Le nouveau film du Montréalais Matthew Rankin, Une langue universelle, a été sélectionné au 77Festival de Cannes, dans le cadre de la 56Quinzaine des cinéastes, qui s’ouvrira le 15 mai avec un film posthume de la Française Sophie Fillières.

Matthew Rankin joue son propre rôle dans cette comédie surréaliste en français et en persan, qui met aussi en scène le comédien et dramaturge québécois Mani Soleymanlou, les coscénaristes du film, Pirouz Nemati et Ila Firouzabadi – eux aussi des Montréalais d’origine iranienne –, Danielle Fichaud, ainsi que les jeunes acteurs débutants Rojina Esmaeili, Saba Vahedyousefi et Sobhan Javadi.

« La Quinzaine est une section qui m’a toujours attiré. Elle est indépendante et punk rock, ce qui s’accorde bien avec l’identité du film », confie en entrevue le cinéaste de 43 ans, visiblement ravi de cette deuxième sélection cannoise. En 2017, son court métrage Tesla : lumière mondiale, film abstrait et surréaliste à propos de l’inventeur Nikola Tesla, avait été présenté à la Semaine de la critique, une autre section parallèle du Festival de Cannes.

Le premier long métrage de Rankin, Le vingtième siècle, une délirante satire biographique sur l’ex-premier ministre canadien Mackenzie King (avec notamment Catherine Laurent et Mikhaïl Ahooja), avait remporté en 2020 le prix de la critique de la section Forum du Festival de Berlin, après sa première au Festival international du film de Toronto.

PHOTO FOURNIE PAR METAFILMS

Le nouveau long métrage de Matthew Rankin, Une langue universelle, sera présenté au Festival de Cannes à la Quinzaine des cinéastes.

Atmosphère très particulière

Comme dans ses films précédents, à l’atmosphère très particulière, on peut s’attendre à un scénario qui distille un humour absurde et qui brouille les pistes spatio-temporelles. Deux élèves, Negin et Nazgol, trouvent un billet de banque iranien gelé dans la glace et cherchent une façon de l’extraire. De son côté, Massoud guide un groupe de touristes perplexes à travers les monuments et sites historiques de plus en plus absurdes de Winnipeg. Quant à Matthew, il abandonne son travail au gouvernement du Québec et entreprend un voyage mystérieux pour rendre visite à sa mère.

« On décrit le film comme un diagramme de Venn des codes cinématographiques de Winnipeg, du Québec et de l’Iran », dit Matthew Rankin, qui a grandi à Winnipeg avant de faire une maîtrise en histoire du Québec à l’Université Laval.

On retrouve la solitude mélancolique du Québec, la folie délirante de Winnipeg et la poésie du cinéma iranien. C’est le prisme à travers lequel le récit est raconté.

Matthew Rankin

La trame des enfants qui tentent de récupérer un billet coincé rappelle évidemment Le ballon blanc de Jafar Panahi, dont le scénario est signé Abbas Kiarostami, deux légendaires cinéastes iraniens auxquels Rankin a voulu rendre hommage. Mais le germe du scénario d’Une langue universelle a été inspiré à Matthew Rankin par sa grand-mère, qui lui racontait avoir trouvé un billet de 2 $ sous la glace, à Winnipeg, pendant la Grande Dépression.

« Tournage interculturel »

« J’ai transformé l’histoire de ma grand-mère, qui est seulement le point de départ, en m’inspirant des films de l’Institut Kanoon », dit-il, en évoquant le laboratoire de création qui a permis notamment à Kiarostami de réaliser Où est la maison de mon ami ?. « Ce film est une expression de mon amitié avec Pirouz et Ila », ajoute Rankin, qui évoque un « tournage interculturel » où l’expérimentation et l’improvisation étaient à l’honneur. « Ce sont mes propres envies idéalistes et internationalistes, exprimées à travers mon identité québécoise, mais la démarche, elle, est collective. »

« On a eu beaucoup de plaisir à faire ça ensemble, confie la coscénariste Ila Firouzabadi. Ce fut un moment extraordinaire. Et c’est vraiment beau pour nous de voir un cinéaste québécois, né à Winnipeg, parler aussi bien le farsi dans un film ! »

Car oui, Matthew Rankin parle aussi le persan... « Je me débrouille ! dit-il sans fausse modestie. Je le comprends, je peux le lire et l’écrire, mais je ne suis pas éloquent ! De toute façon, j’ai appris qu’en France, tout le film allait être sous-titré, ce qui inclut les dialogues en français... »

Selon le magazine spécialisé Deadline, le film de Matthew Rankin sera distribué aux États-Unis par Oscilloscope Laboratories et à l’international par l’entreprise belge Best Friend Forever (BFF). Une langue universelle, produit par Metafilms, sera distribué au Canada par Maison 4:3 et doit prendre l’affiche en 2024.

Le Festival de Cannes se déroulera du 14 au 25 mai. La Presse sera sur place.