Les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont atteint en 2022 leur plus bas niveau en 25 ans, à l’exception des deux années de la pandémie de COVID-19, révèle le plus récent Rapport d’inventaire national du gouvernement fédéral, publié jeudi.

Le pays a ainsi émis 708 millions de tonnes (Mt) de gaz à effet de serre (GES), une baisse de 5,9 % (44 Mt) par rapport aux 752 Mt de l’année prépandémique de 2019.

« C’est l’équivalent de 13 millions de voitures, ce n’est quand même pas rien », a déclaré le ministre de l’Environnement et du Changement climatique Steven Guilbeault, dans un entretien avec La Presse.

Le secteur ayant émis le plus de GES demeure celui des « sources de combustion fixes », incluant notamment la production pétrogazière, la production d’électricité et le chauffage des bâtiments, à 43 % du total, suivi de celui des transports, à 28 %.

Les « sources fugitives », provenant très majoritairement du secteur pétrogazier et surtout composées de méthane (CH4), représentent à elles seules 11 % des émissions canadiennes, en faisant le troisième secteur en importance, malgré une baisse significative.

Le total des émissions de 2022 représente néanmoins une augmentation par rapport aux années pandémiques de 2020 et 2021, qui avaient enregistré de fortes baisses, mais cette augmentation est inférieure à ce qui était anticipé par Ottawa et par l’Institut climatique du Canada.

Cible de réduction

Les émissions de GES de 2022 sont inférieures de 7,1 % à celles de 2005, l’année de référence du Canada pour calculer sa cible de réduction de 40 à 45 % d’ici 2030.

Le Canada se dirigeait pourtant vers une hausse de ses émissions de 9 % en 2030 avant que le gouvernement Trudeau n’adopte son plan climatique, en 2016, souligne Ottawa.

« Si on continue sur cette erre d’aller, on peut atteindre nos objectifs de 2030 », estime le ministre Guilbeault, reconnaissant d’emblée qu’il reste du travail à faire.

« Il faut qu’on accélère la cadence », affirme Andréanne Brazeau, analyste des politiques climatiques chez Équiterre, soulignant que de nombreuses mesures attendent d’être mises en place par le gouvernement fédéral.

Les émissions, ça ne se réduit pas instantanément. […] On ne doit pas attendre la deuxième moitié de la décennie pour voir des baisses. C’est la décennie cruciale.

Andréanne Brazeau, Équiterre

Il est encore trop tôt pour affirmer que l’effet de la pandémie sur les émissions de GES s’était complètement estompé en 2022, prévient-elle, ajoutant que « la tendance aux gros véhicules n’a pas ralenti [et que] la crise des transports en commun fait rage partout au Canada ».

Secteur pétrogazier

La baisse des émissions de 2022 à l’échelle du pays est en grande partie attribuable à une diminution marquée des émissions en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario – les émissions du Québec ont quant à elles baissé dans une moindre mesure, passant de 82 Mt à 79 Mt.

Les émissions de l’Alberta sont cependant les plus importantes au pays, et de loin, représentant plus du tiers du total, en forte hausse par rapport à leur niveau de 2005.

« C’est le pétrole et le gaz », résume Steven Guilbeault, ajoutant que ce secteur est celui qui requiert « le plus de travail » pour diminuer ses GES.

Ottawa entend d’ailleurs présenter l’automne prochain une ébauche de son projet de réglementation visant à plafonner les émissions du secteur pétrogazier, annoncé en décembre à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP28), à Dubaï, et prévoit le faire adopter au Parlement en 2025.

« Cette réglementation ne peut plus souffrir d’aucun délai », a déclaré Anne-Céline Guyon, analyste climat-énergie de Nature Québec, calculant que l’atteinte de la cible de réduction de 2030 requiert une réduction des émissions de 6,7 % par année d’ici là.

Il reste des pas de géant à faire.

Anne-Céline Guyon, Nature Québec

Il y a « urgence » de mettre en œuvre cette réglementation, croit aussi le responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin.

« Les chiffres montrent que les réglementations fonctionnent », dit-il, soulignant la baisse de 11 Mt des émissions fugitives de méthane depuis 2019, dans la foulée de l’adoption d’une réglementation spécifique à ce sujet.

La baisse des émissions de 2022 survient en dépit d’une hausse « record » de la croissance démographique, la population canadienne ayant augmenté de 1 million de personnes cette année-là, souligne Ottawa.

Ils et elles ont dit

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

C’est difficile de prouver que le prix sur le carbone fonctionne quand, en même temps, tu gaspilles 34 milliards pour acheter un pipeline qui va tripler ta production de sables bitumineux, que tu continues de donner des milliards de dollars à des pétrolières qui continuent à polluer.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mario Simard, porte-parole du Bloc québécois en matière de ressources naturelles et d’énergie

La stratégie du gouvernement fédéral depuis trois, quatre ans, c’est d’essayer de réduire l’intensité carbonique du secteur gazier et pétrolier sans jamais vouloir réduire la production.

Mario Simard, porte-parole du Bloc québécois en matière de ressources naturelles et d’énergie

Après neuf ans, Justin Trudeau n’a jamais atteint un seul de ses propres objectifs en matière d’émissions. Sa taxe carbone punitive est un plan fiscal, pas un plan environnemental.

Marion Ringuette, porte-parole du chef du Parti conservateur

Avec Mylène Crête, La Presse

En savoir plus
  • 24 tonnes
    émissions de gaz à effet de serre par habitant au Canada, en 2005
    Source : Environnement et Changement climatique Canada
    18 tonnes
    émissions de gaz à effet de serre par habitant au Canada, en 2022
    Source : Environnement et Changement climatique Canada