Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique se rendra en Chine la semaine prochaine pour promouvoir « l’ambition » en matière de lutte contre les changements climatiques. Steven Guilbeault a répondu à nos questions à ce sujet.

Comment le Canada pense-t-il convaincre la Chine de rehausser ses ambitions ?

Je pense que c’est par le dialogue qu’on va y arriver. Comme c’est par le dialogue qu’on est arrivés à avoir une entente historique à Montréal, à la COP15, qui incluait notamment la Chine et plus de 190 autres pays. Mon approche, ce n’est pas d’essayer de faire la morale aux autres, je n’aime pas particulièrement ça quand on me la fait, mais c’est plus de partager avec les autres.

PHOTO OLIVIA ZHANG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Fumée s’élevant d’une usine de traitement du charbon à Hejin, dans la province chinoise du Shanxi, en novembre 2019

On va dire : regardez, nous, le Canada, on est un grand producteur de pétrole et de gaz. On a des défis en matière de lutte contre les changements climatiques. Voici ce qu’on fait. On a un règlement sur la réduction des émissions de méthane dans le secteur du pétrole et du gaz, un règlement sur le réseau électrique carboneutre, les émissions pour les véhicules. Est-ce qu’il y a des choses là-dedans sur lesquelles on peut travailler ensemble ?

À quel point les autres pays, dont la Chine, regardent-ils ce que les autres nations font en matière de réduction de gaz à effet de serre (GES) ?

La Chine regarde évidemment ce que les autres font. J’ai vu les sorties des conservateurs de Pierre Poilievre, qui me traitent de tous les noms parce que je m’en vais en Chine parler de changements climatiques. Mais dès que j’essaie de mettre de l’avant une mesure de lutte contre les changements climatiques au Canada, ce sont les premiers à dire : Oui, mais la Chine. Justement, je m’en vais en Chine. Travailler avec eux, coopérer avec eux sur ces questions-là. Ce n’est pas en essayant de les ignorer qu’on va réussir à trouver des solutions globales.

On parle beaucoup du paradoxe chinois. Le pays utilise encore beaucoup de charbon, mais en même temps, c’est l’une des nations où la croissance des énergies renouvelables est la plus importante. Comment aborder ce paradoxe ?

Quand on regarde les dernières données de l’Agence internationale de l’énergie, le charbon est en perte de vitesse partout sur la planète, sauf à un endroit, la Chine. Alors c’est certainement quelque chose que je vais aborder avec eux. Je sais que c’est un sujet qui est délicat. Nous, au Canada, on est en train d’éliminer le charbon de notre portefeuille énergétique. En théorie, ça va se faire d’ici 2030. Moi, je pense que ça va se faire beaucoup plus rapidement que ça. Est-ce que l’expérience canadienne pourrait servir d’inspiration à la Chine ? C’est ce dont je vais discuter avec eux la semaine prochaine.

Est-ce que les autres pays s’intéressent vraiment à ce qui se fait au Canada ?

Notre approche, c’est de dire qu’on n’est pas parfaits ici au Canada, on a des défis. Voici ce qu’on fait. C’est une approche qui me semble appréciée par mes collègues, que ce soient des pays du Nord ou des pays du Sud, plutôt que leur dire : regardez comment on est bons. Je pense qu’il y a des choses qu’on fait bien au Canada. Mais on a aussi nos défis, dans le secteur du pétrole et du gaz, notamment. Tout le monde a des défis, regardons comment on peut travailler ensemble.

Quand il est question de réduire encore plus les émissions de GES au Québec ou au Canada, l’argument « oui, mais la Chine » revient souvent, même au sein de la population. Que répondez-vous à ça ?

Il faut engager un dialogue avec la Chine. C’est pourquoi John Kerry [émissaire des États-Unis pour le climat] y est allé. C’est pourquoi les Allemands y sont allés, tout comme les Français et l’Union européenne. Il faut travailler avec elle [la Chine] sur cette question-là. Il faut travailler avec tous les grands émetteurs : le Canada est un grand émetteur, on est parmi les plus grands émetteurs au monde. Tous les pays du G20 doivent faire partie de la solution.

Il y a énormément de discussions, mais en même temps, ça ne bouge pas beaucoup. On vient de connaître le mois de juillet le plus chaud jamais enregistré sur Terre et le public a l’impression que les politiciens ne font que discuter.

Si on avait écouté les scientifiques et les écologistes il y a 30 ans, on serait peut-être dans une position plus avantageuse, mais collectivement, les gouvernements de la planète ne l’ont pas fait. Mais ça a changé ces dernières années. Avant la conférence de Paris [en 2015], le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] et l’Agence internationale de l’énergie nous disaient qu’on se dirigeait vers un monde où le réchauffement serait de l’ordre de 3,5 à 3,8 °C. Là, ces mêmes institutions nous disent qu’on se dirige vers un réchauffement de l’ordre de 2,5 °C. C’est encore beaucoup trop, mais ça indique que ce que nous faisons commence à fonctionner. Mais il faut accélérer, il faut mettre les bouchées doubles. Les changements climatiques qu’on observe actuellement, c’est avec 1 °C d’augmentation. Est-ce qu’on veut vraiment vivre dans un monde où les températures vont augmenter de 2,2 à 2,5 °C ? Je pense que non.