L’installation de réalité virtuelle Carne y arena, d’Alejandro González Iñárritu, avait fait sensation en 2017 au Festival de Cannes, avant une tournée mondiale qui l’a menée au Centre Phi, à Montréal. Voilà que le plus important des festivals de cinéma emboîte le pas à la Mostra de Venise et proposera dès le 15 mai une première compétition d’œuvres immersives (installations de réalité virtuelle, expériences de réalité mixte, œuvres de vidéo mapping et holographiques).

Parmi les huit projets retenus, qui ont été dévoilés mardi, on retrouve l’expérience théâtrale en réalité virtuelle The Roaming, du Français Mathieu Pradat, coproduite par le studio montréalais Normal ; ainsi que Telos I, de la chorégraphe et danseuse montréalaise Dorotea Saykaly et de son amoureux, le réalisateur danois Emil Dam Seidel.

« C’est un honneur immense ! Quand on a eu la nouvelle, il était tard le soir et on était tellement emballés qu’on est sortis marcher à 1 h du matin. C’est surréel de penser qu’on sera à Cannes dans quelques semaines, dans une nouvelle compétition de ce festival mythique », se réjouit Dorotea Saykaly.

La danseuse et chorégraphe a collaboré pendant huit ans avec la Compagnie Marie Chouinard avant de rejoindre la GöteborgsOperans Danskompani, en Suède, où elle a rencontré Emil Dam Seidel. Le couple, qui collabore sur divers projets de scène et de cinéma depuis 2019, vit depuis un an à Copenhague. Son court métrage She (2022) a fait la tournée d’une quarantaine de festivals internationaux.

PHOTO HENRIK STENBERG, FOURNIE PAR DOROTEA SAYKALY

Dorotea Saykaly et Emil Dam Seidel

Telos I, qui sera présentée à Cannes en première mondiale, marie danse, arts visuels et projection holographique. Dans la bande-annonce, on voit un hologramme de Dorotea Saykaly, en justaucorps, dans une chorégraphie au milieu d’une pyramide de verre juchée sur une grande colonne rectangulaire. Il sera possible, sur les quatre faces de cette colonne géométrique, de voir autant de chorégraphies différentes, chacune d’une durée de 24 minutes.

« C’est projeté en continu. On veut que les spectateurs soient libres d’entrer à leur guise, à leur propre rythme, et de regarder l’œuvre le temps qu’ils veulent, de manière autonome, sans appareil particulier », explique l’interprète et chorégraphe, qui souhaite que Telos I puisse être présentée un jour à Montréal.

Campée dans un paysage géométrique (à la Tron), Telos I explore, selon ses créateurs, les thèmes de l’existence humaine et de la conscience numérique, en brouillant les frontières entre le matériel et l’immatériel. C’est l’histoire d’un être créé par l’intelligence artificielle, qui a perdu sa raison d’être après l’extinction de l’humanité et qui cherche à donner un nouveau sens à son existence, grâce à un corps.

Dans la mythologie, Telos, qui signifie en grec la raison d’être, le but ou le résultat, est le fils de Helios (le soleil). « Telos I fusionne deux de nos amours : la mythologie et la science-fiction ! », dit Dorotea Saykaly, en précisant que l’œuvre a été créée sans effets spéciaux.

La chorégraphe et danseuse sera de passage en coup de vent à Cannes, à la mi-mai. Elle travaille actuellement avec l’École de danse contemporaine de Montréal sur une reprise d’une de ses pièces, puis elle interprétera une chorégraphie à Anvers en mai, avant de préparer une chorégraphie de son cru en Italie.

Récemment, sa chorégraphie Black Moon, créée pour le Ballet Edmonton, a été l’une des sept finalistes au prix international Sadler’s Wells Inaugural Rose. En 2022, elle a reçu le prix de la meilleure chorégraphie pour un film au Dance On Screen Film Festival de Graz et en 2021, elle a reçu le prix Emily Molnar pour un chorégraphe émergent, qui lui a permis de créer une nouvelle œuvre pour Ballet BC. Elle a aussi créé des œuvres pour le Danish Dance Theatre et le programme jeunesse Territorio V à Lisbonne.

En plus des huit projets de la nouvelle compétition immersive du Festival de Cannes, six projets seront présentés hors compétition. « Ces œuvres immersives soigneusement sélectionnées mettent en valeur l’avant-garde de cette nouvelle forme artistique, défiant les conventions établies, adoptant de nouvelles technologies et célébrant de nouveaux artistes ainsi que des figures établies », a déclaré mardi le Festival de Cannes par voie de communiqué.

Parmi ces figures établies, on retrouve par exemple les actrices Jessica Chastain et Millie Bobby Brown ainsi que la légendaire chanteuse et « poétesse torturée » Patti Smith, tête d’affiche de Spheres, d’Eliza McNitt. D’autres projets mettent par exemple en vedette les voix de Cate Blanchett, Rosario Dawson, Colin Farrell, Tahar Rahim ou encore Lambert Wilson. Les lauréats de la compétition immersive du Festival de Cannes seront dévoilés le 23 mai.

Le Festival de Cannes se déroulera du 14 au 25 mai. La Presse sera sur place.