« Révolution ou apocalypse », « L’écocide continue », « Vous mourrez de vieillesse, mais nous, nous n’aurons pas cette chance »… À lire les sombres messages des pancartes brandies dans les rues de Montréal, dimanche, une vieille image m’est revenue en tête.

C’était plus fort que moi, ces messages apocalyptiques m’ont rappelé Philippulus, le prophète de malheur de L’Étoile mystérieuse de Tintin. Vous savez, le savant fou à barbe blanche qui bat un gong en pleine rue en proclamant : « C’est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! »

Ça y est, me suis-je dit, je souffre de fatigue climatique. Et je ne suis malheureusement pas la seule, dirait-on. Il y a cinq ans à peine, le Jour de la Terre réunissait des centaines de milliers de manifestants à Montréal, pour une mobilisation sans précédent. Dimanche, ils n’étaient que quelques centaines.

Il faut dire que le discours catastrophiste ambiant à propos des changements climatiques ne fait rien pour arranger les choses.

Ce discours prétend, en gros, que nous sommes cuits – enfin, que nous le serons, littéralement, dans quelques décennies. On l’entend souvent : il n’y a plus rien à faire pour stopper le réchauffement de la planète. Les jeux sont faits, nous avons déjà perdu.

On l’entend souvent, mais ce n’est pourtant pas ce qu’en dit la science du climat1. Au contraire, les experts assurent désormais qu’il est encore temps de limiter les dégâts, si tout le monde s’y met dès maintenant.

Auparavant, la plupart des scientifiques estimaient que, même en éliminant l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES), la planète continuerait à se réchauffer pendant 30 ou 40 ans. Ce n’est plus le cas. Après avoir révisé leurs estimations, les climatologues croient maintenant possible de renverser la vapeur en seulement quelques années.

Tout n’est donc pas perdu. Nous ne sommes pas condamnés. Nos enfants non plus. Nous avons encore le pouvoir de changer le cours des choses, à condition d’agir rapidement, résolument et efficacement.

Le problème, c’est que la bonne nouvelle ne s’est manifestement pas encore rendue aux oreilles de tout le monde…

Il y a 12 ans, le climatologue américain Michael Mann se battait contre les négationnistes du climat. Il avait même poursuivi en diffamation des blogueurs qui l’accusaient de fraude scientifique. En février, après de longs démêlés judiciaires, il a enfin gagné sa cause.

Désormais, Michael Mann se bat contre une nouvelle forme de désinformation : le catastrophisme climatique. Comme lui, plusieurs climatologues affirment maintenant passer plus de temps à argumenter avec ceux que les anglophones appellent les doomers qu’avec les négationnistes du climat !

Ces derniers, on le sait, ont longtemps accusé les scientifiques d’exagérer la crise climatique. Les doomers, au contraire, leur reprochent de la minimiser. Et ils gagnent malheureusement en influence.

PHOTO PETE MAROVICH, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Le climatologue américain Michael Mann

Michael Mann se bat contre ce discours fataliste, non seulement parce que la science ne le justifie pas, mais aussi parce qu’il décourage beaucoup de gens. Si tout est fichu, à quoi bon tenter quoi que ce soit ?

Le danger, si les gens ne tentent rien, c’est de voir la prophétie de malheur s’autoréaliser : la planète sera alors réellement fichue !

Il ne faut pas croire que seuls des écolos défaitistes tiennent ce genre de discours alarmiste. Certains « attisent les flammes du cataclysme climatique » pour décrédibiliser les efforts de ceux qui plaident pour un véritable changement, a déploré Michael Mann lors d’une conférence à Harvard2, début avril.

D’autres ont compris que ce type de discours était payant. The New Climate Denial3, un rapport du Centre de lutte contre la haine numérique, dissèque la façon dont certains producteurs de contenus et médias sociaux s’enrichissent en répandant cette nouvelle forme de déni climatique. À lui seul, YouTube en tire 18 millions de dollars par an…

Contre la fatigue, voire l’engourdissement climatique, se dresse une armée d’hommes et de femmes optimistes, résolus et inspirants. La Presse a brossé le portrait d’une poignée d’entre eux, lundi4. « Le discours alarmiste a été galvaudé », s’est désolée la biologiste marine Anne-Marie Asselin en entrevue avec ma collègue Valérie Simard. « Les gens se sentent coupables. Il faut y aller de façon plus constructive et dire : il y a de l’espoir, voici ce qu’il faut faire. »

De son côté, Étienne Leblanc, journaliste à Radio-Canada, s’est interrogé : « On sait aujourd’hui qu’il est possible de changer le cours des choses et pourtant, on décroche. Ma question : est-ce que notre façon de communiquer les informations sur le climat nourrit notre apathie ? »

Pour y répondre, le journaliste spécialisé en environnement a lancé le balado 1000 questions, une planète5. Je vous le recommande : c’est posé, réfléchi et plein de solutions concrètes à la crise climatique. Bref, c’est tout sauf sensationnaliste. La planète en a bien besoin.

1. Lisez le texte de Michael Mann (en anglais) 2. Lisez l’article sur la conférence de Michael Mann à Harvard (en anglais) 3. Consultez le rapport du Centre de lutte contre la haine numérique (en anglais) 4. Lisez le dossier de La Presse 5. Écoutez le balado 1000 questions, une planète