Plafonner la production de plastique vierge ou miser sur le recyclage : l’avant-dernière ronde de négociations pour l’adoption d’un traité mondial de lutte contre la pollution plastique s’est conclue sans consensus mardi à Ottawa. Devant l’omniprésence du plastique dans nos vies, les défis pour s’en affranchir sont grands.

Le plastique est partout : dans les emballages alimentaires, les électroménagers, les appareils électroniques, les jouets, l’équipement médical, etc. Est-ce réaliste d’envisager de s’en libérer à court et à moyen terme ?

« Ça va être très difficile de sortir du plastique parce qu’il joue des rôles extrêmement utiles actuellement », pense François Lafortune, chargé de cours en chimie de l’environnement à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la gestion des matières résiduelles. Il fait un parallèle avec les pesticides, des produits dont les effets sur l’environnement et la santé sont connus, mais qui sont tolérés, faute de solutions de remplacement. « Si demain matin on éliminait le plastique, il faudrait trouver d’autres produits pour les emballages, notamment, qui représentent presque la moitié des plastiques » et qui, nonobstant le suremballage, jouent un rôle important dans la réduction du gaspillage alimentaire.

Comment alors diminuer la production ?

Pour Marc Olivier, professeur-chercheur au Centre de transfert technologique en écologie industrielle de Sorel et à l’Université de Sherbrooke, cela passe d’abord par une hausse du recyclage. La production annuelle de plastique a plus que doublé à l’échelle mondiale en 20 ans et pourrait tripler d’ici à 2060. Actuellement, seulement 9 % des plastiques sont recyclés.

« Recycler 2 % plus de matières plastiques voudrait dire qu’on va en fabriquer 2 % de moins pour répondre aux besoins actuels, indique M. Olivier. La décroissance, ce n’est pas nécessairement de mettre fin à la production et aux biens de consommation. La décroissance doit commencer en essayant de mieux gérer nos matières résiduelles et en allongeant le cycle de vie des matériaux. »

Or, 2 %, cela semble bien peu. Greenpeace, notamment, réclame une réduction d’au moins 75 % d’ici 2040. « Pour 2040, je ne me contenterais pas d’un seuil de 2 %, de 5 %, précise Marc Olivier. Mais d’ici cinq ans au Québec, on peut y arriver sans aucune difficulté. »

Avec quels leviers ?

Selon les deux experts, la modernisation de la consigne et de la collecte sélective mise en place au Québec, ou en voie de l’être, marque un jalon important en renforçant la responsabilité des producteurs. « Du plastique qui est mieux géré en fin de vie, ça veut dire moins de plastique laissé à l’abandon, moins de plastiques qui se fragmentent, qui deviennent des microplastiques et des nanoplastiques, note François Lafortune. Tout ça va nécessairement dans le bon sens. »

Que faire de tous ces plastiques qui ne sont pas recyclables ?

Pour Marc Olivier, il est clair qu’il faudra faire des choix et laisser tomber certains types de résine. « Pourquoi autoriserait-on l’utilisation de certains types de plastiques si on n’est pas capable de faire quelque chose avec, si on n’est pas capable de les recycler ? » Au Québec, cette logique se mettra inévitablement en place, selon lui, avec la réforme du système de collecte sélective qui vise à transférer aux producteurs, dès janvier 2025, la responsabilité de collecter, trier et recycler les déchets.

Les bioplastiques sont-ils une piste de solution ?

Au cours des dernières années, les bioplastiques ont remplacé une partie de la production du plastique vierge traditionnel. Coca-Cola mise d’ailleurs sur un plastique 100 % végétal et recyclable, en parallèle à l’utilisation de plastique recyclé, pour atteindre la carboneutralité.

Or, s’ils sont avantageux du point de vue de la réduction des gaz à effet de serre, les bioplastiques ne sont pas une solution miracle au problème de pollution auquel le traité international souhaite s’attaquer. Abandonnés dans la nature, ils ne disparaissent pas par magie. Des systèmes de recyclage plus efficaces doivent aussi être mis en place, de même qu’une réduction de la consommation. « C’est clair que le taux de mise en valeur du plastique doit être nettement supérieur à l’augmentation de l’utilisation », affirme François Lafortune.

Et les consommateurs ont aussi un rôle à jouer. « Il faut que, comme acheteurs, les gens deviennent plus efficaces et soient plus critiques de leur propre consommation », croit Marc Olivier.

Verra-t-on un jour la fin du plastique ?

« Je ne pense pas parce que je n’ai aucune solution à vous donner pour remplacer complètement le plastique par autre chose », répond M. Olivier. Un avis que partage son collègue François Lafortune. « On peut facilement entrevoir une meilleure gestion des plastiques, mais de mettre un X sur le plastique aurait tout un impact », souligne-t-il, en précisant qu’aucune solution de remplacement ne présente un effet nul sur l’environnement. « Quelles sont les alternatives au plastique ? Pour le moment, il n’y a rien de clair qui se pointe, à mon humble avis », dit-il.

En savoir plus
  • 7,1 millions de tonnes
    Quantité de plastique importé ou produit par le Canada en 2020, une hausse de 28 % par rapport à 2012
    Source : compte des flux physiques des matières plastiques (CFPMP), Statistique Canada, mars 2023