Nicolas Girard Deltruc, qui dirigeait le Festival du nouveau cinéma (FNC) depuis 17 ans, a été congédié le mois dernier par son conseil d’administration. Michel Pradier, qui a longtemps travaillé à Téléfilm Canada, a été nommé directeur général par intérim et sera à la tête de la prochaine édition du FNC, qui aura lieu du 9 au 20 octobre 2024, a-t-on appris.

Ce changement à sa direction générale n’a pas été rendu public par le Festival du nouveau cinéma. Le nom de Nicolas Girard Deltruc, remercié début mars, figure d’ailleurs toujours sur le site web de l’évènement. « Il n’y a pas de malversation, de quelque nature que ce soit, de la part de quiconque », précise d’emblée en entrevue le président du conseil d’administration du FNC, Jacques Méthé.

C’est le style de gestion en vase clos de Girard Deltruc qui a mené à son congédiement, selon le conseil d’administration. Girard Deltruc était directeur général du FNC depuis 2007, à l’époque où son cofondateur Claude Chamberlan en était toujours le directeur artistique.

« Le Festival a plus de 50 ans, rappelle Jacques Méthé. Il a été mené par un de ses fondateurs pendant des décennies et avait continué, pour toutes sortes de raisons, un peu sur le même modèle : le Festival surtout d’une personne, qui en est le seul maître. Le conseil d’administration en est venu à la conclusion qu’il ne faut pas continuer comme ça. Il faut trouver une façon plus moderne de fonctionner, dans laquelle il y a une relation harmonieuse entre l’équipe d’opération, d’une part, et le conseil d’administration, d’autre part. »

Un nouveau directeur général ne sera pas nommé avant la prochaine édition du Festival du nouveau cinéma. Aucun candidat potentiel n’a encore été pressenti ni même envisagé, souligne Jacques Méthé. Un processus a en revanche été entamé afin de redéfinir d’ici un an le modèle de gouvernance du festival, en s’inspirant des structures de festivals de la même envergure au pays et dans le monde.

Cette décision du conseil d’administration, composé de six membres votants et d’un membre non votant, se profilait depuis un certain temps. « En sachant que ce serait difficile et que ça signifierait plus de travail pour un C.A. composé de bénévoles », ajoute Jacques Méthé, en précisant que le FNC est un organisme à but non lucratif. « Des bénévoles qui cherchent plus de travail, c’est assez rare généralement ! »

Il faut changer la culture d’entreprise profondément enracinée du FNC, croit cependant Jacques Méthé, président du conseil d’administration depuis 2018 et ancien président de la division média du Cirque du Soleil.

« C’est une culture dans laquelle il est difficile d’avoir des discussions, dit-il. Il n’y a pas eu de discussions pendant 50 ans. Il faut faire les choses différemment. »

Autonomie et convivialité

Le licenciement de Nicolas Girard Deltruc, qui n’a pas répondu à notre demande d’entrevue, est le dernier rebondissement dans le feuilleton récent du FNC et des festivals de cinéma montréalais. Claude Chamberlan, qui a fondé le FNC en 1971 avec Dimitri Eipides, avait quitté avec fracas sa direction artistique en accusant au printemps 2019 Nicolas Girard Deltruc d’entretenir une « attitude tyrannique » envers son équipe (ce qu’a démenti le principal intéressé). Chamberlan n’avait pas été plus tendre à l’époque à l’endroit de Jacques Méthé.

« Peut-être qu’on peut changer ce style qui fonctionne un peu comme une religion, pour un style qui fonctionne plus comme une organisation, croit Méthé. Parce que Dieu est monté au ciel et maintenant nous ne sommes tous que de pauvres mortels à faire marcher tout ça ! »

Michel Pradier, spécialisé dans l’administration et le financement du cinéma, souhaite rassurer les employés, programmateurs et collaborateurs, qui demeurent en place, ainsi que le public cinéphile : il fera tout afin que le prochain Festival du nouveau cinéma ne souffre pas de ce changement majeur, en prônant l’autonomie et la convivialité.

Il n’en demeure pas moins que pour une équipe, perdre son capitaine à sept mois de l’échéance d’un évènement comme le FNC n’est pas une mince affaire. Préparer un festival de cinéma prend du temps, du démarchage, des contacts…

Michel Pradier sera présent au Festival de Cannes, à la mi-mai, afin d’assurer la visibilité du FNC à l’étranger. Le directeur général par intérim souhaite pour la suite que le Festival du nouveau cinéma puisse « s’inscrire dans une ligue plutôt majeure des festivals à travers le monde ». « Il y a une place à prendre, je pense qu’il faut la prendre et on a tout ce qu’il faut pour la prendre », dit-il.

« Si on a une structure administrative qui est harmonieuse, et si on est bien ancré dans notre milieu cinématographique, il sera d’autant plus facile d’attirer les gens à l’international », ajoute Pradier, qui donne l’exemple de l’Orchestre symphonique de Montréal qui, grâce à sa réputation, parvient à attirer les plus grands chefs, qu’ils soient du Québec ou de l’étranger.

Avant de s’atteler à la tâche de désigner un successeur à Nicolas Girard Deltruc, le conseil d’administration du Festival du nouveau cinéma a embauché un consultant spécialisé dans les ressources humaines afin d’examiner ce qui peut être amélioré dans son organisation. Il y a du pain sur la planche, semble-t-il…