(Québec) Le gouvernement Legault envisage d’imiter Ottawa et d’augmenter l’impôt à payer sur les gains en capital. Une telle opération lui permettrait de récolter des centaines de millions de dollars supplémentaires par année, au moment où ses finances sont dans le rouge.

Il faut savoir que Québec a toujours appliqué un traitement fiscal identique à celui d’Ottawa à l’égard des gains en capital, depuis des décennies. Chaque fois que le fédéral a apporté un changement, Québec lui a emboîté le pas.

Le gain en capital est le revenu tiré de la vente d’un bien qui a pris de la valeur comme des actions, des chalets, des résidences secondaires et des plex – on exclut la résidence principale. À l’heure actuelle, on paie de l’impôt, au fédéral comme au provincial, sur la moitié des gains en capital. C’est un traitement préférentiel comparativement à celui appliqué aux revenus de travail.

En vertu du budget fédéral déposé mardi, dès le 25 juin prochain, le taux d’inclusion – la portion du gain en capital qui est imposable – passera de la moitié (50 %) aux deux tiers pour tout ce qui dépasse 250 000 $. Ce changement devrait affecter quelque 40 000 personnes et 307 000 sociétés, d’après les estimations fédérales.

Le gouvernement Trudeau calcule qu’il récoltera dès la première année 6,9 des 19,4 milliards supplémentaires escomptés en cinq ans.

La Presse a sollicité le cabinet du ministre québécois des Finances, Eric Girard, pour savoir si Québec harmonisera avec le fédéral son taux à 66 %, comme il l’a toujours fait dans le passé. Il a répondu que ce n’était « pas automatique ». « On étudie toujours la pertinence et la nécessité d’harmoniser », a-t-il ajouté. Et c’est ce qu’il fait à l’heure actuelle à la suite du dépôt du budget Freeland.

Avec l’inclusion limitée à 50 % des gains en capital dans l’impôt à payer, Québec s’est privé de 2,4 milliards de dollars au chapitre de l’impôt des particuliers et de 1,7 milliard dans le cas de l’impôt des sociétés en 2023. Si le taux d’inclusion passe à 66 %, on pourrait croire que le gouvernement toucherait plus de 1 milliard supplémentaire. Mais comme Ottawa entend appliquer le nouveau taux à tout gain en capital supérieur à 250 000 $, il est difficile d’arriver à une estimation précise pour Québec, mais ce pourrait être inférieur au milliard. L’opération rapporterait tout de même des centaines de millions de dollars.

Le 12 mars, Eric Girard a déposé un budget affichant un déficit record en chiffre absolu de 11 milliards de dollars. Pour sortir du trou d’ici 2029-2030, deux ans plus tard que prévu, le ministre a affirmé qu’il n’entend pas alourdir le fardeau fiscal. « On vient de baisser les impôts, on ne les remontera pas », avait-il répondu.

Lors des élections de 2012, la Coalition avenir Québec avait promis d’augmenter l’imposition des gains en capital, en faisant passer le taux d’inclusion de 50 % à 75 %. « Pour être capables de financer nos mesures, on demande un effort à tout le monde, entre autres à ceux qui sont un peu plus fortunés », avait dit son chef, François Legault. Cet engagement a par la suite disparu de la liste des promesses caquistes.

Dans une lettre publiée par La Presse récemment, les professeurs Antoine Genest-Grégoire (Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke) et Olivier Jacques (chercheur au CIRANO) ont écrit que « 82 % des gains en capital sont générés par les 10 % les plus riches et 57 % par le top 1 % ».

En 2015, la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, créée par le gouvernement Couillard et présidée par le fiscaliste Luc Godbout, avait recommandé de « revoir le mode d’imposition des gains en capital » afin d’augmenter la ponction fiscale. « Cette révision viserait à traiter plus équitablement les gains en capital, comparativement aux autres sources de revenus », peut-on lire dans son rapport. La Commission ajoutait que Québec devrait se coordonner avec Ottawa pour appliquer une telle mesure.