Lorsque Matthew Roy a quitté le New Hampshire en 2020 pour démarrer une ferme dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, l’une des nouvelles cultures sur lesquelles il s’est concentré était le safran.

Cette épice si chère que l’on a surnommée l’or rouge est traditionnellement cultivée en Iran, en Inde, en Afghanistan, en Espagne et dans une poignée d’autres pays.

« Nous avons décidé d’apporter deux nouvelles cultures en Nouvelle-Écosse, particulièrement en raison du changement climatique », a récemment déclaré M. Roy depuis sa ferme Coastal Grove, située à Upper Port La Tour, en Nouvelle-Écosse. L’autre nouvelle culture était le thé.

« Nous savions qu’il allait faire plus chaud ici », a-t-il expliqué.

M. Roy a indiqué que le pari du safran avait été récompensé avec des rendements qui l’ont surpris. En 2021, il a récolté 172 grammes de cette épice prisée, et en 2022, cette quantité est passée à 342 grammes.

Les pluies extrêmes de l’été et de l’automne derniers ont nui au rendement, qui est tombé à 66 grammes. Sur le site web de Coastal Grove, un contenant d’un gramme de safran de Nouvelle-Écosse certifié biologique se vend 49,99 $.

Margaret Skinner, professeure et chercheuse à l’Université du Vermont, étudie la plante et travaille avec M. Roy sur sa ferme, qui cultive également des légumes et des fines herbes. Même si le réchauffement des températures rend la Nouvelle-Écosse plus hospitalière pour le safran, d’autres effets climatiques, comme la sécheresse et les inondations, pourraient être nocifs.

« Il ne s’agit pas simplement de : “Oh, il fait plus chaud en hiver ou plus chaud, plus sec ou plus humide en été” », a-t-elle soutenu.

« C’est plutôt que nous sommes confrontés à des phénomènes météorologiques extrêmes. Quand nous avons une sécheresse, il fait très sec pendant une longue période. Quand il fait chaud, il fait très chaud pour nous. Quand il pleut, c’est souvent un déluge. »

Une adaptation aux changements

Navin Ramankutty, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en science des données pour des systèmes alimentaires mondiaux durables à l’Université de la Colombie-Britannique, est d’accord avec Mme Skinner.

Il a souligné des problèmes similaires au Canada, en particulier le récent dôme de chaleur et les inondations qui ont touché la Colombie-Britannique au cours des deux dernières années.

« Les agriculteurs s’adaptent à ce changement, a-t-il indiqué. Peut-être que les cultures que nous cultivons actuellement dans ces endroits, nous ne pouvons pas continuer à les cultiver. Peut-être que les agriculteurs se tourneront vers des cultures différentes, des cultures plus adaptées aux climats plus chauds. »

Une étude de 2022 publiée dans la Revue canadienne des sciences végétales a révélé que la culture du safran dans les climats froids est confrontée à des défis, car les basses températures du sol entravent la floraison, mais elle affirme que de bonnes techniques agricoles pourraient améliorer les résultats.

« Bien qu’il y ait des indications selon lesquelles le rendement du safran est plus élevé dans les climats avec des étés chauds, des pluies en automne et des hivers frais, typiques du bassin méditerranéen, la production de safran dans le climat plus froid du Québec, du Canada et de la Nouvelle-Angleterre adjacente se poursuit depuis cinq à dix ans. »

Une épice prisée

Habituellement récoltées de mi-octobre à mi-novembre, les fleurs de crocus violets sont cueillies à la main. Les pétales sont séparés – également à la main – et les trois petits et délicats stigmates sont soigneusement isolés, puis séchés au soleil, devenant ainsi l’une des épices les plus chères et les plus recherchées au monde.

Le safran est utilisé dans des produits notamment alimentaires, médicaux et cosmétiques. Un kilo nécessite les stigmates d’environ 150 000 fleurs et se vend jusqu’à 6000 $.

Bashir Ahmad Allie, responsable de la recherche avancée sur le safran et les graines d’épices à l’Université des sciences et technologies agricoles du Cachemire Sher-e-Kashmir, n’est pas surpris que certaines régions du Canada soient capables de cultiver cette épice sensible, compte tenu de l’évolution du climat à travers le monde.

Il a déclaré qu’il aimerait collaborer avec les agriculteurs d’ici pour comprendre comment le changement climatique affecte la région et la croissance du safran. Au Canada, l’épice est maintenant cultivée dans certaines régions de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique.

Alors que la culture du safran au Jammu-et-Cachemire se transmet de génération en génération, le changement climatique détourne certains jeunes, a déclaré M. Allie. Le réchauffement et les températures imprévisibles obligent les agriculteurs à consacrer plus de temps, d’argent et d’efforts sans aucune garantie de rendement, a-t-il noté.

Dans les années 1990, M. Allie a déclaré que la région a connu un « schéma de pluie uniforme » de mai à octobre, mais qu’au cours des dernières années, elle a connu des chutes de neige, de la grêle, des inondations et des sécheresses inhabituelles pour la saison.

« Le changement climatique est une réalité. Il crée des ravages pour le safran, a-t-il soutenu. Et ça nous choque. »