(Québec) Le député de Québec solidaire Guillaume Cliche-Rivard défend son intégrité et affirme qu’il a suivi à la lettre les recommandations de la commissaire à l’éthique, alors qu’il est porte-parole en matière d’immigration et propriétaire d’un cabinet d’avocats spécialisé en immigration.

« Avant mon élection […] et dès mon élection, j’ai sollicité des avis à la commissaire à l’éthique. […] J’ai respecté ces avis à la lettre. On a une arbitre en matière d’éthique à l’Assemblée [nationale], c’est la commissaire. Je n’ai rien à me reprocher », a-t-il lancé lors d’une mêlée de presse, mardi.

Il réagissait à deux chroniques du Journal de Montréal qui relevaient que deux « députés-avocats », M. Cliche-Rivard et la libérale Brigitte Garceau, continuaient de travailler dans le domaine juridique où ils sont porte-parole comme députés de partis de l’opposition.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée libérale Brigitte Garceau

Mme Garceau est porte-parole libérale pour la protection de la jeunesse et pratique le droit familial chez Robinson Sheppard Shapiro, cabinet où elle est associée. M. Cliche-Rivard est de son côté propriétaire d’un cabinet en droit de l’immigration, dont il tire des revenus. Est-ce que le député solidaire a pu profiter de son statut de parlementaire pour attirer des clients et s’enrichir, par exemple ?

« Je n’ai même pas de site web. Ça serait vraiment… ce n’est pas ça, l’objectif. Je suis venu ici et j’ai été élu notamment en raison de mon expertise en matière d’immigration. J’ai ce rôle aujourd’hui. Je dors tranquille. J’ai respecté 100 % des recommandations de la commissaire », a-t-il lancé.

Dévoiler les avis

M. Cliche-Rivard n’avait tout d’abord pas souhaité rendre ces avis publics. Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, avait expliqué mardi matin qu’« il y a des informations personnelles dans certains de ces documents ».

Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a toutefois indiqué que ces documents étaient « d’intérêt public ». « Tout le monde gagnerait à avoir l’ensemble de l’avis de la commissaire à l’éthique pour qu’on sache comment se gouverner dans d’autres situations », avait-il répliqué. En début d’après-midi, Québec solidaire a fait parvenir les documents aux médias qui en ont fait la demande.

Dans ces avis, la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, résume des questions posées par Guillaume Cliche-Rivard lors de son arrivée en politique :

  • Est-ce que je conserve le droit de pratiquer la profession d’avocat à travers la firme C-R Avocats et de représenter certains clients devant des instances provinciales et fédérales ?
  • Le cas échéant, puis-je toucher des revenus d’emploi ? Et à titre d’actionnaire de la firme Cliche-Rivard Avocats, puis-je recevoir des dividendes ?
  • Puis-je demeurer actionnaire de la firme Cliche-Rivard Avocats et participer à sa gestion ?
  • Est-ce que la firme Cliche-Rivard Avocats doit changer sa dénomination sociale ?

Pas incompatible

La commissaire lui a répondu que « la poursuite d’activités professionnelles d’avocat à temps partiel pour votre société Cliche-Rivard Avocats ne représente pas une situation d’incompatibilité de fonctions ». Le député ne doit toutefois pas se « placer dans une situation » où son « intérêt personnel peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de [sa] charge ».

Elle souligne également qu’en « privilégiant le rôle d’avocat-conseil à celui de représentant de particuliers », M. Cliche-Rivard diminue « l’apparence de conflit d’intérêts ». Le député a le droit de « toucher des revenus d’emplois et, à titre d’unique actionnaire de cette société, recevoir des dividendes de celle-ci ».

Vous pouvez demeurer actionnaire de votre société et en assurer la gestion en étant seul administrateur de cette dernière. Toutefois, advenant le cas où Cliche-Rivard Avocats participerait à un marché avec le gouvernement, un ministère ou un organisme public, vous devrez vous soumettre aux conditions du commissaire.

Extrait de l’avis de la commissaire à l’éthique

La commissaire estime également que « le cabinet Cliche-Rivard Avocats inc. peut conserver son nom actuel ».

Elle donne aussi sa bénédiction au député de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui lui a demandé s’il pouvait participer à la commission parlementaire sur la planification pluriannuelle des seuils d’immigration au Québec pour la période 2024-2027.

Même si la firme Cliche-Rivard Avocats se spécialise exclusivement en droit de l’immigration et que sa « clientèle est en quelque sorte tributaire des seuils d’immigration qui seront déterminés pour les prochaines années, […] rien n’indique que le bassin de clients potentiels du cabinet sera grandement affecté ».

« Rien n’indique que les nouveaux arrivants choisiront de faire appel au cabinet C-R Avocats plutôt qu’à un autre en cas de besoin. À l’heure actuelle, il n’est donc pas possible de considérer que les travaux de la CRC [Commission des relations avec les citoyens] auront un impact financier présent ou raisonnablement prévisible pour vous », ajoute MMignolet.

Demeurer « vigilant »

La commissaire demande toutefois à M. Cliche-Rivard d’« éviter dans [ses] interventions toute confusion entre l’exercice de [sa] charge et [son] statut de propriétaire d’un cabinet juridique œuvrant exclusivement en droit de l’immigration ».

« Vous pouvez donc participer aux travaux de la Commission des relations avec les citoyens et, le cas échéant, exercer votre droit de vote. Toutefois, vous devez vous assurer du respect des autres règles déontologiques relatives aux conflits d’intérêts », explique-t-elle.

« L’objectif poursuivi par ces recommandations n’est certes pas de limiter votre apport aux débats considérant votre expertise en matière d’immigration, mais de faire en sorte qu’en toutes circonstances vous demeuriez vigilant à propos de toute question qui pourrait avoir une connexité avec le secteur d’activité de votre entreprise », conclut la commissaire.