La Coalition avenir Québec (CAQ) devrait savoir qu’il ne suffit pas de donner un coup de pinceau et d’accrocher l’écriteau « nouvelle administration » à la porte de son commerce. Si le menu reste le même, la clientèle ne sera pas dupe.

Environnement. Éducation. Transport. Santé. Plusieurs offensives du gouvernement Legault – au pouvoir depuis maintenant cinq ans – donnent pourtant l’impression que le brassage de structures a des effets plutôt cosmétiques.

La CAQ aurait-elle attrapé la « restructurite aiguë », un syndrome dont les libéraux avaient souffert avant eux ? Souvenez-vous seulement de la réforme Barrette, avec ses CISSS, ses CIUSSS qui ont viré à l’envers le réseau de la santé, sans améliorer l’accès aux soins.

Ces jours-ci, les symptômes de « restructurite » se manifestent à la CAQ, qui avait pourtant séduit les électeurs avec la promesse de rendre l’État plus efficace.

D’abord, la démission d’un universitaire réputé dans le domaine de l’énergie a remis sous les projecteurs les ratés du Fonds vert.

Lisez l’article « Changements climatiques : Pierre-Olivier Pineau claque la porte du comité mis en place par Legault »

Oh, pardon, il faut plutôt dire du Fonds d’électrification et de changements climatiques, puisque la CAQ l’a rebaptisé ainsi en 2020, en réponse aux critiques. Mais au-delà du nom, on se demande ce qui a tant changé.

Depuis sa création, le fonds a accumulé plus de 7 milliards de dollars provenant du marché du carbone. De gros sous. Or, l’argent a été distribué à gauche et à droite, pour financer des projets aussi éloignés de la lutte contre les changements climatiques que… la construction d’un oléoduc !

Malgré le coup de barre de la CAQ, le fonds est toujours incapable de mesurer l’utilité des mesures qu’il finance, comme le déplorait un rapport du Commissaire au développement durable en 2022.

Consultez le rapport « Du Fonds vert au Fonds d’électrification et de changements climatiques : différences et enjeux »

Bref, plus ça change, plus c’est pareil.

La métamorphose des commissions scolaires en centres de services scolaires nous donne la même désagréable impression. Nul doute, François Legault a rempli cette promesse phare des élections de 2018. Mais quelle différence la restructuration a-t-elle eue dans les classes ?

D’accord, les élections scolaires qui coûtaient 20 millions à organiser ont été abolies. C’est tant mieux, car avec un taux de participation autour de 5 %, il ne s’agissait que d’un simulacre de démocratie. L’opération a aussi permis d’éliminer les commissaires élus qui coûtaient 10 à 12 millions par année.

Même s’il n’y a pas de petites économies, il faut bien dire que ces sommes ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan du budget de l’Éducation qui s’élève à 20 milliards. Et sur le terrain, on se retrouve avec les mêmes problèmes, rentrée après rentrée. Avec les mêmes personnes qui font le même travail qu’avant, dans un centre plutôt qu’une commission. Et avec des classes qui manquent toujours autant de professeurs qualifiés.

Bonnet blanc, blanc bonnet.

Voilà maintenant que la CAQ songe à la création d’une nouvelle agence des transports, en plus de la future Agence Santé Québec qui est la pierre d’assise de la refondation du ministre Christian Dubé.

On n’est pas contre. Mais encore faut-il que ces changements de structures donnent des résultats concrets. Plus grande efficacité. Moins de gaspillage. Tiens, tiens, c’est exactement le discours que tenait la CAQ avant de prendre le pouvoir en 2018.

Rappelez-vous, François Legault avait promis de mettre l’État à la diète, en éliminant 5000 postes dans la fonction publique et parapublique grâce à la vague de départs à la retraite. La cure minceur devait procurer des économies de 380 millions, sans réduire les services à la population.

Plus facile à dire qu’à faire. En voici la preuve…

En 2019, l’ensemble du secteur public québécois employait 510 700 travailleurs (en équivalent temps complet). En 2023, on sera autour de 571 200. C’est 60 500 employés… de plus. Cette croissance de 12 % en cinq ans est quatre fois plus forte que dans les autres secteurs du marché du travail aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre.

Les dépenses de l’État sont en ascension elles aussi. Entre 2019 et 2023, elles ont augmenté à un rythme de 7,2 % par année. Le Québec se retrouve aujourd’hui avec des dépenses qui n’ont jamais été aussi élevées depuis 30 ans en proportion de la taille de l’économie (24,3 % du PIB), exception faite de la période pandémique.1

Pour un gouvernement dirigé par des comptables qui voulaient faire le ménage dans la bureaucratie, c’est raté. Si au moins on avait le sentiment que les services à la population se sont vraiment améliorés, mais ce n’est pas le cas.

Est-ce donc mission impossible ? Non. Mais il faut se rendre compte qu’on ne pourra pas régler nos problèmes en embauchant et en dépensant toujours davantage. Il faut chercher les solutions ailleurs : revoir l’organisation du travail, décloisonner les tâches pour gagner en flexibilité, investir en technologie (sans dérapage comme à la SAAQ) pour améliorer la productivité.

Restructurer ? Si c’est juste pour repeinturer la façade, non. Mais si c’est pour améliorer véritablement les services, absolument.

1. Ces calculs sont tirés d’une présentation récente de Louis Lévesque, président du comité des politiques publiques (CPP) de l’Association des économistes québécois (ASDEQ).