Passionnée de plongée sous-marine depuis l’âge de 16 ans, Anne-Marie Asselin aurait pu vivre de cette passion en continuant à accompagner des voyageurs fortunés dans leurs grandioses séjours de plongée. Devenue biologiste marine, cette native de Québec voue plutôt sa carrière à la protection du Saint-Laurent à travers l’Organisation Bleue, l’organisme qu’elle a cofondé.

Anne-Marie Asselin arrive à vélo à notre rendez-vous fixé près de la marina du quai de l’Horloge, dans le Vieux-Port de Montréal. S’asseoir près du fleuve, alors que souffle une forte brise venue du nord-est, marque pour elle une pause dans une semaine occupée. Au début du mois, l’Organisation Bleue a dévoilé un rapport dressant un portrait de la pollution plastique dans l’est du Canada. Premières du genre au pays, ces recherches, financées en partie par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), ont été menées pendant cinq ans, dans le fleuve, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent.

PHOTO FOURNIE PAR L’ORGANISATION BLEUE

L’Organisation Bleue a mené 91 nettoyages, des Grands Lacs jusqu’à l’océan Atlantique.

Un total de 20 tonnes de déchets de plastique (mégots de cigarettes, morceaux de plastique, bouteilles, emballages) ont été caractérisées, inventoriées et analysées. Une pollution d’une ampleur plus grande que ce à quoi l’équipe de recherche s’attendait. « Ça nous indique que la problématique est réelle et omniprésente, observe Anne-Marie Asselin. À Anticosti, sur le versant qui fait face au Golfe, c’étaient des dépotoirs à ciel ouvert. Les courants transportent les déchets jusqu’à ces rivages dépourvus d’humanité. Quand vient le temps d’attribuer des statuts de patrimoine de l’UNESCO, mais qu’aucun plan de conservation réel n’est mis en place, c’est un peu un coup d’épée dans l’eau. »

Consultez le rapport Portrait de la pollution plastique 2019-2024

Histoire d’amour avec le fleuve

Son histoire d’amour avec le fleuve remonte à l’enfance : des étés passés dans le Bas-Saint-Laurent, les marches à marée basse pour cueillir les mollusques, les baignades avec les phoques. « Je pense que c’est Trois-Pistoles qui m’a donné autant d’amour pour le Saint-Laurent », dit celle qui, dès l’école primaire, souhaitait devenir biologiste marine.

Après des études universitaires qui l’ont amenée à participer à la mission 1000 jours pour la planète, pilotée par Jean Lemire, elle a œuvré sur la scène internationale, notamment pour la Convention sur la diversité biologique de l’ONU, et a été membre de la délégation québécoise dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat de 2015.

En fondant l’Organisation Bleue, elle avait le désir d’introduire les milieux marins dans le discours environnemental au Québec et de rejoindre un jeune public en s’éloignant du discours catastrophiste.

Le discours alarmiste a été galvaudé. Les gens se sentent coupables. Il faut y aller de façon constructive et dire : il y a de l’espoir, voici ce qu’il faut faire.

Anne-Marie Asselin

Il s’agit, selon elle, de réduire la production et la consommation de plastique, d’élargir la responsabilité des producteurs et de financer de grandes opérations de dépollution des berges.

L’Organisation Bleue travaille d’ailleurs à développer, avec l’aide de l’intelligence artificielle, un système de modélisation de la pollution dans l’est du Canada qui permettrait de prédire la trajectoire des déchets lors de déversement d’eaux usées causées par de fortes pluies.

À la fin du mois, Anne-Marie Asselin présentera ses travaux de recherche à Ottawa dans le cadre de l’avant-dernière séance de négociations pour l’adoption d’un traité international sur la pollution par le plastique. Puis, l’été prochain, elle repartira au large. Ce deuxième chapitre de l’Expédition Bleue, une aventure à voile à la fois scientifique et créative, permettra à l’équipage de mesurer l’ampleur de la pollution plastique dans des secteurs encore inexplorés.

Après plusieurs années à militer pour que des actions soient prises pour sauvegarder les écosystèmes, elle a le sentiment que le vent est en train de tourner. « Il y a réellement une armée d’humains qui travaillent dans la société à veiller sur l’environnement. C’est extraordinaire et je ne pense pas que les gens le réalisent. »