Dans la foulée de ma chronique de jeudi1 sur l’aide médicale à mourir (AMM), quelques lecteurs m’ont reproché d’avoir affirmé que la campagne publicitaire qui incite les gens à décourager un proche d’avoir recours à l’AMM est le fait d’un « groupe religieux ».

Un lecteur, M. Dupire : « Sur le site de ce groupe, il n’y a aucune mention religieuse et il est formé principalement de gens du domaine médical… »

Et il s’adonne justement que le groupe en question (Vivre dans la dignité) a répliqué vendredi dans nos pages2. Je relève deux citations du coordonnateur Jasmin Lemieux-Lefebvre…

Première citation : « On la présentait [la campagne publicitaire] à tort comme l’œuvre d’un groupe religieux… »

Deuxième citation : « Nous ne sommes pas un groupe religieux, mais un réseau apolitique et areligieux. »

La section « Notre équipe » du site web de Vivre dans la dignité présente huit personnes.

On lit leurs biographies et, en effet, on se dit qu’il n’y a pas là de quoi faire la crise du bacon dans un bol d’eau bénite. Les affiliations religieuses sont quasi absentes.

L’affaire, c’est que pour découvrir comment la main de Dieu guide ces huit personnes, il faut fouiller hors du site web de Vivre dans la dignité. Je lance la vérification des faits…

Le coordonnateur Jasmin Lemieux-Lefebvre note qu’il fut directeur des communications de l’Archidiocèse de Québec. On peut bien sûr être directeur des coms d’un organisme sans épouser toute sa mission.

Mais M. Lemieux-Lefebvre est un catholique qui regarde tous les matchs des Eagles de Philadelphie « sauf si ça tombe durant la messe » et qui est un « amoureux » de l’Église.

Le président du C.A. de Vivre dans la dignité s’appelle Alexander King. Il explique dans sa notice biographique être détenteur d’un MBA et s’impliquer dans des collectes de fonds pour des OBNL. On y lit d’ailleurs que M. King est directeur principal au développement de la Fondation de l’Hôpital général de Montréal.

Voici le témoignage de M. King sur le site du média catholique Le Verbe : « J’appuie Le Verbe parce que j’aime son équipe dynamique, pleine de foi et d’espérance, pleine de courage et de confiance en ce Dieu-Verbe qui s’est fait chair et qui prend chair dans la vie de tous les chrétiens. J’aime beaucoup le fait que Le Verbe mette de l’avant ceux qui témoignent de la nouvelle vie que Jésus nous offre gratuitement… »

Autre membre de l’équipe de Vivre dans la dignité : le DPatrick Vinay. Le DVinay multiplie les conférences sous l’égide de l’Église catholique. Voici comment l’Église catholique de Saint-Hyacinthe a présenté ce médecin venu prononcer une conférence le 31 janvier dernier au sous-sol de l’église Sainte-Eugénie : « D’abord homme de foi et néphrologue… »

La Dre Paola Diadori est également membre de cet organisme. Elle a publié un essai dans un livre où les auteurs prennent par exemple position contre l’aide médicale à mourir. L’ex-cardinal Marc Ouellet signe également un essai dans ce recueil. Description du livre : « L’État laïque moderne attaque la dignité de la personne humaine en niant sa source. Les droits humains détachés de leur origine en Dieu sont un consensus… »

Ces essais sont nés d’une conférence qui s’est tenue en 2010 sous l’égide de la Fédération canadienne des sociétés de médecins catholiques. Devise de cette Fédération : « La gloire de Dieu est l’Homme pleinement vivant. »

La Dre Catherine Ferrier, maintenant. Prof à McGill, gériatre à l’Hôpital général de Montréal, nous apprend notamment sa biographie. Ce que ne dit pas sa biographie sur le site de Vivre dans la dignité, c’est que la Dre Ferrier a remporté en 2018 le Prix de l’excellence catholique dans la vie publique de la Catholic Civil Rights League…

Titre d’un texte d’un média catholique qui a couvert ce prix décerné à la médecin québécoise : « La Dre Ferrier voit la main de Dieu dans son travail contre l’euthanasie. »

Oh, j’oubliais : la Dre Ferrier est affiliée à l’Opus Dei, l’organisation catholique qui fait « le travail de Dieu », comme le révélait Le Devoir en 2013.

Mme Marie Bourque, elle, se décrit comme une enseignante de formation qui a fait la promotion des droits des parents. Ce que Mme Bourque ne précise pas dans sa biographie, c’est qu’elle fut vice-présidente de l’Association des parents… catholiques !

Voici ce qu’elle disait en 2015 des cours d’éducation sexuelle dans les écoles : « Le ministre peut bien radoter ce qu’il veut, si un parent décide que son enfant n’assistera pas au cours d’éducation sexuelle, il peut exercer son droit de le retirer. »

Cory Andrew Labrecque est professeur de théologie à l’Université Laval. On peut enseigner la théologie sans être engagé dans l’Église, bien sûr. Mais un mot dans sa biographie donne une idée de son engagement religieux, le mot « pontificale ». En cherchant un peu hors du site de Vivre dans la dignité, on découvre que M. Labrecque est « membre correspondant de l’Académie pontificale pour la vie », qui conseille le Vatican sur des enjeux de bioéthique.

Et finalement, Carmie Forlini se décrit comme bachelière en commerce et coach de vie, « qui croit fermement que chaque vie est précieuse, de la conception à la mort naturelle ». C’est plus vague que ce qu’on retrouve sur le site web de Mme Forlini : « Ma plus grande force provient de ma foi. Je crois que Dieu a des plans pour nos vies que nous ne pouvons même pas imaginer. »

Maintenant, on peut décider de jouer sur les mots et dire, comme le porte-parole de Vivre dans la dignité, qu’il s’agit d’un organisme qui n’a rien de religieux.

Quand les huit personnes qui composent votre équipe sont des personnes dont l’engagement public est guidé par la foi chrétienne (ça m’a pris une matinée pour en trouver les traces), on peut dire qu’il s’agit d’un groupe religieux.

Et il n’y a rien de mal à être religieux, je le précise.

Partant de là, la question n’est pas de savoir si Vivre dans la dignité est un groupe religieux, c’en est un.

La question est ailleurs…

Pourquoi le cacher ?

1. Lisez la chronique « Fichez la paix aux mourants (et aimez-les) » 2. Lisez la réplique de Vivre dans la dignité