Si ce n’était pas déjà assez clair, ça l’est maintenant.

Northvolt est devenue un symbole. La cible de choix de ceux qui croient que Québec et Ottawa n’en font pas assez pour protéger la biodiversité et combattre le dérèglement climatique.

Le vandalisme sur le site de l’usine de batteries et dans les bureaux d’un de ses fournisseurs est le symptôme, poussé à l’extrême, de ce phénomène. Les ennemis des gouvernements Legault et Trudeau se cherchent une cible, et celle-ci est idéale. Elle a une adresse, un visage et des promoteurs. C’est un adversaire concret à combattre. Et en prime, les militants les plus à gauche peuvent se colletailler à leurs éternels ennemis : la gauche pragmatique, les écologistes à cravate et tous ceux qui essaient de réformer le système de l’intérieur au lieu de le dénoncer dans la rue.

Mais quand on examine l’ensemble du portrait, le traitement réservé à Northvolt ressemble à une obsession. D’autres enjeux plus graves sont, hélas, moins critiqués.

On peut reprocher plusieurs choses au projet de Northvolt.

Son évaluation s’est faite de façon précipitée. Il ne sera pas soumis au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. L’évaluation manque de transparence, notamment parce que Québec a violé sa promesse d’inscrire de tels projets à un registre public en ligne. Et enfin, reste la question de savoir si l’investissement public sera rentable ou déficitaire.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement caquiste est l’artisan de son malheur. Reste que ce projet ne mérite pas d’être à ce point conspué.

L’impact sur le climat, la faune et la flore doit être relativisé.

Tout d’abord, il contribuera à réduire les gaz à effet de serre (GES) sur la planète. De la même façon que le Québec pollue indirectement à l’étranger en important des ressources, il réduira la pollution ailleurs en exportant ses batteries vertes. Car, oui, ces batteries seront utiles. Même s’il faut réduire sérieusement le nombre de voitures, il en faudra encore et elles devront être électrifiées.

Ensuite, son impact sur nos écosystèmes reste modeste face à l’ensemble des perturbations humaines. Les milieux humides remblayés par Northvolt représentent moins de 4 % de la superficie détruite en moyenne chaque année.

Et enfin, même si des espèces menacées se trouvent sur le site, ce n’est qu’un péril parmi d’autres. Le problème se trouve en amont. C’est le processus politisé et opaque de la (non-)protection de la faune.

Je me permets d’insister sur ces deux derniers éléments.

Le saccage des milieux humides est la norme au Québec. Près de 98 % des demandes des promoteurs sont acceptées. En échange, on exige une compensation financière pour créer d’autres milieux équivalents. Or, les biologistes avouent ne pas savoir si c’est techniquement possible. Et on n’essaie même pas – moins de 2 % de la cagnotte a été utilisée.

Les espèces menacées font aussi l’objet de la même insouciance. Au Québec, le comité scientifique donne ses avis au sous-ministre de l’Environnement. Ils restent ainsi confidentiels. Et ils ne sont pas contraignants. Même si les biologistes concluent qu’une espèce est menacée, le ministre n’est pas obligé de l’ajouter à la liste officielle. Bref, rien ne se passe.

Un exemple : en 2016, Québec promettait de déposer une stratégie québécoise de rétablissement et de protection du caribou. On l’attend encore. Le ministre Benoit Charette a offert un prix de consolation, un projet pilote dans Charlevoix et en Gaspésie, déposé juste avant le 1er mai dans l’espoir que le fédéral ne se mêle pas du dossier.

Pourtant, autant pour la faune que pour la flore, on ne peut pas invoquer le prétexte classique « Oui, mais ça ne change rien si la Chine pollue ». Les bénéfices de la protection sont directs, et toute la population peut en profiter.

Les crises du climat et de la biodiversité se combinent. Leurs causes comme leurs solutions se ressemblent. Et dans les deux cas, pour le Québec, l’essentiel du problème passe sous le radar. Parce qu’il est plus difficile de manifester contre des processus et des statistiques que contre un ennemi tangible.

Et il y a aussi autre chose…

La tentative de sabotage sur le terrain de Northvolt était évidemment inacceptable. Un père ou une mère de famille aurait pu être blessé par ces engins incendiaires. Les bureaux d’une entreprise sociale qui vise à récupérer le bois ont aussi été saccagés.

Cela fait penser aux manifestations contre l’embourgeoisement (la « gentrification »). De petits commerces de quartier sont parfois vandalisés. Le même commentaire revient alors : « Ce n’est pas la bonne cible ! » Mais ces gens savent ce qu’ils font. Les révolutionnaires haïssent les réformistes, les communistes détestent les socialistes et l’extrême gauche a un mépris tout spécial pour le centre gauche.

Sans identifier précisément les responsables, on peut penser qu’il s’agit de groupes contre le capitalisme. Ce système économique est responsable à la fois de progrès et d’injustices, ainsi que de la crise écologique.

À gauche, des économistes sérieux cherchent une façon de le remplacer tout en réussissant à financer les programmes sociaux. Les termes donnés – post-capitalisme ou post-croissance – montrent le caractère encore incertain des démarches. Une idée revient toutefois toujours : miser sur l’économie sociale qui ne cherche pas le profit. C’était justement le cas de la PME saccagée, le Centre de valorisation du bois urbain…

Mais il est plus facile de détruire que de construire. Et en environnement, il est plus facile de cibler Northvolt que d’identifier le cœur du problème. On pourrait même dire que cette obsession fait oublier l’essentiel.