Dix ans après l’ouverture de la mine d’or à ciel ouvert à Malartic, où il avait tourné La règle d’or, le documentariste Nicolas Paquet est retourné sur place afin de témoigner du déclin de la ville dans Malartic.

En 2009, le début de la construction de la mine d’or à ciel ouvert à Malartic par Osisko, laquelle, avec la permission du gouvernement du Québec, allait entraîner le déplacement de quelque 200 maisons, attire l’attention de quelques cinéastes. Deux ans plus tard sortent Trou Story, de Richard Desjardins et Robert Monderie, L’or des autres, de Simon Plouffe, et La règle d’or, de Nicolas Paquet.

« Au premier jour du tournage, avec le directeur photo François Vincelette, on était sur le coin de la rue à 4 h 30 du matin et, à côté, il y avait l’équipe de Trou Story. C’était mon premier long métrage, j’étais donc à la fois un peu intimidé et aussi stressé parce que je me demandais comment on allait s’y prendre pour faire quelque chose de différent », raconte Nicolas Paquet (Esprit de cantine), joint par visioconférence.

À l’époque, le documentariste avait souhaité donner la parole aux citoyens fragilisés par la situation, de même qu’aux résistants et à ceux qui émettaient plusieurs critiques à l’endroit du projet qui allait détruire le sud de leur ville. Dans cet esprit, il a voulu que Richard Desjardins signe la musique de Malartic, qui est en quelque sorte la suite de La règle d’or.

« Comme il ne compose pas la musique de ses propres films, je me disais qu’il ne serait peut-être pas intéressé. Je lui ai envoyé le scénario et un lien pour La règle d’or et il m’a répondu : “C’est bon, j’embarque.” Comme c’est son territoire et que pour moi, c’était important que les voix, celles des gens devant la caméra et celles des créateurs, soient ancrées dans le territoire », explique le natif de Québec installé dans le Bas-Saint-Laurent.

Retourner à Malartic

Durant les années suivant le tournage de La règle d’or, Nicolas Paquet a continué de s’intéresser à l’évolution de la mine de Malartic. Cependant, il était loin de se douter qu’un jour, il y redéposerait sa caméra. Or, en 2018, en apprenant que la société minière allait doubler la superficie de la mine, il a eu une pensée pour tous ceux qui, croyant qu’ils allaient enfin retrouver leur quiétude, allaient devoir continuer à vivre avec la poussière, le bruit des détonations et les tremblements pendant encore une dizaine d’années. Et peut-être plus.

« C’était clair que cette fois-ci, ce serait ma quête. J’avais acquis une sorte de “notoriété” parce que j’avais été sur le terrain. Je voulais brosser un portrait plus large, mais toujours en m’attardant spécifiquement sur ce qui se passe à Malartic. Le seul accroc que j’ai fait, c’est l’entrevue avec la sociologue Anne-Marie Voisard [autrice du livre Le droit du plus fort : nos dommages, leurs intérêts], dont je voulais absolument avoir le point de vue parce que je trouvais ses propos juste trop éloquents. En entendant son témoignage, qui est extraordinaire, les gens veulent s’inscrire à ses cours. »

PHOTO TIRÉE DU FILM MALARTIC, FOURNIE PAR L’ONF

La sociologue, autrice et enseignante Anne-Marie Voisard

À l’instar de La règle d’or, où il donnait la parole à plusieurs résistantes, Nicolas Paquet a remarqué qu’encore une fois, plusieurs femmes se retrouvaient au cœur de Malartic, dont Délisca Ritchie Roussy, mairesse de Murdochville, où l’action se déplace à la fin du documentaire, après quelques arrêts à Montréal et à Rimouski.

« Dans mon désir de faire un portrait plus large, ma recherche m’a permis de dénicher ces résistantes. Comme l’explique Anne-Marie Voisard, dans l’échelle du milieu juridique, il y a le droit en haut et en bas, les personnes qui s’occupent des plus démunis. »

Dans ce cas-là, ce sont des femmes qui défendent les droits des Malarticois ; pour moi, ce sont elles qui portent le film. C’est grâce à leur parole qu’on comprend tout, qu’on peut s’intéresser à ce qui se passe là, et peut-être soit sortir de la salle en crisse ou motivé.

Nicolas Paquet

Alors qu’il avait été facile pour le cinéaste de recueillir des propos de diverses personnes pour La règle d’or, cette fois, plusieurs portes lui ont été fermées, plusieurs appels sont restés sans réponse. À sa grande surprise, aucun représentant d’Investissement Québec n’a voulu rendre de comptes à la caméra. Toutefois, Robert Wares, président de Mine Canadian Malartic, a bien voulu collaborer.

IMAGE TIRÉE DU FILM MALARTIC, FOURNIE PAR L’ONF

Réjean Gariépy et Ginette Trudel, résidants de Malartic

Pousser à agir

« Mon idée n’était pas de diaboliser des gens, mais je pense que pour lui, le positif dépasse amplement tous les désagréments vécus par les Malarticois. J’espère que le film va faire réfléchir sur une panoplie de niveaux, sur ce qu’on peut faire comme citoyen, sur ce que les autorités locales, nationales et nos gouvernements peuvent faire, mais aussi sur ce besoin de savoir ce qui se passe. Quand on apprend les choses trop tard dans les journaux, que ce soit sur Northvolt ou la fonderie Horne, ça crée une forme de désillusion et un sentiment d’impuissance. À la fin du film, la première question que les spectateurs posent, c’est : “Qu’est-ce qu’on peut faire ?” »

Si le constat qu’il fait dans Malartic est « assez grave » et les propos des intervenants, plus que convaincants, Nicolas Paquet ne s’est pas contenté de filmer des têtes parlantes les unes à la suite des autres. Par la puissance des images de la mine d’or à ciel ouvert et de la nature qui l’entoure, il illustre l’ampleur de la situation tout en y insufflant une lueur d’espoir.

« Cinématographiquement parlant, avec le directeur photo François Pesant, on avait un décor super éloquent. Quelque part, il y a quelque chose de beau, mais on a essayé de montrer à quel point cette machine-là contrôle tout, ne s’arrête jamais, que c’est du mouvement et du bruit continu. Quant à la nature, mon espérance est de ce côté-là. Dans Malartic, cette nature-là est toujours menacée ; on a toujours un peu l’impression qu’un bulldozer va sortir et tout écraser. Si on réussit à aimer la nature, on va participer à sa survie et à la nôtre par la même occasion. »

En salle