Le lundi suivant le match de hockey féminin qui a rassemblé la plus grande foule de l’histoire, l’animateur du Québec maintenant sur les ondes du 98,5, Patrick Lagacé (aussi chroniqueur émérite de La Presse), reçoit Kori Cheverie, l’entraîneuse-cheffe de l’équipe de Montréal.

Lorsque cette unilingue anglophone a été nommée à la tête de la formation montréalaise, en septembre dernier, elle avait promis d’apprendre le français.

On verra bien, ou plutôt, on entendra bien. Ou pas.

Lagacé commence l’entrevue :

« Kori, bonjour !

— Bonjour !

— Merci d’être ici.

— Merci pour aujourd’hui… »

Un à zéro pour Kori ! Saluer le public francophone dans sa langue, c’est une marque de politesse qui nous touche, toujours. Après seulement quelques mois parmi nous, on en est même étonné. Bien des joueurs du Canadien qui portent le chandail bleu-blanc-rouge depuis des années ne se rendent pas jusque-là, dans la langue de René Lecavalier. Ceux qui, après avoir reçu la première étoile, concluent leur bref échange au centre de la patinoire avec Marc Denis ou Renaud Lavoie par un simple merci, vite expédié, reçoivent une ovation. Alors bravo, Kori, pour l’effort !

Lagacé poursuit l’entrevue :

« Quand vous avez été nommée, est-ce que vous saviez que ne pas parler français, ça allait créer une sorte de controverse ?

— Au début, je ne comprends pas la situation totalement, mais je prends rapidement l’importance de parler le français au Québec. »

Deux à zéro pour Kori ! Non seulement elle continue de s’exprimer en français, mais ce qu’elle exprime est sincère, sensible et démontre une grande ouverture.

C’est au contact de la société québécoise qu’elle a saisi l’importance de pouvoir établir un dialogue avec le public. Elle aurait pu s’enfermer dans son hockey world. Elle a choisi d’aller vers le monde.

Et elle vient vers nous, cet après-midi-là, avec toute la volonté et la fragilité de quelqu’un qui apprend à patiner. Ce n’est pas fluide encore, mais c’est la seule façon de faire en sorte que ça le devienne. En se lançant. Avec un animateur qui l’accompagne gracieusement.

PHOTO GENE J. PUSKAR, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kori Cheverie donnant des instructions à son équipe, le 17 mars dernier

Parler une langue, c’est comme jouer au hockey : pratique, pratique, pratique.

Dans les derniers instants de l’entrevue, Kori Cheverie confie à Patrick Lagacé que son expression québécoise préférée est : « c’est ça qui est ça ».

On y est justement.

Trois à zéro pour Kori ! Tour du chapeau. Pendant sept minutes, elle a réussi à échanger le palet, en français, avec un franc-tireur. Bien sûr, elle n’avait pas le vocabulaire de Fabrice Luchini et sa syntaxe patinait sur la bottine, mais ce n’est pas ça qui compte.

Ce qui compte, c’est que dans chaque hésitation, dans chaque seconde de réflexion, dans chaque idée formulée, dans chaque mot prononcé, il y avait de la considération. De la considération pour les fans de l’équipe de hockey féminin de Montréal.

Il faut beaucoup d’humilité pour accepter de donner une entrevue dans une langue qu’on commence à maîtriser. Il faut surtout beaucoup de générosité. Kori a compris que le message le plus important à transmettre aux Québécoises et aux Québécois, ce n’est pas : « Écoutez comme je suis brillante ! », c’est : « Écoutez comme je vous aime. Écoutez à quel point vous comptez pour moi. »

Le sport professionnel est ainsi fait qu’une équipe ne représente pas seulement les gens qui la composent, elle représente une ville : Montréal, Toronto, New York… C’est pour ça que les Montréalais, les Torontois, les New-Yorkais l’encouragent, vont la voir, achètent des billets, des casquettes et des chandails. Parce qu’on leur dit que c’est leur équipe. Parce que c’est le nom de leur ville qui gagne ou qui perd. Ce lien vital pour l’existence même de la franchise mérite qu’on en prenne soin. Mérite qu’on apprenne à échanger avec les gens que l’on représente.

Le vice-président exécutif aux opérations hockey du Canadien, Jeff Gorton, et le capitaine du Tricolore, Nick Suzuki, nous ont aussi promis, lors de leurs nominations respectives, qu’ils allaient apprendre le français. Peut-être qu’ils l’apprennent, mais ils ne prennent pas encore le temps de nous le parler plus que deux secondes. Bonjour et merci, that’s it.

Y a sûrement de l’orgueil là-dedans. Un vice-président et un capitaine n’affichent pas leur vulnérabilité. Pourtant, la vulnérabilité est souvent la plus grande des forces. Kori Cheverie l’a prouvé. En sept minutes, elle nous a gagnés.

Les boys du CH, allez écouter son entrevue sur le site du 98,5. Ça va être pour vous la meilleure des leçons. Pas juste une leçon de français. Surtout une leçon de respect.

Kori avait promis qu’elle apprendrait le français.

Kori a tenu parole.

Et sa parole nous tient.

C’est ça qui est ça.