« L’éducation va être la plus grande priorité de votre gouvernement », promettait François Legault lors de son discours inaugural en 2018. Ça devait être « l’ambition première » du gouvernement Legault. La première fois « depuis [les] années 1960 » que Québec mettait l’éducation au premier rang de la liste des priorités collectives⁠1.

Cinq ans plus tard, quoi qu’en disent les caquistes, on voit bien que ce n’est pas vrai.

Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville est rendu à souhaiter un « adulte » dans chaque classe. Le quart des profs enseignent sans être légalement qualifiés⁠2.

C’est encore pire dans les classes en adaptation scolaire, des classes fréquentées par les élèves qui ont le plus besoin d’aide (comme les élèves autistes). Dans la grande région de Montréal, un enseignant sur deux n’est pas légalement qualifié pour enseigner à ces élèves aux besoins particuliers, nous apprenait notre collègue Caroline Touzin le week-end dernier⁠3.

Tout ne va pas mal en éducation. Lors des derniers tests internationaux en 2019, les jeunes Québécois étaient parmi les meilleurs au monde⁠4.

À la décharge de la Coalition avenir Québec (CAQ), elle a dû gérer une pandémie, qui a changé les priorités et retardé des réformes. Mais la CAQ n’a certainement pas traité l’éducation comme « l’ambition première » du Québec jusqu’à maintenant.

Dossier 1 : la pénurie de main-d’œuvre

Ça fait des années qu’on sait que la pénurie de main-d’œuvre frappera le milieu de l’éducation. Notamment parce que les conditions difficiles font en sorte que 25 % des nouveaux profs quittent le métier au cours des cinq premières années.

À la rentrée de 2019, la Centrale des syndicats du Québec demandait à Québec d’y voir⁠5. Le ministère de l’Éducation n’a pas évalué l’impact de la pénurie de main-d’œuvre avant juin dernier. Pas fort.

Résultat : la pénurie de profs s’est aggravée cette année. Il manquait 1829 enseignants lors de la rentrée scolaire lundi, comparativement à 1462 postes non pourvus à pareille date lors de la rentrée d’août 2022⁠6.

Dossier 2 : le financement de l’éducation

À notre avis, le gouvernement Legault pourrait investir encore davantage d’argent en éducation, même s’il a fait mieux que le gouvernement Couillard à ce chapitre.

Entre 2019-20 et 2023-24, les dépenses du portefeuille de l’éducation ont augmenté de 29 %, soit le même pourcentage de hausse que les dépenses totales de portefeuille (santé, éducation, enseignement supérieur, et toutes les autres missions de l’État). La part de l’éducation dans les dépenses totales de portefeuilles est donc restée stable à 14,6 %.

4,0 %

Hausse annuelle moyenne du budget de l’éducation durant les cinq années du gouvernement Couillard (2014-2015 à 2018-2019 inclusivement)

6,5 %

Hausse annuelle moyenne du budget de l’éducation durant les quatre premières années complètes du gouvernement Legault (2019-20 à 2023-2024 inclusivement)

Dossier 3 : du brassage de structures qui ne donne pas grand-chose

Il y a cinq ans, la CAQ avait un plan séduisant en éducation : instaurer des maternelles 4 ans, rajouter des ressources d’aide pour les élèves en difficulté, remplacer les commissions scolaires par des centres de services.

Les maternelles 4 ans étaient sans doute une bonne idée, mais elles accentuent la pénurie d’enseignants. On devrait suspendre les nouvelles classes.

On a l’impression que les changements de structure n’ont rien changé pour les services aux élèves. Est-ce exact ? Le ministère de l’Éducation, qui n’a pas de données à jour sur à peu près tout en éducation, a été incapable de nous préciser cette semaine l’évolution du nombre d’enseignants, d’orthopédagogues et de fonctionnaires en éducation depuis cinq ans.

On finira bien par trouver les 1829 profs manquants (334 à temps plein, 1495 à temps partiel) dans les prochaines semaines. La « crise » de la rentrée risque donc de s’estomper pour le gouvernement Legault.

C’est à ce moment qu’il devra redoubler d’ardeur pour trouver des solutions à court, moyen et long terme. Si la CAQ considère toujours l’éducation comme sa « plus grande priorité », bien entendu.

Note :
Une version précédente de cet éditorial contenait des affirmations inexactes sur le financement de l’éducation au Québec. Dans cette version, nous avons utilisé les dépenses de programmes dans les budgets du Québec, alors que nous aurions dû utiliser les dépenses par portefeuille pour l’analyse historique du ministère des Finances. Les dépenses par portefeuille sont plus fiables et plus précises pour effectuer une telle comparaison historique.

1. Les citations entre guillemets sont des extraits du discours inaugural du premier ministre du Québec François Legault le 28 novembre 2018.

2. Lisez « Le quart des enseignants non légalement qualifiés en 2020-2021 » 3. Lisez « Les élèves n’ont pas les services auxquels ils ont droit » 4. Lisez « Tests internationaux PISA : les élèves québécois encore au sommet » 5. Lisez « Urgence d’agir maintenant pour contrer la pénurie » 5. Consultez le sondage Léger sur la pénurie dans le domaine de l’éducation

6. Il s’agit du nombre de postes non pourvus le 31 août 2022 et le 28 août 2023.

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