C’est le temps de l’année où le chroniqueur de cinéma polit sa boule de cristal et consulte les pronostiqueurs afin de savoir quels cinéastes seront sélectionnés par le Festival de Cannes. Parmi ceux-ci, y aura-t-il des Québécois ? À une semaine du dévoilement de la programmation de la sélection officielle du plus prestigieux des festivals de cinéma, on garde jalousement le secret des heureux élus, comme celui de la Caramilk.

Ce qui percole de la machine à rumeurs, c’est que deux films québécois semblent être sur le radar des sélectionneurs cannois, parmi ceux qui leur ont été présentés à Montréal, entre le 26 février et le 7 mars. Il s’agit d’Une langue universelle, de Matthew Rankin, et de Berger, de Sophie Deraspe. Le Canadien David Cronenberg est de son côté pressenti en compétition avec The Shrouds, mettant en vedette Diane Kruger (après le désistement de Léa Seydoux) et Vincent Cassel.

La cinéaste Sophie Deraspe (Antigone) a adapté avec Mathyas Lefebure son roman D’où viens-tu, berger ?, l’histoire d’un publicitaire qui quitte son travail et Montréal pour devenir berger dans le sud de la France. Berger, une coproduction Canada-France mettant en vedette Félix-Antoine Duval, serait sur les rangs pour une sélection potentielle, possiblement dans la section Un certain regard, selon le journaliste français Thomas Gastaldi, qui couvre de près le Festival de Cannes depuis 20 ans.

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Félix-Antoine Duval tient le rôle principal dans Berger, le nouveau film de Sophie Deraspe.

Le Québécois Matthew Rankin, qui avait présenté Tesla : Lumière mondiale à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, en 2017, intéresserait de nouveau ses programmateurs avec son plus récent long métrage. Une rumeur plus persistante envoie plutôt Une langue universelle dans une autre section parallèle, la Quinzaine des cinéastes.

Le film de Matthew Rankin, annoncé comme un hommage au cinéma iranien, se déroule entre le Québec, l’Iran et Winnipeg, d’où est originaire le cinéaste de 43 ans. Un personnage du film nommé Matthew Rankin (!) démissionne de son emploi à Montréal pour se rapprocher de sa famille au Manitoba. Le brillant premier long métrage de Rankin, Le Vingtième Siècle, avait remporté le prix de la critique de la section Forum du Festival de Berlin, en 2020.

Chez les acteurs québécois, il est question entre les branches de Charlotte Le Bon et d’une possible sélection de Niki, premier film de la Française Céline Salette, dans lequel la comédienne de C’est comme ça que je t’aime incarne l’artiste Niki de Saint Phalle, qui a fui le maccarthysme pour Paris.

L’an dernier, seul Simple comme Sylvain de Monia Chokri (comédienne de Falcon Lake de Charlotte Le Bon, sélectionné à la Quinzaine des cinéastes en 2022) avait représenté le Québec à Cannes, dans la section Un certain regard. Cette année, Xavier Dolan présidera cette section de la sélection officielle, perçue comme l’antichambre de la compétition.

Il n’y a que deux titres qui ont été annoncés pour l’instant par le Festival de Cannes, qui aura lieu du 14 au 25 mai. Il s’agit du film d’ouverture, Le deuxième acte, du prolifique et fantasque cinéaste français Quentin Dupieux (Yannick), ainsi que de Furiosa, cinquième film de la saga Mad Max de l’Australien George Miller, mettant en vedette Anya Taylor-Joy.

En entrevue exclusive avec le magazine spécialisé Variety cette semaine, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, a dit regretter « égoïstement » de ne pas avoir pu convaincre l’équipe du Québécois Denis Villeneuve (qui avait présenté Sicario en compétition cannoise) de lui réserver la première mondiale de Dune 2. « Mais je comprends qu’il était important que le film prenne l’affiche au début de l’année, comme sa sortie avait déjà été repoussée », a-t-il précisé.

Parmi les quelque 2000 films soumis au Festival de Cannes, Thierry Frémaux a laissé entendre qu’il espérait présenter Megalopolis, de Francis Ford Coppola, 50 ans après sa première Palme d’or, pour The Conversation. Il n’est pas certain en revanche, selon le magazine spécialisé britannique Screen, que le film soit prêt à temps pour une première sur la Croisette.

Le patron de la sélection officielle souhaite aussi accueillir à Cannes le nouveau film de Yorgos Lanthimos, un habitué du Festival, huit mois seulement après la première de Poor Things à la Mostra de Venise. Kinds of Kindness, qui doit prendre l’affiche en juin, met de nouveau en vedette Emma Stone et Willem Defoe.

Parmi les autres « habitués » pressentis en compétition, on retrouve la Britannique Andrea Arnold, attendue avec Bird et l’acteur Barry Keoghan (révélé à Cannes en 2017 par The Killing of a Sacred Deer, de Yorgos Lanthimos), son compatriote Mike Leigh avec Hard Truths, le Brésilien Walter Salles et Je suis encore là, le palmé d’or français Jacques Audiard avec la comédie musicale Emilia Perez, ou encore l’Italien Paolo Sorrentino, qui rendra hommage à Naples, avec un film intitulé Parthenope mettant en vedette Gary Oldman.

Le dissident russe Kirill Serebrennikov (La femme de Tchaïkovski) est attendu sur la Croisette avec l’adaptation du brillant Limonov, d’Emmanuel Carrère, et Ben Wishaw dans le rôle-titre.

Le Français Arnaud Desplechin pourrait présenter Spectateurs !, une réflexion sur le cinéma mettant en vedette Mathieu Amalric et le jeune Milo Machado Garner (Anatomie d’une chute). Et sa compatriote Audrey Diwan, Lion d’or à Venise pour l’excellent L’événement en 2021, pourrait bien être à Cannes avec sa relecture – en collaboration avec Rebecca Zlotowski – d’Emmanuelle, mythique personnage érotique désormais incarné par Noémie Merlant.

La sélection officielle (dont la compétition officielle et Un certain regard) sera dévoilée le 11 avril. Les sections parallèles (Quinzaine des cinéastes et Semaine de la critique) annonceront leur programmation dans les jours suivants. On a bien hâte de découvrir qui a été retenu pour le grand bal.