Un sondage Léger paru cette semaine révèle que si un référendum avait lieu sur le rapatriement des pouvoirs en immigration par le gouvernement du Québec, 65 % des Québécois y seraient favorables. Le même sondage nous apprend que seulement 34 % des Québécois sont favorables à la tenue d’un référendum sur le rapatriement des pouvoirs en immigration. Spécial, han ???

Ça veut dire que les Québécois veulent le rapatriement des pouvoirs en immigration, mais ne veulent pas de la tenue d’un référendum pour affirmer qu’ils veulent le rapatriement des pouvoirs en immigration. Bref, on veut le rapatriement des pouvoirs en immigration, mais pas au point de se taper un référendum pour les obtenir. Plus de pouvoirs ? OK. Plus de référendums ? Non ! Non ! Arrk ! Caca ! Tout mais pas ça !

Ça prouve l’aversion viscérale que les Québécois éprouvent envers les référendums.

On demanderait aux Québécois s’ils veulent payer moins d’impôt, ils répondraient oui à 90 %. On leur demanderait s’ils veulent un référendum sur les baisses d’impôt, ils répondraient non, majoritairement. C’est à ce point-là.

Si on faisait un référendum sur les référendums, c’est le taux d’abstention qui gagnerait.

Les référendums sont aux Québécois ce que les corridas sont aux taureaux : une activité à éviter.

Pourtant, on ne peut pas dire qu’on fait une écœurantite de référendums. Par exemple, les plus âgés d’entre nous ont vécu autant de référendums sur la souveraineté que d’éclipses solaires totales : deux. Deux, c’est seulement deux de plus que zéro.

Au Montana, en une année seulement, ils ont eu cinq référendums. En Alabama, en une année, ils ont eu sept référendums. Au Colorado, en une année, ils en ont eu 11 ! En Californie, en une année, ils ont eu 13 référendums ! Ça allait du droit de vote des condamnés pour délits au contrôle des loyers. Et nous, on préfère ne pas avoir un premier référendum en 29 ans plutôt que d’obtenir quelque chose qu’on désire.

Partout dans le monde, les peuples sont heureux qu’on leur demande leur avis. Pas ici. Ici, ça nous donne de l’urticaire. Pourquoi ?

Bien sûr, le premier référendum sur la souveraineté y est pour quelque chose. Rappelons-nous le contexte. En 1976, les Québécois élisent au pouvoir le PQ. C’est l’euphorie. On agite nos drapeaux. On applaudit. On est peut-être quelque chose comme un grand peuple. À partir d’aujourd’hui, demain nous appartient. On est six millions, faut se parler. Mon cher Québec, c’est à ton tour de te laisser parler d’amour. René Lévesque fait un discours à New York. Québec Power ! Ça va ben. En 1977, Camille Laurin arrive avec la Charte de la langue française. L’emploi du français au Québec est sauvé. Finis les stops. On avance. Fièrement. Tout le monde est content. Puis, en 1979, le PQ annonce la tenue d’un référendum, le 20 mai 1980, sur le projet de souveraineté-association. Et là, loi 101 ou pas, the shit hits the fan.

Jusque-là, l’affirmation nationale, c’était comme une vague qui nous portait ; soudainement, ça devient comme une marmite d’eau bouillante. Avant, c’était nous contre le monde. Maintenant, c’est nous contre nous. On s’engueule les uns les autres. Les Québécois fédéralistes contre les Québécois séparatistes. On n’est pas habitués à ça. Dans ce temps-là, on prenait tous pour la même équipe : le Canadien de Montréal qui gagnait tout le temps la Coupe Stanley. On votait pour Lévesque à Québec, pis Trudeau à Ottawa. Deux p’tits gars de chez nous. Là, faut choisir entre les deux. On n’aime pas ça.

Référendum, pour les Québécois, égale chicane. Et le Québécois haït la chicane. Même dans nos émissions de débats, faut que tout le monde soit d’accord. Pour nous, la vie est comme L’École des fans, à la fin faut que tout le monde gagne.

Ça nous a pris une décennie pour nous remettre du référendum de 1980. Lors de celui de 1995, le Non a gagné de peur. Puis vint le scandale des commandites révélant toutes les irrégularités de la campagne référendaire du clan fédéraliste ; on aurait pu croire qu’un troisième référendum déclenché alors aurait fait pencher la balance du côté des souverainistes. Pourquoi y en a pas eu ? Pas parce que le monde voulait pu rien savoir de l’indépendance, parce que le monde voulait pu rien savoir d’un référendum ! Ce que le monde aime le moins dans l’indépendance, c’est le référendum. L’indépendance s’obtiendrait en accumulant des points Aéroplan, les gens y souscriraient davantage. Mais passer à travers un autre référendum, c’est au-dessus de leurs forces.

C’est sûr que les réseaux sociaux ont probablement habitué les Québécois à la chicane. Les prochaines générations devraient être beaucoup plus blindées face aux échanges acerbes, puisque cela fait partie de leur quotidien. Les référendums ne devraient pas les terroriser, pour autant qu’on les fasse sur TikTok.

En attendant, pour faire passer la tenue d’un prochain référendum, ça va prendre beaucoup de doigté. Au fond, ce que les Québécois abhorrent, ce ne n’est pas le référendum, c’est la campagne référendaire. Faudrait faire un référendum surprise. Demain, on vote pour ou contre la souveraineté ! Pas d’obstination, pas d’attaques, pas de niaisage.

Un référendum, c’est pour que le peuple dise aux politiciens quoi faire.

Une campagne référendaire, c’est pour que les politiciens disent au peuple quoi leur dire de faire.

Toute la nuance est là. Et le problème, aussi.

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