Le Parti québécois demande une nouvelle enquête à la vérificatrice générale (VG) sur le projet de méga-usine de Northvolt, cette fois en lien avec les révélations de La Presse selon lesquelles le gouvernement a laissé tomber un autre critère qui aurait pu assujettir l’entreprise suédoise à une évaluation publique, le tout à sa demande.

« On s’interroge à savoir quels sont les barèmes retenus par le gouvernement pour éliminer ce seuil-là. Et surtout, est-ce que ce genre de décision fluctue en fonction de la demande et des intérêts financiers ou politiques qui sont derrière ? », dit le député péquiste Joël Arseneau, qui a fait parvenir une lettre à la VG, Guylaine Leclerc, jeudi.

Mardi, La Presse révélait qu’en avril 2023, Northvolt avait demandé à Québec de relever un autre seuil qui détermine si un projet est assujetti ou non à une évaluation du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), lors des consultations sur les changements réglementaires liés à l’industrie de la filière batterie. À l’époque, l’Ordre des chimistes avait de son côté recommandé de maintenir les critères ayant pour effet de faire passer le projet de Northvolt devant le BAPE.

La demande de Northvolt concernait sa capacité annuelle de production de batteries. Le gouvernement Legault prévoyait le fixer à 30 gigawattheures (GWh), alors que l’entreprise suggérait 40 GWh, pour répondre aux besoins de sa future usine.

Or, au lieu de hausser le seuil, Québec l’a tout bonnement éliminé, se disant incapable d’évaluer le risque réel. « La logique, c’était : comment pouvait-on justifier une variable si elle n’a pas d’assise par rapport au risque que ça engendre ? », a affirmé le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, en entrevue.

Cela s’ajoute à une première modification du gouvernement, qui a fait passer de 50 000 à 60 000 tonnes la capacité totale au-delà de laquelle tout projet de produits chimiques doit se soumettre à une évaluation du BAPE.

Dans sa lettre, M. Arseneau affirme que ces éléments suggèrent qu’« un traitement préférentiel aurait été accordé à Northvolt dans ce dossier, au mépris des pratiques administratives régulières, des normes environnementales reconnues et des critères objectifs d’analyse qui doivent s’appliquer à l’évaluation de tous les projets d’entreprise soumis au Ministère ».

« Très aléatoire »

En entrevue, Joël Arseneau ajoute qu’il est évident selon lui que le processus a été fait « de façon très aléatoire et de façon à convenir au projet ». « C’est pour nous très inquiétant », affirme le porte-parole du Parti québécois en matière d’environnement.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le député Joël Arseneau

C’est la deuxième demande d’enquête à la VG faite par son parti en quelques semaines. Fin février, les péquistes avaient aussi demandé à Mme Leclerc d’enquêter après la parution d’un reportage de Radio-Canada selon lequel des justifications scientifiques avaient disparu dans l’analyse du projet de Northvolt par le ministère de l’Environnement.

La première demande du PQ avait été proposée par l’entremise du commissaire au développement durable, ce qui n’est pas le cas de sa deuxième demande.

Rappelons que d’autres déclarations du ministre Benoit Charette révélées par La Presse ont aussi suscité une levée de boucliers tant du côté de l’opposition que chez les groupes écologistes, cette semaine. L’indignation s’est surtout concentrée autour du fait que le ministre a déclaré que le projet de méga-usine de Northvolt aurait déraillé s’il avait dû se soumettre à une évaluation du BAPE.