(Québec) Confronté à des coûts et des délais qui explosent, le gouvernement Legault a déposé jeudi deux projets de loi dans l’espoir de mieux gérer les projets de transport collectif et ceux d’infrastructures publiques en général.

La ministre des Transports Geneviève Guilbault a présenté au Salon bleu son texte législatif créant Mobilité Infra Québec, une agence qui aura notamment pour mandat d’analyser, de planifier et de réaliser « des projets complexes de transport ». Il s’agit de projets de transport collectif et routiers – comme la construction d’un pont. C’est le gouvernement qui lui confiera les projets. L’agence n’est pas responsable de l’exploitation des systèmes de transport collectif.

Selon le projet de loi, Mobilité infra Québec, dont le siège sera à Québec, n’est pas assujettie à la Loi sur la fonction publique, mais bien à celle sur la gouvernance des sociétés d’État. On peut ainsi offrir des salaires plus élevés que ceux des fonctionnaires aux dirigeants et aux employés de cette agence. Mobilité Infra Québec comptera jusqu’à cinquante employés au départ, selon la ministre. Des dirigeants seront recrutés dans des firmes privées ou même à l’étranger, précisait-elle. Le projet de loi prévoit des modalités de transfert d’employés du ministère des Transports vers la nouvelle agence.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Geneviève Guilbault

Mobilité Infra Québec sera administrée par un conseil d’administration composé de neuf membres, dont le président du conseil, le président-directeur général et le sous-ministre des Transports ou son représentant. La durée de leur mandat est d’au plus cinq ans.

Mobilité Infra Québec peut, avec l’autorisation du gouvernement, acquérir ou constituer des filiales.

Le Syndicat de la fonction publique du Québec s’oppose à la création de Mobilité Infra Québec qui « conduirait à une pratique de gouvernance antidémocratique ». Il y voit « l’abandon du principe de responsabilité ministérielle, la pente dangereuse de la gestion par conseil d’administration, la possible proximité douteuse avec les intérêts de l’industrie ». Le gouvernement doit plutôt renforcer l’expertise au ministère des Transports selon lui.

Le projet de loi prévoit que le Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT) financera les projets complexes de transport ou les mandats sous la responsabilité de Mobilité Infra Québec.

« Dans le cadre d’une responsabilité confiée à Mobilité Infra Québec relativement à un projet complexe de transport collectif, le ministre doit convenir avec les municipalités locales, les sociétés de transport en commun, le Réseau de transport métropolitain ou l’Autorité régionale de transport métropolitain, lorsqu’ils sont visés par le projet, du montant d’une contribution financière de leur part. À défaut d’entente, le gouvernement fixe le montant de la contribution financière exigible des organismes », indique le projet de loi.

« Mobilité Infra Québec peut également réaliser des analyses en transport à la demande du ministre […] et exécuter tout autre mandat que le gouvernement lui confie », ajoute-t-on. Ces analyses peuvent porter sur la « planification en mobilité ». Et dans ce cas, Mobilité Infra Québec « peut planifier la coordination des différents services en transport ainsi que le maintien, l’amélioration et le remplacement d’équipements et d’infrastructures de transport ».

L’agence « doit notamment, dans la mesure où la planification en mobilité les concerne, consulter le ministre des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, les communautés métropolitaines, les municipalités régionales de comté, les municipalités locales, les sociétés de transport en commun, le Réseau de transport métropolitain et l’Autorité régionale de transport métropolitain pour établir les besoins en matière d’aménagement et d’urbanisme ».

Le projet de loi modifie la Loi sur les infrastructures publiques pour que Mobilité Infra Québec ait les coudées franches afin de réaliser la gestion et la maîtrise d’un projet d’infrastructure.

Geneviève Guilbault a accordé une entrevue à La Presse sur la création de Mobilité Infra Québec la semaine dernière. Elle a justifié cette nouvelle structure indépendante inspirée de CDPQ Infra – et un peu de Santé Québec aussi – en disant notamment que le gouvernement n’a pas l’expertise à l’interne en matière de transport collectif et qu’il est nécessaire de centraliser la planification des projets. Le mandat de Mobilité Infra Québec, « on pourrait y voir un chevauchement avec la mission de l’ARTM », l’Autorité régionale de transport métropolitain, reconnaissait-elle.

Il y a eu des résistances au gouvernement au sujet de la création de cette agence, comme La Presse l’a démontré la semaine dernière.

De son côté, le ministre des Infrastructures, Jonatan Julien, a dévoilé son projet de loi « visant principalement à diversifier les stratégies d’acquisition des organismes publics et à leur offrir davantage d’agilité dans la réalisation de leurs projets d’infrastructures ». Il veut réduire les coûts et les délais pour construire des écoles, des routes ou du transport collectif par exemple.

Avec ces modifications législatives, il crée un nouveau type de contrat, le « contrat de partenariat ». Cela va permettre « l’approche collaborative », une façon de faire qui repose sur l’idée que l’entrepreneur doit être mis dans le coup lors de l’étape de la planification du projet, et qu’il puisse aider l’État à réduire ses coûts en l’aidant à mieux le concevoir.

Selon M. Julien, les projets se réaliseront jusqu’à 25 % plus vite et coûteront 15 % moins cher, et les entrepreneurs, comblés, « font la vague ».

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Ce n’est pas la première fois que Québec tente de donner un coup de barre en matière d’infrastructures. Il avait fait adopter en 2020 une loi pour accélérer environ 200 projets dont les résultats ont été mitigés. Ce sont surtout les Maisons des aînés – une promesse caquiste – qui ont poussé rapidement, mais à un coût beaucoup plus élevé que prévu.