(Ottawa) Le Parti conservateur et le Bloc québécois dénoncent le manque de contrôle du gouvernement face à la hausse continue du nombre de fonctionnaires fédéraux et du recours aux consultants. La Presse rapportait jeudi que près de 110 000 employés s’étaient ajoutés aux effectifs des ministères et organismes depuis 2015, une hausse de 42 %. L’affaire a rebondi à la période des questions, où le gouvernement a fait valoir qu’il avait augmenté le panier de services.

« Ça n’a pas de sens », s’est exclamé en entrevue le lieutenant politique des conservateurs pour le Québec, Pierre Paul-Hus.

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Le député conservateur Pierre Paul-Hus

« Si tu engages plus de monde pour faire des dossiers, tu n’as pas besoin de personne à l’externe pour 21 milliards par année. À un moment donné, ce n’est pas cohérent », a-t-il ajouté.

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L’arrivée au pouvoir des libéraux de Justin Trudeau en 2015 coïncide avec une augmentation du nombre de fonctionnaires après les coupes du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Le nombre de fonctionnaires est passé de près de 259 000 l’année suivante à environ 357 000 en 2023. Et la taille de l’État a encore augmenté au cours de la dernière année, atteignant quelque 368 000 employés au 31 mars 2024, selon le document du dernier budget fédéral.

Parallèlement, le recours aux consultants a aussi augmenté de façon continue sous les libéraux. Les services professionnels et spéciaux ont atteint « un niveau record de 21,6 milliards » pour l’année financière 2023-2024, souligne le directeur parlementaire du budget dans l’un de ses rapports.

« Le nombre de fonctionnaires augmente, la qualité des services diminue, a observé le porte-parole du Bloc québécois en matière de finances, Gabriel Ste-Marie. On peut penser aux cas d’immigration. Dans nos bureaux de [circonscription], on est tous débordés par ça. »

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Le député bloquiste Gabriel Ste-Marie

Les deux députés ont talonné le gouvernement à ce sujet lors de la période des questions. Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Steven MacKinnon, a défendu la hausse du nombre de fonctionnaires. « Il est certain que le gouvernement s’est occupé des choses. Il s’est occupé de l’aide pour nos aînés, de l’aide aux garderies, des soins dentaires et de la nutrition scolaire », a-t-il rappelé.

Ça prend des effectifs pour faire ça, les mêmes effectifs que les conservateurs se proposent de ravager, de compresser et de mettre à pied.

Steven MacKinnon. leader du gouvernement à la Chambre des communes

Le Parti conservateur du Canada ne cache pas que s’il prend le pouvoir, il mettra la hache dans les contrats accordés aux consultants, mais il demeure prudent quant à d’éventuelles coupes dans la fonction publique, sans toutefois les exclure complètement.

« Dans n’importe quel ministère, il va falloir se faire une image de ce qui se passe parce que l’on considère qu’il y a une perte de contrôle dans l’ensemble du gouvernement, a expliqué M. Paul-Hus. Il va falloir voir ce qu’il en est, et pour l’instant, on s’attaque à tout ce qui est consultants externes. On se dit : Regarde. S’il y a du monde, qu’on le fasse à l’interne. »

L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) redoute que le couperet ne tombe si les conservateurs forment le prochain gouvernement, même si ceux-ci courtisent actuellement les syndicats. « On craint un Pierre Poilievre majoritaire », admet le vice-président exécutif régional pour le Québec de l’AFPC, Yvon Barrière.

Il rappelle que sous Stephen Harper, les conservateurs avaient aboli 26 000 postes. Ils avaient notamment éliminé neuf bureaux qui offraient des services aux anciens combattants.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) pointe à la fois les libéraux et les conservateurs. « Ce qu’il faut faire, c’est réduire la dépendance sur les sous-traitants qui coûtent cher et qui ne font pas le travail, une dépendance créée par les libéraux et les conservateurs avant eux. C’est du gaspillage d’argent public et cela réduit la qualité de service pour la population », a commenté par écrit son chef adjoint, Alexandre Boulerice.

Le Bloc québécois fait valoir de son côté que l’« ingérence continuelle » du gouvernement de Justin Trudeau dans les champs de compétence des provinces, que ce soit en santé ou dans d’autres domaines, « amène des dédoublements ».

Alors, on a des fonctionnaires payés à Ottawa qui font la même job que des fonctionnaires payés à Québec et dans les autres provinces. Nous, ce qu’on leur dit, c’est : Essayez de bien faire votre job. Occupez-vous bien de l’efficacité de l’appareil fédéral.

Gabriel Ste-Marie, porte-parole du Bloc québécois en matière de finances

« Nous gérerons toujours l’argent des contribuables avec prudence, tout en fournissant les services de haute qualité que les Canadiens attendent », a indiqué la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, dans une déclaration écrite.

« La fonction publique modifie sa taille en fonction des priorités du gouvernement, les sous-ministres assurant la cohérence de la main-d’œuvre avec les priorités du gouvernement, a-t-elle précisé. Elle a rappelé que les fonctionnaires fédéraux représentaient 0,86 % de la population canadienne, une proportion comparable à celle de 2010 qui était de 0,84 %, selon l’Aperçu démographique de la fonction publique du Canada.

Quant à la prestation de services, la ministre Anita Anand a ajouté que le gouvernement était en train de remplacer et moderniser ses systèmes numériques pour que « tous les Canadiens aient accès aux services de haute qualité qu’ils méritent ».