« C’est horrible. C’est un manque de civisme. On devrait avoir ce souci de composter », s’exclame Angèle Deblois. L’habituée du marché Jean-Talon vient d’apprendre qu’il n’y a pas d’installations de compostage dans les grands marchés publics de Montréal.

Le groupe Mères au front de Montréal et l’Association québécoise Zéro Déchet se sont rendus au marché Jean-Talon dimanche matin pour informer les clients de cette situation qu’ils jugent « inadmissible ».

« On est des citoyens et citoyennes qui font leur compost à la maison. On essaie d’être zéro déchet, on mange moins de viande. C’est choquant quand on voit que de grandes institutions ne font pas les efforts », dit Nathalie Ainsley, de l’organisme Mères au front et de l’Association québécoise Zéro Déchet.

Cinq minutes après leur arrivée dans le marché, on leur a demandé de quitter l’établissement. C’est sous la pluie qu’ils ont poursuivi leur action de sensibilisation. Ils ont invité les clients à envoyer des lettres aux élus de Montréal et à la Société des Marchés publics de Montréal pour demander d’accélérer le processus de mise en place d’une solution de compostage.

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Action de sensibilisation du groupe Mères au front de Montréal et l’Association québécoise Zéro Déchet, au marché Jean-Talon

« C’est incongru. Je ne pensais pas que c’était possible », lance Valéria Moro, rencontrée à son arrivée au marché. Il y a quelques années, sa fille faisait du déchétarisme, ou dumpster diving, au marché Jean-Talon. Cette technique consiste à fouiller les poubelles à la recherche d’aliments encore consommables pour éviter le gaspillage alimentaire. « Mais je pensais que depuis, c’était réglé. J’espère que des mesures vont être mises en place. »

D’ici la fin du mois de mai, une première phase de collecte du compost sera déployée au marché Jean-Talon, soutient le directeur général de la Société des Marchés publics de Montréal, Nicolas Fabien-Ouellet. « Dans quelques jours, on va pouvoir déployer des bacs bruns dans une de nos salles à déchets », explique-t-il.

340 tonnes de matières organiques

Le marché Jean-Talon faisait lui-même la promotion du compost dès 2008 en donnant des ateliers et des sacs de compost, se remémore Nathalie Ainsley. Elle se dit donc choquée qu’il n’existe pas d’installations de compostage, 16 ans plus tard.

Les entreprises du marché Jean-Talon génèrent autour de 500 tonnes de déchets par année, selon les estimations de la Société des Marchés publics de Montréal. Du nombre, environ 340 tonnes sont des matières organiques.

Enfouies, les matières organiques produisent du méthane qui pollue les sols et les eaux, et contribuent au débordement des sites d’enfouissement. Composter permet plutôt de valoriser la matière pour enrichir les sols, explique Mme Ainsley.

La Presse rapportait déjà l’absence d’installations de compostage en novembre. L’administration du marché Jean-Talon avait d’ailleurs retiré l’un des deux bacs de compost que la Crêperie du marché avait elle-même installé pour le commerce.

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Le propriétaire de la Crêperie du marché se battait en novembre pour que le marché Jean-Talon se dote d’installations de compostage.

Moins de récupération que prévu

Les espaces de gestion des matières résiduelles du marché accueillent notamment une chambre froide consacrée à la récupération des fruits et légumes invendus. Cette initiative, lancée à l’été 2017 sous le nom de « La récolte engagée » par le Centre de ressources et d’action communautaire de La Petite-Patrie (CRACPP), devait permettre de sauver 200 tonnes de denrées tous les ans.

« On est pour cette initiative, avant même d’envoyer au compostage. Mais on sait que le programme n’est pas systématique, il n’y a pas tant de marchands qui y participent », se désole Mme Ainsley.

À l’heure actuelle, ce sont plutôt 16 tonnes de fruits et légumes en moyenne par année qui sont traitées et redistribuées à des personnes en difficulté. « Ça vient nourrir beaucoup de familles du quartier », soutient M. Fabien-Ouellet. L’an passé environ 550 familles ont profité du service.

Avec Charles-Éric Blais-Poulin, La Presse