Gérer les pelures de banane, les tiges de carotte, les os de poulet et les coquilles d’œuf de plusieurs dizaines de résidants n’est pas une mince tâche. Maintenant que la collecte du compost est en déploiement dans les immeubles de plus de neuf logements à Montréal, les personnes qui y vivent sont-elles condamnées à composer avec de mauvaises odeurs et des insectes indésirables ?

Pas du tout, répondent des gestionnaires et propriétaires d’immeubles, qui ont trouvé des solutions pour recueillir et entreposer ces matières sans provoquer d’inconvénients.

La partie n’est pas gagnée, toutefois : en moyenne, dans l’ensemble des quartiers montréalais, le taux de participation à la collecte du compost n’est que de 35 % et augmente très lentement, même si la Ville avait l’intention de le voir atteindre 60 % en 2025.

Prévoir le coup

Les habitants d’immeubles multilogements ont une difficulté supplémentaire : en raison de l’espace restreint, ils ont généralement moins d’options pour l’entreposage des déchets.

Mais des immeubles nouvellement bâtis commencent à prévoir le coup dès l’étape de la conception, en intégrant des systèmes et des espaces pour faciliter le compostage.

C’est le cas dans les 216 logements locatifs nouvellement construits par le promoteur immobilier Maître carré, dans le quartier Centre-Sud : en plus des traditionnelles chutes à déchets installées à chaque étage, on y retrouve aussi des chutes à compost.

Au sous-sol, les matières compostables aboutissent dans un bac brun que le concierge s’occupe de changer lorsqu’il est plein.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Carol-Ann Brochu, coordonnatrice à l’exploitation pour le promoteur immobilier Maître carré, montre une chute à compost.

« Les chutes sont autonettoyantes et sont traitées aux rayons UV avec le système Sanuvox pour éliminer les odeurs », explique la coordonnatrice à l’exploitation pour le promoteur, Carol-Ann Brochu. « Comme les bacs sont au sous-sol, ça va aussi rester frais l’été. »

Pour le recyclage, les locataires doivent descendre eux-mêmes leurs matières au sous-sol, dans les grands bacs disposés à cette fin.

Pour le promoteur immobilier, une telle installation pour le compostage dans ses nouveaux immeubles allait de soi. On veut encourager des modes de vie sains et responsables, explique Maître carré.

L’édifice du Centre-Sud dispose aussi d’une soixantaine de bacs de jardinage sur le toit.

Défi dans les vieux immeubles

Les nouveaux immeubles ont beau jeu : leurs concepteurs peuvent prévoir des installations qui répondent aux besoins d’aujourd’hui. Mais dans les immeubles existants, n’est-ce pas compliqué d’installer un système de compostage pour des dizaines, voire des centaines de résidants ?

« Ça peut être difficile », répond Peter Annoussis, concierge pour trois immeubles regroupant 130 condos, dans l’arrondissement de Saint-Laurent.

Les trois immeubles sont dotés de chutes à ordures à chaque étage, mais les résidants doivent descendre pour déposer au sous-sol les matières recyclables et compostables.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Peter Annoussis, concierge pour trois immeubles regroupant 130 condos, dans l’arrondissement de Saint-Laurent

Il faut du temps, de l’éducation et beaucoup de sensibilisation pour convaincre les résidants de se mettre au compostage. On a des caméras pour voir ceux qui mettent leurs matières aux mauvais endroits et on leur envoie des courriels pour les avertir.

Peter Annoussis, concierge pour trois immeubles regroupant 130 condos, dans l’arrondissement de Saint-Laurent

Dans l’arrondissement de Saint-Laurent, dans les secteurs où la collecte de compost est offerte chaque semaine, les ordures ne sont ramassées qu’une fois toutes les deux semaines. On souhaite que ça serve d’incitatif à composter. Sans matières organiques, les déchets ne devraient pas générer d’odeurs, souligne le maire de l’arrondissement, Alan DeSousa.

Quand l’espace manque pour l’entreposage des bacs de compost, il existe d’autres solutions, explique le maire de Saint-Laurent, qui a été l’un des premiers arrondissements à introduire la collecte de compost dans les grands immeubles.

En partenariat avec un propriétaire d’immeubles de la rue Ouimet, l’arrondissement a installé des conteneurs semi-enterrés à l’extérieur pour les déchets, le compost et le recyclage. Au fond des conteneurs, les matières restent fraîches, ce qui évite les odeurs.

« On doit déboulonner les mythes au sujet des odeurs, des insectes et de la vermine, martèle Marie-Andrée Mauger, responsable de l’environnement au comité exécutif. Et les gens doivent comprendre que la participation à la collecte de compost n’est pas optionnelle. Elle est obligatoire là où les gens y ont accès, donc ils ne peuvent pas mettre de matières organiques aux déchets. »

Cependant, la Ville n’est pas « en mode d’émissions d’amendes », dit-elle.

Actuellement, 80 % des foyers montréalais ont accès à la collecte du compost. Dans les immeubles de neuf logements et plus, 50 % y ont accès, et le déploiement se poursuit.

« Les défis sont énormes pour changer les comportements, reconnaît Alan de Sousa. Même s’il y a des citoyens récalcitrants, ils doivent comprendre que le compostage n’est pas un choix, mais une obligation. C’est un véritable changement de société. »