(Québec) Ceux qui veulent suivre des cours de français offerts par le gouvernement doivent être patients avec Francisation Québec, qui ne respecte toujours pas sa propre cible pour traiter les dossiers ouverts. Malgré une hausse « phénoménale » des demandes, principalement liée à la croissance de l’immigration temporaire, les nombreux investissements pour bonifier l’offre de cours ne parviennent pas à freiner le déclin du français dans la province.

Dans son rapport annuel 2023-2024, le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, constate que le guichet unique d’accès aux cours de français offerts par le gouvernement, Francisation Québec, ne parvient toujours pas à atteindre sa propre cible de traiter 80 % des demandes à temps complet dans un délai de 50 jours. Du 1er avril 2023 au 31 mars 2024, « la proportion de nouveaux élèves ayant commencé leur premier cours de français dans les 50 jours suivant la réception de la demande [était] de 67,7 % », alors que pour l’année 2022-2023, « la norme de service de 50 jours avait été respectée dans 85,5 % des dossiers ».

De plus, en tenant compte des cours à temps complet ou à temps partiel, ainsi que de la durée moyenne de la participation des étudiants, le commissaire Dubreuil estime que « le nombre total d’heures de formation offertes en 2023-2024 correspond à environ 2 % de celui qui aurait été nécessaire pour que l’ensemble des personnes domiciliées au Québec qui ne connaissaient pas le français puissent terminer les niveaux débutant et intermédiaire ».

Selon lui, cette situation s’explique par le fait que « la majorité des participants aux cours […] sont inscrits à temps partiel et n’y restent que quelques mois », dans le contexte où ils occupent en même temps un emploi afin de subvenir à leurs besoins.

L’effet de l’immigration temporaire

Selon Benoît Dubreuil, « le nombre de personnes qui ne connaît pas le français augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de personnes que l’on francise, et c’est essentiellement lié à l’importance de l’immigration temporaire ».

Le commissaire précise que l’augmentation du nombre de personnes qui souhaitent suivre un cours de francisation a débuté bien avant la création de Francisation Québec, en activité depuis maintenant un an, et qu’elle s’explique par divers facteurs, notamment l’introduction d’une allocation de participation pour les cours à temps partiel et l’élargissement de l’admissibilité aux résidents non permanents. De 2018-2019 à 2023-2024, le nombre de participants aux cours de français a plus que doublé, passant de 30 734 à 68 844.

« Cette année, les travailleurs étrangers temporaires ont représenté la moitié des participants aux cours de français gouvernementaux. Si nous y ajoutons les demandeurs d’asile et les étudiants internationaux, nous constatons que les résidents non permanents ont représenté les deux tiers des participants aux cours de français », affirme M. Dubreuil, rappelant qu’au « recensement de 2016, la population non permanente au Québec se chiffrait à 86 065, mais [qu’elle] avait atteint 560 174 au 1er janvier 2024 ».

La francisation « n’est pas une panacée »

Le commissaire à la langue française rappelle que la francisation à elle seule n’est pas une « panacée » pour protéger le français au Québec.

« En ce moment, le nombre de personnes qui ne connaît pas le français augmente beaucoup plus rapidement que le nombre de personnes que l’on francise. […] [La francisation], ce n’est pas la panacée. Si on ne fait pas de francisation ou si on fait moins de francisation, ça sera pire. […] Mais c’est sûr qu’il y a des limites à ce qu’on puisse faire avec la francisation », affirme-t-il.

Selon lui, le gouvernement du Québec doit prioritairement « augmenter le niveau général de connaissance du français à l’entrée [des immigrants] et s’assurer que les gens en fassent déjà une partie avant d’arriver [au Québec] », entre autres.

Le dernier budget du gouvernement Legault prévoit 320 millions sur cinq ans pour augmenter l’offre de cours de Francisation Québec. En mêlée de presse mercredi, le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a affirmé qu’il fallait continuer d’augmenter l’offre de cours, mais aussi réduire la demande, « car on accueille beaucoup trop d’immigrants temporaires, particulièrement de demandeurs d’asile ». Dans son rapport, le commissaire Dubreuil précise qu’une « part importante des participants en 2023-2024 n’avait pas un statut permanent [et que ceux-ci] appartenaient en ordre d’importance à la catégorie des travailleurs temporaires (48,6 %), à celle des étudiants étrangers (9,4 %) et à celle des demandeurs d’asile (5,4 %) ».

Benoît Dubreuil estime par ailleurs que la population domiciliée au Québec qui ne connaît pas le français s’est établie à 641 589 personnes au 1er octobre 2023, « soit 474 555 ayant un statut permanent et 167 034 ayant un statut temporaire ». En 2023-2024, « le nombre de personnes ayant participé à au moins un cours de Francisation Québec représente environ 11 % de la population domiciliée au Québec qui ne connaissait pas le français ».