La recrudescence des cas de rage animale dans le nord du Vermont inquiète les autorités québécoises, qui mènent une opération de vaccination des ratons laveurs cette semaine en Estrie et en Montérégie. La Presse y a assisté.

(Saint-Armand) « Ça, c’est un succès garanti ! », s’enthousiasme Guillaume Tremblay en déposant quelques appâts vaccinaux sur la berge d’une petite rivière, parsemée de nombreuses traces de pattes de ratons laveurs.

« C’est une autoroute à ratons », illustre le technicien de la faune du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

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La Presse a accompagné une opération de vaccination des ratons laveurs.

« Dès que tu mets un vaccin là, c’est sûr qu’il va être mangé la nuit prochaine », dit d’un ton assuré celui qui coordonne sur le terrain la campagne de vaccination contre la rage du raton laveur menée depuis lundi dans la vallée du lac Champlain.

Cette région chevauchant l’Estrie et la Montérégie est « la porte d’entrée naturelle » du virus bien implanté au sud de la frontière, explique la biologiste Marianne Gagnier, coordonnatrice provinciale de la surveillance et du contrôle de la rage au MELCCFP.

Les cas de rage animale sont en recrudescence au Vermont depuis 2022, avec une quarantaine de cas répertoriés par année, dont un à 10 kilomètres du Québec, majoritairement chez des ratons laveurs et des mouffettes, qui partagent les mêmes habitats.

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Cas de rage au Vermont

« Les Américains ont sorti l’artillerie lourde » pour freiner cette nouvelle propagation, dont la cause est inconnue, indique Mme Gagnier, et les autorités québécoises font de même pour établir une barrière vaccinale.

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La biologiste Marianne Gagnier, coordonnatrice provinciale de la surveillance et du contrôle de la rage au ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

On ne le fait pas pour protéger les ratons, c’est pour la protection de la santé humaine.

Marianne Gagnier, coordonnatrice provinciale de la surveillance et du contrôle de la rage au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)

Mme Gagnier rappelle que la rage est mortelle chez l’humain, et ce, dans 100 % des cas dès qu’il y a apparition des symptômes – d’où l’importance de se faire administrer un traitement rapidement après une morsure suspecte, rappelle-t-elle.

Un territoire de 600 km2 visé

Une quinzaine d’employés du MELCCFP s’affairent ainsi à distribuer des appâts vaccinaux sur un territoire de 600 kilomètres carrés.

Le territoire visé longe la frontière qui sépare le Québec du Vermont ; c’est d’ailleurs là que la plupart des cas québécois ont été répertoriés dans le passé.

La technique de l’épandage manuel a été retenue, car elle est plus ciblée, mais une autre opération est prévue en août, notamment par épandage aérien, pour couvrir un plus grand territoire, afin de vacciner les petits qui naissent ce printemps.

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Zone de surveillance rehaussée de la rage du raton laveur au Québec en 2024

« On fait tous les chemins carrossables, on va partout où on peut aller », explique Guillaume Tremblay, au volant d’une grosse camionnette aux couleurs du gouvernement québécois, à l’affût des endroits propices aux ratons laveurs : arbres creux, rives de cours d’eau, tas de branches ou de pierres, dessous de galeries, ainsi que bâtiments et véhicules abandonnés.

Assise à ses côtés, la stagiaire Marika Roberge lance par la fenêtre du véhicule en marche des appâts dans les fossés.

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Ressemblant à des raviolis verts et dégageant une odeur sucrée, très alléchante pour les animaux visés, ces appâts contiennent un vaccin oral liquide.

« Le vaccin ne peut pas transmettre la maladie, car il ne contient pas de partie vivante du virus », explique Marianne Gagnier.

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Vaccins oraux contre la rage du raton

L’équipe s’arrête ensuite dans une ferme et, après avoir obtenu l’accord du propriétaire des lieux, dispose des appâts dans les nombreux bâtiments agricoles.

« Ça, c’est top comme endroit, avec les balles de foin », s’exclame Guillaume Tremblay en cherchant des traces du passage de ratons laveurs.

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Le technicien de la faune Guillaume Tremblay dépose des vaccins oraux dans un bâtiment agricole.

« J’ai une latrine, ici », s’exclame-t-il, montrant de nombreuses fèces, et expliquant que les ratons laveurs ont l’habitude de faire leurs besoins au même endroit.

Éternel recommencement

Les campagnes de vaccination contre la rage du raton laveur permettent d’immuniser de 45 à 65 % de la population animale d’une région, montrent les prises de sang effectuées chez des animaux capturés a posteriori pour détecter les anticorps du virus.

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La stagiaire au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs Marika Roberge dépose des appâts-vaccins sur la berge d’une rivière.

Mais puisque les ratons laveurs ont une espérance de vie de deux à trois ans dans la nature, la population se renouvelle rapidement et la vaccination est toujours à recommencer, explique Marianne Gagnier.

Après deux ans sans vaccination, on peut supposer que la population n’est pas immunisée.

Marianne Gagnier, coordonnatrice provinciale de la surveillance et du contrôle de la rage au MELCCFP

C’est en autopsiant de 700 à 1200 animaux chaque année, des bêtes malades ou blessées qui sont euthanasiées ou qui sont retrouvées mortes, majoritairement des ratons laveurs, que le MELCCFP détermine le nombre de cas de rage au Québec – l’analyse du cerveau est l’unique façon de déterminer la présence du virus.

« Ce n’est pas une surveillance parfaite, mais la diminution des cas donne une bonne indication [de la situation] », explique Marianne Gagnier.

Elle invite d’ailleurs quiconque observant un animal ayant des symptômes de la rage, qui est anormalement agressif, atteint de paralysie, désorienté ou pris de convulsion, à faire un signalement.

Pour signaler un animal suspect, visitez le site web : quebec.ca/rageduratonlaveur ou composez le 1 877 346-6763.

Un virus venu de Floride

Les premiers cas de rage chez le raton laveur ont été observés dans les années 1950, en Floride. Ils étaient le résultat d’une adaptation d’un virus touchant les chauves-souris, explique la biologiste Marianne Gagnier. Puis le virus est apparu en Virginie, à la fin des années 1970. « L’hypothèse, c’est que ce sont des gens qui ont déplacé là-bas des ratons laveurs qui étaient en incubation, pour la chasse », raconte-t-elle. Le virus s’est ensuite répandu dans les États de la Nouvelle-Angleterre, pour atteindre le Vermont en 1993. Bien que le raton laveur vive dans un périmètre de quelques kilomètres carrés, les jeunes peuvent parcourir jusqu’à 45 kilomètres lorsqu’ils quittent le nid familial, souligne Mme Gagnier.

En savoir plus
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    Nombre d’appâts vaccinaux contre la rage du raton laveur distribués durant l’opération de vaccination en cours
    Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs