(Québec) Le projet de loi sur la protection des élus soulève des préoccupations chez Québec solidaire, qui s’inquiète de la « criminalisation possible » de gestes citoyens. Le chef du Parti conservateur Éric Duhaime dénonce l’initiative du gouvernement Legault, et souligne que ce n’est pas un enjeu « gauche-droite ».

« C’est certain que ça nous préoccupe. Je ne suis pas convaincue que l’équilibre ait été trouvé, non, avec ce qui a été nommé en commission parlementaire », a affirmé la co-porte-parole par intérim de Québec solidaire, Christine Labrie, en point de presse mardi.

Elle s’inquiète de la mise en garde des quatre grandes centrales syndicales, qui s’inquiètent des risques de « criminaliser la participation démocratique » du projet de loi d’Andrée Laforest pour protéger les élus contre l’intimidation et le harcèlement

Elles ciblent les articles indiquant qu’un élu visé par des « propos ou des gestes qui entravent indûment l’exercice de ses fonctions ou portent atteinte à son droit à la vie privée » peut demander une injonction à la Cour supérieure, ainsi qu’un article permettant de donner une amende de 50 à 500 $ à une personne qui, « lors d’une séance de tout conseil d’un organisme municipal, cause du désordre de manière à troubler le déroulement de la séance ».

Mme Labrie a également souligné le passage en commission parlementaire du Directeur général des élections, qui ne veut absolument pas recevoir le pouvoir d’enquêter sur des citoyens à la demande d’élus de l’Assemblée nationale.

« Admettons que vous êtes victime de menace. Nous, on devrait prendre des recours contre un citoyen, nous en tant qu’institution neutre et indépendante. Le citoyen pourrait penser qu’on prend votre défense alors qu’on est là pour gérer des élections », a expliqué la semaine dernière le directeur général des élections, Jean-François Blanchet, en commission parlementaire mercredi.

Mme Labrie espère que Mme Laforest acceptera d’améliorer son projet de loi lors de son étude détaillée. « Plusieurs groupes ont manifesté des préoccupations qui méritent d’être prises au sérieux », a-t-elle dit.

Pas un enjeu gauche-droite, dit Duhaime

À l’autre bout du spectre politique, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, se réjouit de voir d’autres groupes critiquer le projet de loi qu’il a dénoncé dès son dépôt, en avril dernier. « Ce n’est pas un enjeu gauche-droite. C’est un enjeu fondamental et démocratique. Le fait que des élus soient intimidés, c’est très grave, il faut que ce soit sanctionné », a-t-il dit, mais il craint les dérives. Il souligne par exemple le cas, fortement médiatisé, de la municipalité de Sainte-Pétronille qui a mis en demeure une centaine de citoyens.

Le conseil municipal, c’est un des rares forums démocratiques qui nous restent. L’impact concret, c’est que les gens vont moins s’exprimer, et que des contraventions vont être données à des empêcheurs de tourner en rond, et des sceptiques.

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Il estime qu’il y a souvent une grande proximité entre les directeurs généraux des villes, les maires et les directeurs de police. « On peut espérer que le juge va rendre une bonne décision, mais on n’a pas de certitude. C’est un vœu pieux », a déploré M. Duhaime.

Le PQ fait confiance aux juges

De son côté, le Parti québécois affirme qu’il compte « requestionner un certain nombre d’articles » lors de l’étude du projet de loi, mais le député Pascal Bérubé souligne qu’il « n’existe pas un droit d’importuner de façon éhontée des élus ou d’avoir des propos qui sont inappropriés ». « C’est une question d’équilibre, mais on salue l’initiative depuis le départ », a-t-il dit.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon croit qu’il y a peut-être lieu de clarifier certains articles, mais « tant que ça passe par un tribunal, et donc qu’il y a quelqu’un d’objectif qui se penche sur cet équilibre-là, le tribunal est tenu par la liberté d’expression qui est fondamentale dans notre société ».

Le chef par intérim du Parti libéral, Marc Tanguay, estime que le projet de loi, « sur le principe », est « à la bonne place ». « Ça prend un équilibre. Il ne faut pas, à un moment donné […] décourager la participation puis la démocratie citoyenne. Une fois que j’ai dit ça […] ça prend un rééquilibrage. Nos élus sont sous pression. Nos élus, on peut le voir, font face à des situations totalement inacceptables de harcèlement », a-t-il tonné.

Sa collègue Virginie Dufour, une ancienne élue municipale à Laval, a ajouté avoir déjà été la cible de menaces de mort. « À l’époque, il n’y avait pas de poignée, entre guillemets, pour intervenir. Donc, qu’il y ait un renforcement, je pense que c’est nécessaire, surtout quand on voit que les départs ne cessent de s’accumuler », a-t-elle dit.

« Je fais une prédiction, là, le 4 novembre prochain, là, on risque d’en voir beaucoup, des départs d’élus municipaux. Alors, il faut faire quelque chose. C’est notre démocratie qui est en jeu », a ajouté Mme Dufour.