(Québec) Sonia Bélanger veut redonner au CLSC ses « lettres de noblesse » et en faire la « porte d’entrée » unique des aînés. De l’aveu de la ministre, les usagers, de même que les travailleurs de la santé, en perdent leur latin quand il est question d’accès aux soins à domicile.

« Les gens me disent : Madame Bélanger, on ne sait même plus ce qui existe, on ne sait plus à quelle porte aller frapper. Je me le fais dire souvent, même les intervenants ne sont plus au courant des programmes. Ça ne marche pas », relate la ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés.

Selon elle, les CLSC ont « perdu de leur notoriété » au fil du temps et « des réformes » en santé. « On a retiré des choses aux CLSC qu’on a envoyées un peu partout [dans le réseau]. Il faut leur redonner leurs lettres de noblesse […] et retrouver le sens du mot communautaire », plaide-t-elle.

Dix CLSC « parmi les plus performants » en matière de services aux aînés seront choisis par la ministre en septembre pour lancer la nouvelle initiative, qui sera implantée à travers les 300 installations d’ici 2025.

Elle veut notamment élaborer des répertoires de services disponibles dans la communauté pour les aînés et former les employés pour qu’ils puissent guider l’usager. Mme Bélanger envisage même la création d’un nouveau « titre d’emploi » pour y arriver.

Pas besoin d’avoir un travailleur social avec une maîtrise, ça peut être un agent d’information spécialisé en programmes aînés. C’est comme ça que je le vois.

Sonia Bélanger, ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés

Cela permettrait aussi de « repérer » les aînés en perte d’autonomie pour agir en prévention, selon la ministre.

Or, une centaine d’organismes et groupes représentant des aînés ont demandé mercredi à la ministre de ne pas se contenter de faire des CLSC des « ressources informationnelles », et d’ouvrir ces installations 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Cette demande a été faite en clôture du Rendez-vous national sur le maintien à domicile de la Coalition pour la dignité des aînés, qui s’est tenu mercredi à Québec. Mme Bélanger y a prononcé une allocution en matinée.

« Le CLSC […] doit aussi être en mesure d’évaluer les besoins, d’offrir les soins ou de référer la personne au bon professionnel ou au bon prestataire de soins et services à domicile, que celui-ci soit issu du réseau public de santé et de services sociaux, d’entreprises d’économie sociale d’aide à domicile, d’organismes communautaires ou d’entreprises privées », écrivent les organismes.

Recommandation de la commissaire

Créer une porte d’entrée unique pour les aînés est une recommandation de la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, qui a mené – à la demande du gouvernement Legault – un examen complet de l’offre de soins à domicile au Québec, qu’elle a qualifiée d’« écosystème complexe ».

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay

Dans son rapport, Mme Castonguay recommande à Québec de créer « des bureaux régionaux de soutien à domicile comme porte d’entrée au soutien à domicile » dans le but de « soutenir les usagers dans la navigation dans le système » de santé.

« Je suis d’accord avec l’esprit de la recommandation, mais on n’ajoutera pas des bureaux régionaux dans toutes les régions du Québec », ce qui impliquerait des bureaux satellites dans les grands territoires. « On ne fera pas ça », a tranché Mme Bélanger.

La commissaire a salué l’initiative de la ministre, mais lui rappelle aussi « l’importance » de veiller à ce que les CLSC et les professionnels disposent des « ressources nécessaires ».

« Ces éléments sont essentiels pour que ces intentions se concrétisent et produisent des résultats tangibles pour les personnes concernées », écrit Mme Castonguay dans un courriel à La Presse.

En mars, Mme Castonguay affirmait à La Presse que le virage « massif » vers les soins à domicile promis par le gouvernement Legault se fait toujours attendre alors qu’il ne s’attaque pas aux « éléments fondamentaux » proposés dans son rapport.

L’initiative, qui n’a pas encore été chiffrée, sera financée à même les budgets disponibles, a-t-on indiqué au cabinet de Mme Bélanger. On ignore également si la mesure se traduira par la création d’emplois.

Des cibles atteintes

Par ailleurs, Québec a dépassé deux cibles en matière de soins à domicile. Le gouvernement est parvenu à réduire la liste d’usagers en attente d’un premier service de soutien à domicile, la faisant passer de 20 562 à 16 656 en un an. C’est un résultat meilleur que la cible prévue au 31 mars, fixée à 17 478. « C’est signe que le virage [vers les soins à domicile] est en train de se faire », a souligné la ministre.

Québec dépasse aussi sa cible annuelle de 32,2 millions d’heures offertes en soins à domicile ; le réseau en a offert 37,6 millions cette année. Pour le nombre d’usagers qui reçoivent des soins, le gouvernement rate son objectif de très peu.

Devant cette performance, la ministre s’engage à revoir à la hausse les cibles du plan stratégique du MSSS. Cela pourrait être de 20 % à 30 % plus ambitieux, a-t-elle dit.

Sonia Bélanger attribue ce succès à la mise en place de son projet-pilote qui allège les tâches administratives des intervenants psychosociaux1. Selon un sondage interne, ce changement aurait permis aux intervenants de gagner en moyenne 30 minutes par évaluation de patient. Elle enclenche d’ailleurs la phase 2 qui vise à réduire la paperasse pour le personnel infirmier. La Presse a révélé à l’automne que les tâches administratives accaparent 70 % du temps des travailleurs affectés aux soins à domicile2.

1. Lisez « Soins à domicile : moins de formulaires, plus de temps auprès des patients » 2. Lisez « Soins à domicile : trop de temps loin des patients »

Nombre de personnes en attente d’un premier service

  • Cible au 31 mars : 17 478
  • Résultat : 16 656

Nombre d’heures de services

  • Cible au 31 mars : 32,2 millions
  • Résultat : 37,6 millions

Nombre d’usagers recevant des soins à domicile

  • Cible au 31 mars : 387 807
  • Résultat : 386 469

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux

Dubé allège le fardeau administratif des médecins

Le gouvernement Legault déposera un projet de loi pour mettre fin aux ordonnances médicales imposées par les assureurs privés. On souhaite par exemple qu’il ne soit plus nécessaire d’obtenir une prescription du médecin pour obtenir un remboursement pour une visite chez un professionnel (physiothérapeute, massothérapeute) et pour l’achat d’une canne ou d’orthèses (équipement médical). Ce sera par ailleurs au médecin de déterminer la fréquence des rencontres de suivi pour une personne qui se trouve en situation d’invalidité. Actuellement, les assureurs privés peuvent demander un suivi médical tous les mois pour une personne en arrêt de travail, ce qui n’est pas toujours pertinent. Québec espère récupérer 500 000 rendez-vous médicaux par année. En février, les ministres Christian Dubé et Jean Boulet ont réduit une première fois la paperasse des médecins de famille en mettant fin à un vieux formulaire pour les demandes d’hébergement et en permettant aux omnipraticiens de déterminer eux-mêmes le suivi des patients indemnisés par la CNESST3. À ce moment, ils avaient télégraphié leurs intentions d’étendre la mesure au privé. Le projet de loi doit être déposé d’ici l’automne prochain. L’annonce survient au moment où M. Dubé et le syndicat des omnipraticiens se livrent un bras de fer au sujet d’un règlement les forçant à prendre en charge davantage de patients vulnérables.

3. Lisez « Médecins de famille : Québec coupe dans la paperasse »