(Berlin) Spaceman, qui sera sur Netflix le 1er mars, n’est pas un film sur l’ex-lanceur des Expos Bill Lee. Celui-là a été fait en 2016 et mettait en vedette Josh Duhamel. Ce Spaceman-ci est une adaptation du roman tchèque Un astronaute en Bohême de Jaroslav Kalfař, paru en 2017 et présenté en sélection spéciale mercredi à la Berlinale. C’est l’histoire d’un astrophysicien tchèque, Jakub (Adam Sandler, pas tchèque aux dernières nouvelles), en orbite autour de Jupiter, qui tente d’élucider le mystère d’un nuage de poussière cosmique visible de la Terre.

Jakub rencontre un extraterrestre en forme d’araignée géante, apparu sur son vaisseau de nulle part, après six mois de voyage en solitaire. Cette bestiole, qu’il baptise Hanus (la voix de Paul Dano), sera d’un précieux conseil à Jakub afin qu’il puisse gérer ses problèmes matrimoniaux avec Lenka (Carey Mulligan, pas tchèque elle non plus).

Si vous pensiez qu’Hanus a plus l’air d’un ami imaginaire que Jakub s’est inventé de toutes pièces comme remède à sa solitude que d’un candidat au doctorat en psychologie interstellaire, détrompez-vous. Le cinéaste suédois Johan Renck (réalisateur notamment de la série Chernobyl) a précisé en conférence de presse mercredi que ce HAL 9000 poilu n’était pas une vue de l’esprit. Si tu insistes, Johan, ai-je pensé, mon t-shirt avec le logo de HAL 9000 sur le dos.

« Je ne suis pas vraiment un gars de cinéma. Je lis des livres. C’est là que je m’inspire. Je choisis de ne pas être influencé par d’autres films », a ajouté Renck lorsqu’on lui a demandé quel était son film de science-fiction préféré. Pas un gars de cinéma. Tu m’étonnes.

Il n’y a pas une idée de cinéma originale dans cette thérapie de couple fait film de science-fiction mettant en scène un bourreau de travail égoïste et une femme enceinte qui décide de larguer son homme par message vidéo alors qu’il se trouve à 500 millions de kilomètres de distance. J’imagine que c’est moins cruel que par texto.

PHOTO LISI NIESNER, REUTERS

Carey Mulligan et Adam Sandler sur le tapis rouge à Berlin

Adam Sandler et Carey Mulligan s’en tirent bien, comme toujours. Mais le fastidieux montage parallèle de Jakob en apesanteur et de souvenirs flous du couple en des temps plus heureux n’est d’aucun secours à ce film répétitif et ennuyeux. Dans cet Interstellar sans éclat, la science-fiction n’est qu’un accessoire inutile à une histoire d’amour contrariée, qui s’étire en une fin tire-jus interminable.

« On a eu beaucoup de plaisir sur le plateau de tournage à écouter de la musique sur le boombox qu’a apporté Adam. On écoutait du Céline Dion. Ce n’est pas Adam qui a choisi d’écouter Céline Dion, c’est moi ! », a dit en conférence de presse Carey Mulligan, qui sera finaliste à l’Oscar de la meilleure actrice le 10 mars (pas pour Spaceman, pour Maestro). J’espère sincèrement qu’ils ont eu plus de plaisir à faire ce film que j’en ai eu à le regarder.

Rocco et ses frères

Non, il n’y a pas que du bon à la Berlinale. J’ai vu mercredi Supersex, une série de fiction italienne destinée elle aussi à Netflix (le 6 mars), sur la vie et l’œuvre de l’étalon du porno Rocco Siffredi. Miseria. Des scènes de soft porn au ralenti, des remises en question de ses choix amoureux et de carrière, entrecoupées d’allers-retours vers une enfance aigre-douce dans les années 1970, musique mélodramatique à l’appui.

PHOTO LUCIA IUORIO, FOURNIE PAR NETFLIX

Alessandro Borghi est Rocco Siffredi dans Supersex.

Au cœur de ce projet racoleur de la scénariste Francesca Manieri (L’immensità), il y a cette idée maîtresse : entouré de ses frères à l’instar d’Alain Delon dans le film de Visconti, un peu voyou comme Delon dans le rôle de Roch Siffredi de Borsalino, Rocco se découvre une idole. Ce superhéros n’est ni Batman ni BatteMan (s’cusez-la), mais Supersex, et son superpouvoir, c’est d’avoir de la graine de star.

On nous explique en sept épisodes comment le sexe et l’argent mènent le monde – et pourquoi Rocco n’est pas devenu prêtre comme le souhaitait sa mère. J’en ai eu assez après une heure. Pour voir le vrai Rocco au cinéma, dans tous les sens du terme, il y a notamment Romance et Anatomie de l’enfer de Catherine Breillat, ainsi que les films primés qu’il a réalisés, Who Fucked Rocco ? et Ass Collector. Mais je vous avertis : ce n’est ni Federico Fellini ni Marcello Mastroianni.

Les violons de Cendrillon

Dans le même registre italien et sirupeux, Gloria ! de Margherita Vicario, un mélo pénible et archiprévisible, était présenté en compétition mercredi (qui n’a rien à voir avec le classique de Cassavetes). Dans un orphelinat de Vénitie au début du XIXsiècle, Teresa, une servante, se découvre une passion pour le pianoforte. Elle a l’oreille absolue, mais aucune formation. Aussi, l’instrument lui est interdit par un vieux maestro mesquin en panne d’inspiration, qui a accepté de composer une œuvre pour accueillir le pape Pie VII. C’est sans compter qu’elle est tourmentée par quatre musiciennes de l’orchestre de l’orphelinat qui la traitent comme Cendrillon avant le bal et la pantoufle de verre. Ce qui ne l’empêche pas de composer par magie et en catimini des chansons pop dignes d’Olivia Rodrigo sans la moindre fausse note grâce à un jeu parfaitement lisse, comme ce premier long métrage pétri de bons sentiments. J’imagine déjà Hollywood penser au remake qu’on pourrait en tirer.

Les frais d’hébergement ont été payés par la Berlinale et Téléfilm Canada.