Connaissez-vous la fameuse citation de Coluche qui dit : « Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans cinq ans, il faudrait qu’ils achètent du sable ailleurs » ?

Cette sagesse s’applique très bien au gouvernement de Justin Trudeau qui a choisi de créer des tonnes de programmes électoralistes avant de refiler la facture aux gens riches, mais aussi, par ricochet, à beaucoup de contribuables de la classe moyenne.

Avant d’aller plus loin, je dois préciser que je suis de ceux qui pensent qu’il est absolument important de partager la richesse avec les moins favorisés par la vie. Mais, quand les contribuables sont pris à la gorge et ne bénéficient pas de services à la hauteur de leur niveau de taxation, la crise de confiance n’est jamais loin. Oui, pour une juste taxation des ultrariches, mais il faut commencer à définir ce qu’est un ultrariche.

Imaginez ici cette personne à qui l’on dit au lendemain du budget : « Tu devras nous donner une bonne partie des bénéfices sur la vente de ton duplex que tu as acheté en 1990 pour ta retraite. Les milliers d’heures que tu as passés à l’entretenir, on s’en sacre. Avoir un duplex en plus de ta maison fait de toi un ultrariche qui doit participer au financement de ces nouveaux programmes qui ont surtout pour but de nous aider à remonter dans les sondages. »

Cette façon de faire est d’autant plus frustrante que ce même contribuable voit passer dans les nouvelles les relevés de voyages de Justin Trudeau : l’équivalent de 215 398 $ pour une escapade sur l’île privée de l’Aga Khan, un autre séjour dans une résidence prêtée par un ultrariche à Tofino pendant la première journée de la Vérité et de la réconciliation, des vacances évaluées à 160 000 $ en Jamaïque, une autre escapade valant 230 000 $ au Montana, une suite à 6000 $ la nuitée pour aller verser des larmes sur la dépouille de la reine d’Angleterre.

Avec une telle liste, quand Justin Trudeau positionne sa nouvelle taxe comme une façon de faire payer les très riches, cette victime collatérale a le droit de rager fortement.

Comme le rappelait un économiste sur une chaîne de radio, si cette décision voulait cibler préférentiellement les gains en capital des actions des ultrariches, pourquoi avoir donné à ces citoyens jusqu’au 25 juin avant d’appliquer la mesure ?

Ce délai est largement suffisant pour qu’ils aient le temps d’avoir une discussion avec leur fiscaliste pour obtenir un plan de créativité fiscale permettant d’atténuer l’ampleur des impacts financiers. Pourquoi n’a-t-on pas appliqué la décision immédiatement pour empêcher les fuites de capitaux qui, selon bien des économistes, seront énormes ?

Si l’on voulait s’attaquer aux ultrariches, pourquoi ne pas avoir pensé aux multinationales et aux paradis fiscaux devant lesquels le gouvernement semble avoir déposé les armes ?

Il y a une sagesse populaire qui dit que les règles sont souvent comme les barrières. En effet, les petits chiens passent en dessous, les gros chiens sautent par-dessus, il n’y a que les ânes qui s’y arrêtent.

C’est justement le sentiment d’être des bourricots de service qui habite tous les gens de la classe moyenne devenus des victimes collatérales de cette nouvelle taxe du budget de Chrystia Freeland. Une initiative destinée à financer tous ces nouveaux programmes que son gouvernement enfonce dans la gorge des provinces sous les applaudissements des néo-démocrates.

La propension de nos gouvernants, au niveau provincial et fédéral, à penser qu’il n’y a pas de limite à la taxation du contribuable moyen est très frustrante. Surtout quand ce même contribuable peine à recevoir des services et est convaincu qu’il y a beaucoup de ménage à faire dans la gestion des finances publiques avant de lui réclamer encore plus d’argent. Il voit le gouvernement comme quelqu’un qui achète toujours des jeans neufs à son adolescent qui a la flemme de fouiller et de faire le ménage dans sa garde-robe.

Quand on voit la saga ArriveCAN, la gigantesque dette que le gouvernement Trudeau laisse aux générations futures, les problèmes d’aéroports, la gestion chaotique de l’immigration, le sous-équipement de l’armée canadienne indigne d’un pays du G7, les transferts en santé de plus en plus anémiques, l’incapacité systémique à protéger nos élections des subversions étrangères et l’augmentation incessante du nombre de personnes qui vivent dans la rue, on ne peut s’empêcher de se demander si le problème ne vient pas plus d’une mauvaise gestion que d’un véritable manque d’argent.

Même si la grande majorité des Canadiens et des Québécois croient à ce modèle de partage de la richesse qui est, à mon avis, la seule façon de garantir une paix sociale et un vivre ensemble agréable, il y a des limites à ne pas franchir.

La politique ne doit pas, comme disait l’autre, devenir l’art d’obtenir l’argent des riches et les suffrages des pauvres, sous prétexte de les protéger les uns des autres. En cause, entre ces deux extrêmes, il arrive que les gens du milieu se sentent étouffés.

Nous marchons vers une période charnière de la viabilité de notre social-démocratie. Ce barrage que nous chérissons tant commence à montrer des signes de faiblesse. Et si nos dirigeants ne trouvent pas cette zone d’équilibre entre le niveau de taxation et la qualité des services à la population, gageons que dans un avenir pas si lointain, un idéologue libertarien arrivera à y séduire jusque dans un certain électorat traditionnellement campé à gauche. Il fera céder la digue et ce sera alors le début du « chacun pour soi » et Dieu pour les plus riches que nous voyons chez nos voisins du Sud. Il est utopique de penser que le Canada est à l’abri de ce système très inégalitaire qui mène les États-Unis à leur perte.

Rectificatif :
Un passage de cette chronique a été supprimé, car il indiquait que le contribuable donne déjà 50  % de ses gains en capital à l’État et que « dépasser le seuil de 50  % revient à lui demander de travailler pour l’État plus que pour lui-même ». Cette prémisse est inexacte. En réalité, la hausse annoncée du taux d’inclusion du gain en capital, qui passera en juin de 50 à 66,7  %, s’applique uniquement sur le montant du gain qui excède 250 000 $ par année. Cela signifie que les deux tiers du gain au-delà de ce seuil seront imposables, au taux d’imposition marginal du particulier, dont le maximum est de 53  % au Québec ; au-dessous, comme avant, seule la moitié du gain en capital sera imposable. Concrètement, la facture fiscale pour la partie du gain supérieure à 250 000 $ passera donc de 26,7  % (taux d’inclusion à 50  %) à 35,5  % (taux d’inclusion à 66,7 %). Ce traitement fiscal du gain demeure donc inférieur à celui du dividende (maximum 40 %) et du revenu d’emploi ou d’intérêt (maximum 53 %).