Chers lecteurs, il y a de l’espoir pour notre système de santé ! À vous lire, il ne manque pas de solutions pour améliorer l’accès aux médecins de famille.

C’est ce qui ressort de l’abondant courrier reçu après la publication de notre éditorial sur les promesses brisées de notre système de santé1.

À la base, vous suggérez de revenir à l’implacable loi de l’offre et de la demande. Il manque de médecins ? « Augmentez l’offre de façon significative, c’est-à-dire le nombre d’étudiants/es en médecine générale », écrit Michel.

Ça tombe sous le sens, surtout que le vieillissement de la population frappe sur plusieurs fronts : les cas plus complexes alourdissent la tâche des médecins… qui sont plus nombreux à prendre leur retraite. Il s’agit d’une tendance lourde, puisque le quart (23 %) des médecins de famille ont plus de 60 ans.

C’est ainsi que le nombre de médecins de famille dans le réseau public a baissé, l’an dernier, pour la première fois en plus de 20 ans. Le Québec a perdu 48 omnipraticiens, sur un total de 9904.

Il faudrait ajouter 1500 médecins de famille pour avoir le même nombre de médecins en première ligne par habitant que les autres provinces canadiennes, selon les calculs de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Et le Canada, dans son ensemble, compte moins de médecins (2,8 par 1000 habitants) que la moyenne des pays de l’OCDE (3,7 par 1000). Manifestement, il y a du rattrapage à faire.

Bonne nouvelle, la Coalition avenir Québec (CAQ) a annoncé en juillet dernier l’admission de 660 médecins additionnels sur quatre ans, respectant ainsi une promesse électorale.

Le hic, c’est que les étudiants préfèrent les spécialités à la médecine familiale. Depuis 10 ans, quelque 600 places pour la formation d’omnipraticiens sont donc restées vides, au Québec.

Mardi, les dirigeants de quatre universités ontariennes ont uni leurs voix pour demander, de toute urgence, des réformes significatives afin de convaincre les médecins de demain de choisir la médecine familiale au lieu des spécialités.

Leur appel à l’aide mérite de résonner jusqu’au Québec, où le problème est encore plus aigu.

Faudrait-il contingenter davantage les spécialités pour forcer les étudiants à se diriger vers la médecine familiale ? Peut-être. Mais les étudiants risquent d’attendre l’année suivante, plutôt que d’opter pour un choix de carrière qui ne correspond pas à leurs aspirations. L’an dernier, ils ont été plus de 60 au Québec à prendre une sabbatique, le double d’il y a quelques années.

Il faut dire que l’écart de rémunération est considérable. Particulièrement bien traité quand on compare avec les pays de l’OCDE2, un médecin spécialiste québécois a empoché une rémunération brute de 419 616 $ en 2022. C’est 57 % de plus qu’un omnipraticien (266 620 $), qui a souvent des frais de bureau importants3.

Le diagnostic d’un médecin de famille de l’Estrie est simple : « L’écart abyssal entre la rémunération d’un spécialiste et d’un médecin de famille contribuera à maintenir la pénurie existante. »

Cette pénurie est exacerbée par l’exode des médecins vers le système privé. Ce n’est plus marginal : 487 médecins de famille sont désengagés de la RAMQ, presque 5 % du nombre total.

Le pire, c’est que les jeunes médecins sont de plus en plus nombreux à travailler directement au privé après avoir obtenu leur diplôme. C’est fâchant quand on sait que la formation d’un médecin de famille coûte plus de 70 000 $ par année aux contribuables.

Plusieurs lecteurs, y compris des médecins, souhaitent que Québec serre la vis.

« Je crois qu’il serait bien que les nouveaux médecins diplômés passent au moins cinq ans dans une clinique de médecine générale avant de passer au privé », écrit Diane, qui a constaté, lors d’une récente consultation, que deux médecins fraîchement diplômés étaient passés au privé. « N’importe quoi ! », s’insurge-t-elle.

Autre avenue : interdire aux médecins du privé d’imposer des tarifs plus élevés que ceux du public, comme en Colombie-Britannique.

Mais au-delà des nouvelles contraintes, il faut aussi redorer le blason de la médecine familiale.

« Je trouve que le gouvernement s’en donne à cœur joie sur le dos des médecins de famille, un bouc émissaire à portée de main », écrit un omni de 62 ans qui a l’impression de faire sa juste part. « J’ai en charge 1700 patients et j’ai accueilli environ 300 patients référés par le GAP, l’an dernier. En plus des trois heures de paperasse par jour, je vois en consultation 80 patients chaque semaine. »

Moins de paperasse. Plus de soutien. Voilà de bons remèdes pour désengorger les médecins de famille. Plus d’experts peuvent en faire davantage : physiothérapeutes, infirmières, travailleuses sociales, psychologues…

Mais pour Évelyne, les « médecins spécialistes doivent faire partie de la solution et être plus présents sur le terrain ». « Où se cachent-ils ? », demande l’infirmière de 65 ans qui a constaté, depuis 20 ans, que les omnipraticiens doivent multiplier les tests et les démarches avant de pouvoir obtenir une consultation auprès d’un spécialiste.

Ailleurs au Canada, on a trouvé une autre solution : les adjoints au médecin, une profession qui n’existe pas au Québec, sauf dans les bases militaires. « Les résultats doivent être bons puisqu’une province après l’autre décide de faire le saut », indique Valérie.

En fait, tout le monde doit apporter sa contribution pour améliorer l’accès à la première ligne… y compris le patient. Il est aberrant que près de 298 500 patients ne se soient pas présentés à leur rendez-vous, sur 30 mois, selon des données compilées par la FMOQ d’avril 2021 à septembre 2023.

« Les soins de santé sont peut-être gratuits, mais les personnes qui ne se présentent pas devraient payer 100 $ par exemple », considère Wayne. En réalité, les médecins ont déjà le droit d’imposer des frais, mais cela reste délicat, surtout si le patient est moins nanti.

Mais il faut être conscients que les « no show » font perdre aux médecins leur précieux temps. La santé, c’est notre responsabilité à tous.

1. Lisez notre éditorial « Les promesses brisées de notre système de santé » 2. Consultez les données sur les systèmes de santé des pays de l’OCDE 3. Consultez les données de la Régie de l’assurance maladie du Québec