Offrons aux nouveaux arrivants un accueil digne des espoirs qu’ils placent en nous.

Pour toutes sortes de raisons, autant personnelles que professionnelles, le Musée canadien de l’immigration du Quai 21 revêt pour moi une importance particulière – je dirais même sentimentale. J’ai eu la chance de le visiter et je considère qu’il s’agit de l’un des hauts lieux de l’immigration au pays.

Il est situé dans le port d’Halifax, sur le quai même où plus d’un million d’immigrants ont foulé pour la première fois le sol canadien, entre 1928 et 1971.

Deux membres de ma famille proche et un mentor professionnel y sont arrivés dans les années 1950. Ils m’ont raconté ce qu’ont vécu les nouveaux arrivants, au moment où ils franchissaient les portes du bâtiment et rencontraient les autorités de l’immigration canadiennes.

Lors de ma visite, j’ai franchi ces mêmes portes et j’ai pu imaginer la fébrilité qui habitait ces gens, alors qu’ils mettaient les pieds sur ce qu’ils considéraient comme la terre promise. Dans les mots de mon beau-père, ils étaient venus « voir de leurs yeux si l’argent poussait véritablement dans les arbres ».

J’ai admiré les photos des bateaux sur lesquels ils avaient traversé l’Atlantique et la vaisselle utilisée lors du voyage. Je me suis assis sur l’une des banquettes du train qui les amenait jusqu’à Montréal. Là-bas, ils étaient parfois attendus par des membres de leur famille, mais souvent ils n’y connaissaient personne et devaient se bâtir une nouvelle vie.

Je me souviens de la joie de la conservatrice du musée lorsque celui-ci a finalement reçu le statut de musée national. Jusque-là, il vivotait de l’appui des gens d’Halifax et des personnes immigrantes, reconnaissantes de l’accueil qu’elles avaient reçu, des décennies auparavant.

Un parallèle

Je n’ai pas visité le chemin Roxham, bien que l’intérêt y soit. Contrairement au Quai 21 à l’époque, le chemin Roxham n’offre aucun bâtiment chauffé. C’est un chemin de boue, certainement pas une porte d’entrée.

Soyons clairs, il ne s’agit pas d’immigration régulière. Les demandeurs d’asile et les réfugiés n’y sont pas accueillis par des fonctionnaires dont le rôle est de les aider à s’installer chez nous, mais plutôt par des agents qui leur demandent ce qu’ils font ici.

Ces nouveaux arrivants subissent l’inaction des autorités et sont pris dans la « moins pire » des solutions. Lorsque l’on s’attarde à la question légale de Roxham, on trouve une explication dans une convention internationale qui est à l’avantage de notre voisin du Sud1. Il est dans l’intérêt des États-Unis de maintenir le chemin Roxham ouvert.

Ces personnes qui y arrivent et qui sont portées par l’espoir laissent tout derrière, à la recherche d’une vie meilleure. Est-ce la faute du labyrinthe administratif qui empêche tant de nouveaux arrivants de s’installer convenablement et de trouver un emploi ? Cet emploi si souhaité est difficile à obtenir pour une personne à statut précaire, les employeurs ne sachant pas sur quel pied danser. Pour des dizaines de milliers de personnes qui arrivent ici avec leurs inquiétudes, s’ajoute donc l’angoisse liée à la lenteur de nos autorités à régulariser leur situation.

Au-delà de ce premier accueil par les autorités, ce sont les organismes communautaires qui font la plus grande partie du travail d’accueil, une essentielle contribution dont j’ai déjà parlé dans ces pages (et pour laquelle les organismes ne sont pas rémunérés adéquatement)2. L’accueil est donc parfois bancal – certainement pas par manque de compassion, mais par manque de ressources.

Il ne semble pas y avoir de solutions à court terme. En attendant, peut-on s’entendre sur la nécessité de revoir l’accueil et son financement ?

Actuellement, l’attentisme et l’absence de direction claire ne font qu’accentuer le phénomène de l’immigration irrégulière dont la route toute tracée mène les demandeurs d’asile et les réfugiés vers la précarité.

Non seulement ce n’est pas responsable, pour ne pas dire inhumain, mais il s’agit d’une contradiction directe avec cette idée collective que nous sommes une terre d’accueil.

Il est urgent et impératif que nous nous attaquions à cette situation. Et la première étape pourrait être de nous inspirer de notre histoire autrement plus honorable en matière d’accueil des immigrants.

Il est difficile d’imaginer que le chemin Roxham pourrait un jour accueillir un musée national soulignant la magnifique contribution de tous les demandeurs d’asile, réfugiés et immigrants qui y sont arrivés. Mais si cela se produit, il faudrait lui donner le nom de Musée canadien de l’immigration précaire.

1. Lisez l’article « Le chemin Roxham, un “enjeu de premier ordre” pour la nouvelle ministre » 2. Lisez l’article « Demandeurs d’asile – Le milieu communautaire crie à l’aide »