Je n’avais jamais opiné en ces pages sur Northvolt, on me pardonnera d’arriver si tard dans le débat.

D’abord, mon point de vue : je comprends le pari que fait le gouvernement du Québec en tentant de se positionner dans l’écosystème de la fabrication de batteries pour véhicules électriques. C’est une filière pleine de promesses.

J’ai utilisé le mot « pari », parce que c’en est un. Comme tout investissement. Mille choses peuvent se mettre dans le chemin du succès du pari batterie.

Je comprends aussi que Northvolt a des contraintes de temps, que cette usine doit lever de terre rapidement. Je ne doute pas que le géant suédois était courtisé par d’autres.

Bref, vous l’aurez deviné : j’ai un préjugé favorable pour Northvolt. Je comprends l’empressement. Mais je trouve que cet argument commence aussi à ressembler à un épouvantail bien commode pour tout justifier.

Le Québec a de l’énergie disponible, abordable et propre. Le site est tout près d’une ligne de transport, à bonne distance relative des sites d’extraction de lithium. Les autres endroits où aurait pu s’installer Northvolt ont-ils tous ces atouts ?

Voici ce que je ne comprends pas…

Je ne comprends pas les cachotteries. Le parrain du projet Northvolt, Pierre Fitzgibbon, le porte avec son énergie atomique habituelle. Fort bien. M. Fitzgibbon a aussi juré ses grands dieux pendant des semaines que le rigoureux processus de réglementation environnementale québécois était rigoureusement respecté.

Déjà, un discret changement réglementaire quelques semaines avant l’annonce de Northvolt, changement qui a eu pour effet de soustraire l’usine à l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), était… suspect1.

Mais mardi, le proverbial chat est sorti du sac : le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a reconnu en entrevue avec La Presse que, oui, il avait manœuvré pour soustraire Northvolt à une évaluation du BAPE, car il craignait que le projet n’échappe au Québec2.

Mes amis écologistes n’aimeront pas la phrase suivante : je comprends le gouvernement d’avoir eu cette crainte, celle de perdre l’usine du géant suédois. Je comprends le gouvernement d’avoir choisi de ne pas courir le risque de « perdre » Northvolt en mettant le projet d’usine sur la glace pendant près de deux ans.

Mais avec son aveu de mardi, Benoit Charette reconnaît aussi que le gouvernement n’a pas dit la vérité aux Québécois.

Ça, je ne le comprends pas, je ne l’accepte pas. Et si le gouvernement a manœuvré – puis caché avoir manœuvré – pour soustraire Northvolt à une évaluation du BAPE, ça jette un sérieux doute sur le reste du processus réglementaire du ministère de l’Environnement.

Le gouvernement aurait pu dire dès l’annonce de la venue de Northvolt qu’il avait mis l’usine de batteries sur une voie ultrarapide visant à lui éviter une évaluation du BAPE et autres tracasseries réglementaires. Il ne l’a pas fait. Il a choisi de faire semblant que le projet n’avait pas bénéficié d’accommodements… alors que c’était faux : on a fait des accommodements pour Northvolt.

Le gouvernement aurait pu choisir d’encaisser un coût politique en étant transparent avec les Québécois. Mais en faisant semblant que Northvolt était soumise à un processus environnemental rigoureux, le gouvernement a choisi de payer un prix politique en ne disant pas la vérité aux Québécois.

Le plus tragique ? Je pense que nos concitoyens comprennent que le pari de la batterie peut être payant financièrement et environnementalement. Je pense que les Québécois comprennent que la filière batterie n’est pas la filière du gaz de schiste. Je pense qu’ils auraient compris, si on avait été transparents avec eux, le pari de l’urgence pour Northvolt.

Il faut aussi s’interroger : une évaluation du BAPE doit-elle nécessairement, au minimum, prendre 18 mois ? Et jusqu’à deux ans ?

Remarquez que 18 à 24 mois pour mener des consultations environnementales, c’est très, très long, mais quand on y pense, c’est tout à fait en phase avec tant de choses, dans cette province…

Le Québec : où il faut 10 ans pour construire un hôpital, des années et des années pour implanter les recommandations d’une commission d’enquête sur la maltraitance des enfants, et où on finit parfois par vous attribuer un médecin de famille alors que vous êtes déjà mort.

1. Lisez l’article « Méga-usine de 7 milliards : le projet de Northvolt à l’abri du BAPE » 2. Lisez l’article « Méga-usine de Northvolt : “On n’aurait pas eu de projet” avec un BAPE, affirme Benoit Charette »