Les trois priorités ciblées par la ministre de l’Immigration du Québec, Christine Fréchette, pourraient se résumer en trois mots : francisation, régionalisation et simplification.

Mais le sujet qui la préoccupe dans l’immédiat est le chemin Roxham.

« Pour nous, c’est sûr que le chemin Roxham est un enjeu de premier ordre parce qu’on est rendu à un moment où il y a nécessité de renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs, pour faire en sorte que des lieux de passage comme Roxham ne soient plus d’intérêt pour les demandeurs d’asile qui veulent s’amener au Canada », affirme-t-elle.

L’an dernier, 39 171 demandeurs d’asile ont été interceptés au chemin Roxham. Un sommet a été atteint en décembre avec 4689 interceptions, 26 % d’augmentation par rapport au mois précédent, ce qui semble indiquer que le phénomène ne connaît aucun répit.

À l’heure actuelle, seuls les points de passage officiels sont soumis à l’Entente sur les tiers pays sûrs, rappelle la ministre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Les points de passage non officiels, irréguliers, comme celui de Roxham, ne le sont pas. Il faut corriger cette faille-là. C’est vraiment essentiel de corriger cette faille-là.

Christine Fréchette, ministre de l’Immigration du Québec

Cela était dit, son plan de match, exposé dans le cadre d’une entrevue accordée à La Presse, n’annonce pas de grands débats déchirants en 2023.

D’une part, les thèmes qu’elle veut aborder le mois prochain avec son homologue fédéral, le ministre Sean Fraser, ne sont pas la source de profonds désaccords entre Québec et Ottawa – pas plus l’avenir du chemin Roxham que l’augmentation du nombre de permis d’études accordés aux étudiants franco-africains.

D’autre part, Mme Fréchette ne compte pas revoir le seuil de 50 000 immigrants permanents, énoncé par le premier ministre François Legault. Tout au plus s’engage-t-elle à écouter « tout le monde qui a quelque chose à dire sur le concept d’immigration », à l’occasion de la consultation sur la planification stratégique pluriannuelle prévue cette année.

« Je veux vraiment qu’on ratisse le plus large possible pour avoir un portrait le plus complet qui soit, affirme-t-elle. Et à partir de ce portrait, on verra à définir quels seront les seuils pour les années 2024 à 2027. »

Mme Fréchette ajoute qu’elle va se rendre à cet exercice « avec ouverture », sans présumer des résultats.

Résidents temporaires

Mais ce qui frappe dans ses propos, c’est que si la politique d’immigration du Québec porte sur les 50 000 résidents permanents, dans les faits, ses priorités s’adressent en bonne partie aux résidents temporaires, les travailleurs qualifiés, non qualifiés et les étudiants étrangers. Et que s’il y a une cible pour les résidents permanents, il n’y a aucun plafond pour les résidents temporaires, dont le nombre atteint 170 000 au Québec.

« Il n’y a pas eu de cibles fixées pour les travailleurs étrangers, confirme Mme Fréchette. Pour l’instant, c’est souvent une voie de passage pour compenser la pénurie de travailleurs à courte échéance. Après ça, s’ils veulent devenir permanents, c’est une autre question. C’est sûr qu’on va se pencher sur leur dossier d’une manière différente. Et nous, notre souhait, c’est de faire en sorte qu’il y ait des passerelles entre le temporaire et le permanent. On est en train de regarder ce qui est envisageable de ce côté-là. »

Dans les faits, ces passerelles existent déjà. On a souvent l’impression que les résidents permanents, dont le nombre est plafonné à 50 000, sont des nouveaux venus qui s’installent chaque année au Québec. Mais les données fournies à La Presse par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration indiquent plutôt que pratiquement la moitié d’entre eux avaient déjà été sur le territoire québécois. En 2022, sur les 68 000 nouveaux résidents permanents (le plafond annuel prévu, plus un rattrapage de 18 000 dû à la pandémie), pas moins de 32 600 avaient déjà possédé un permis de travail ou d’études.

Francisation et régionalisation

Pour ce qui est de la francisation, Mme Fréchette rappelle que l’objectif est de tendre vers une immigration économique 100 % francophone. « C’est important pour nous parce que le fait français a connu un déclin, souligne la ministre. Donc, c’est sûr que, pour nous, c’est important, la connaissance du fait français. C’est pour ça qu’on veut s’orienter dans cette voie-là. »

Une autre de ses priorités est la régionalisation de l’immigration. Elle entend se rendre dans plusieurs régions au cours des prochains mois pour voir quelles sont les attentes et les capacités d’accueil.

« J’ai le plus grand respect pour les immigrants, assure Christine Fréchette. Ce sont des gens dont je salue la résilience, dont je salue le courage. Pour moi, c’est important de faire valoir tout l’apport que génère l’immigration, l’enrichissement que ça nous amène tant sur le plan social qu’économique, culturel, linguistique. »