Le chat est sorti du sac cette semaine.

Le gouvernement a finalement admis avoir modifié ses critères, à la demande de Northvolt, pour éviter que son projet d’usine de batteries vertes soit soumis à une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)1.

Après nous avoir juré le contraire pendant des mois, après avoir attaqué les journalistes et les écologistes qui posaient des questions légitimes, cet aveu forcé ébranle la confiance de la population qui n’aime pas se faire jouer dans le dos.

Pourquoi ne pas avoir été transparent dès le départ ?

Après tout, la population est relativement favorable à ce projet, même s’il soulève des enjeux bien réels, comme la protection des milieux humides. Le public est conscient de l’importance de la transition énergétique et il comprend que le Québec a une occasion en or de se positionner dans une industrie d’avenir, un pari sur lequel l’État a misé des milliards de dollars.

Mais ce n’est pas une raison pour brûler les étapes. La Coalition avenir Québec (CAQ) est pressée ? Soit ! Accélérons la cadence. Mais pas en coupant le sifflet aux citoyens qui voudraient participer aux audiences du BAPE, un processus moins long que le ministre de l’Environnement ne le laisse entendre.

La transition verte se fera avec la population, pas dans son dos. Pour restaurer la confiance et bâtir l’acceptabilité sociale, le gouvernement n’a pas le choix de laver plus blanc que blanc. Plus vert que vert.

D’autant que Northvolt n’est qu’un maillon de la chaîne qui nous permettra d’atteindre nos cibles de réduction de GES et de lutter contre les changements climatiques. À chaque maillon, il y aura des risques d’accrochage.

Déjà, l’extraction des métaux nécessaires à la fabrication de batterie soulève de grandes inquiétudes dans des zones de villégiature qui s’inquiètent pour la santé des lacs.

L’ambitieux plan de développement déposé par Hydro-Québec soulève aussi des enjeux fort délicats. On veut construire pas moins de 5000 kilomètres de lignes à haute tension dont les pylônes dérangeront de nombreuses communautés. On envisage la construction de nouveaux barrages hydro-électriques qui suscitent la méfiance des communautés autochtones.

Sans acceptabilité sociale, la grogne risque de bloquer les projets, comme on l’a vu à Salaberry-de-Valleyfield où la construction d’un parc d’éoliennes a été suspendue, en août, face à la contestation de la population bousculée par les délais trop courts.

Oui, il y a urgence d’agir contre les changements climatiques. Mais pas n’importe comment. Pas sans évaluer les impacts environnementaux. C’est un peu comme si, face à l’urgence de trouver un traitement contre le cancer, on laissait tomber les études cliniques nécessaires pour mesurer les effets secondaires du médicament. Ça n’aurait pas de sens.

Le ministre de l’Environnement Benoit Charette explique qu’il n’avait pas « 18 ou 24 mois à perdre » avec une audience du BAPE dans le projet Northvolt.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette

Mais soyons clairs : un BAPE dure quatre mois. Ce qui prend le plus de temps, c’est l’étude d’impact que doit produire l’entreprise au préalable et le jeu de ping-pong avec le Ministère qui analyse son dossier.

On pourrait donc aller plus vite, sans tourner les coins rond, en optimisant la bureaucratie (ex. : mener certaines étapes en parallèle avec le BAPE, éviter de reprendre l’analyse à zéro pour des projets semblables dans différentes régions).

Pour gagner du temps, Québec pourrait aussi demander au BAPE une évaluation environnementale stratégique portant sur le plan de transition verte dans son ensemble. Cela permettrait d’aplanir l’opposition citoyenne, en amont, et d’établir des balises communes qui accéléraient ensuite l’analyse des projets individuels.

Voilà des façons saines d’avancer plus vite. Bien plus saines que de changer les règles du jeu à la pièce pour favoriser un projet de façon partiale, comme avec Northvolt.

Éliminer le BAPE n’éliminera pas la contestation. Ça ne fera que l’attiser.

Depuis 45 ans, le BAPE est le forum qui permet de construire l’acceptabilité sociale en canalisant les préoccupations des citoyens de façon organisée et en trouvant des solutions pour bonifier les projets.

Un exemple ? Les audiences en vue de la construction de la ligne de haute tension Micoua-Saguenay, en 2019, ont mis de l’avant des solutions pour maximiser les retombées économiques régionales, améliorer la collaboration avec les Innus et mieux protéger le caribou forestier et les zones humides.

Le BAPE n’est pas là pour mettre des bâtons dans les roues, mais pour mettre de l’huile dans l’engrenage en écoutant les citoyens.

D’ailleurs, les trois quarts des projets soumis au BAPE reçoivent un avis favorable (21 %) ou un avis mitigé présentant certaines conditions (52 %), selon une compilation de 223 projets allant de 1979 à 2015, réalisée par les professeurs Mario Gauthier et Louis Simard2.

Même si le gouvernement n’est pas tenu de suivre l’avis du BAPE, l’exercice est loin d’être vain.

Si on veut embarquer la population dans la transition verte, on ne peut pas faire l’économie d’un débat public.

1. Lisez « Méga-usine de Northvolt : “On n’aurait pas eu de projet” avec un BAPE, affirme Benoit Charette » 2. Lisez un extrait de « La démocratie écologique » de Mario Gauthier et Louis Simard