weiss a indiqué mardi dernier à Merrick Garland qu’il estimait avoir besoin du statut de procureur spécial pour poursuivre son enquête. C’est la première fois que M. Weiss demandait ce statut.

Vendredi, il l’a obtenu, ce qui lui permettra formellement de déposer des chefs d’accusations partout aux États-Unis, pas seulement au Delaware.

Si Merrick Garland le nomme procureur spécial, c’est qu’il veut dissiper tout doute raisonnable d’ingérence politique. David Weiss avait déjà une énorme latitude pour agir. Il a maintenant toute la latitude de l’univers pour déposer des accusations contre Hunter Biden et contre n’importe qui ayant commis un crime dans ce dossier. Que peut-on demander de plus ?

Malheureusement, cette nomination ne dissipera pas la mauvaise foi de beaucoup d’élus républicains. Flairant la bonne affaire sur le plan électoral, ils confondent depuis des années leurs fantasmes politiques avec des faits avérés dans le dossier de Hunter Biden. Ils l’accusent – sans preuve jusqu’ici – d’avoir mal agi dans ses affaires à l’étranger. Ils espèrent embarrasser la famille Biden et, leur fantasme ultime, impliquer Joe Biden.

Actuellement, pour une personne raisonnable, il n’y a aucun début de commencement de preuve tendant peut-être à démontrer que Joe Biden aurait quelque chose à se reprocher dans les affaires de son fils à l’étranger.

Ça n’empêche pas les républicains d’alimenter la machine à rumeurs avec du vent. Leur « meilleur témoin », Devon Archer, ex-associé de Hunter Biden, a témoigné n’avoir connaissance d’aucun acte répréhensible de Joe Biden.

Politiquement, la situation est injuste pour Joe Biden, qui n’a pas à subir les conséquences des erreurs de son fils, accusé au criminel.

Elle démontre aussi l’écart abyssal entre le sens de la justice des démocrates et d’une grande partie du Parti républicain.

Chez les républicains, Donald Trump, ex-président et grand favori pour être le candidat républicain en 2024, est accusé au criminel par un procureur spécial indépendant pour avoir tenté d’invalider les résultats de l’élection présidentielle de 2020.

Chez les démocrates, l’administration Biden croit tellement à l’importance d’un État de droit qu’elle nomme un procureur spécial indépendant pour enquêter sur les affaires du fils du patron.

On ne pourrait pas imaginer deux familles politiques plus différentes.

L’une mine l’État de droit, l’autre le défend.

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