Cet été, pour la première fois depuis des années, j’ai pu avoir de réelles vacances. Un moment, un long moment, pour me déposer et regarder le temps passer. Il m’avait fallu une année et demie pour arriver à trouver cet espace, cette saison de grâce tant espérée.

Quand on est consultante, trouver du temps pour soi revient à devoir dire non, un art que je ne possédais pas encore. Si lors de la première semaine j’ai enchaîné les tâches et petits projets que je n’avais jamais le temps de faire normalement, allant de la réparation de mon barbecue à la transformation de la chambre rouge Canadiens de mon fils, en passant par une phase Marie Kondō qui m’a permis de me départir d’une tonne de vêtements et d’objets qui ne m’apportait plus la joie, au bout de 10 jours, je tournais en rond.

Je dois faire une confession ici, je suis une accro du boulot. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, les projets s’enfilent les uns sur les autres. Ainsi, j’ai l’impression d’apporter ma petite pierre à une cathédrale en perpétuelle construction. Je ne vous cacherai donc pas que j’avais grandement besoin de repos. Peut-être sans le savoir réellement, même. Quand on s’est donné une mission de vie comme la mienne, celle de contribuer à enrayer les préjugés en exposant les réalités, les vérités de ceux que Richard Desjardins nommait à raison le peuple invisible, et ce, depuis 30 ans, il arrive que le dos se courbe sous le poids du fardeau. Littéralement dans mon cas.

C’est drôle parce que lorsque j’ai commencé à m’exprimer publiquement, un aîné anishinabe que j’avais connu au sortir de l’université m’a contactée pour me dire de faire attention à moi dans tout ça, qu’il serait normal que parfois je me sente submergée.

Il m’avait conseillé du même souffle d’apprendre à garder des moments pour me ressourcer. J’avoue que je le trouvais gentil de me contacter ainsi. Il n’était pas obligé, mais il avait cru bon de le faire, comme s’il avait vu loin devant. Il avait lui-même connu une période de surmenage et depuis, avait changé son canot de direction. La sérénité se lisait maintenant sur son visage. Mais moi, je saurai quand m’arrêter, pensais-je. Le problème, c’est que le monde, lui, tourne et tourne toujours. Il y a tant à faire.

Bref, je savais que ce moment de retrait tombait à pic. Une fois les tâches les plus importantes de ma liste exécutées, donc, il ne restait que l’écho de moi-même. Qui plus est, j’avais loué un chalet dans un tout petit village de Nouvelle-Écosse pour écrire, seule pendant la première semaine, avec une amie pendant la deuxième. L’amie en question, ayant eu des problèmes mécaniques coûteux, a dû annuler sa visite à la dernière minute et je me retrouvais seule, vraiment seule, plus longtemps que je ne l’avais planifié. J’ai bien tenté de m’occuper en m’improvisant dompteuse des fourmis qui s’étaient infiltrées dans ledit chalet et spécialiste de la cuisson du homard, le temps devenait long.

Un après-midi, j’ai pleuré. Comme si je craquais. Merde que ça fait du bien de pleurer. Mais la solitude, celle avec laquelle je ne rencontre d’habitude aucune difficulté, me pesait. J’étais vulnérable. Vulnérable et humaine.

Et là, je n’ai pas eu le choix que de sonder mon intérieur. Tout y est passé : mes choix, mes relations, ma façon de vivre, mes projets, ma spiritualité, ma santé, mon travail, tout. J’avais entrepris une quête de sens que d’autres appelleraient une crise de la quarantaine, comme un grand besoin de retrouver davantage de mon essence dans tout ce que je suis, ce que je fais.

Plus tard dans l’été, j’ai passé pas mal de temps en famille et avec mes amis. Heureusement, dois-je dire. Parmi eux, d’autres gens qui cherchent un sens aux choses, à leur propre vie comme aux évènements qui façonnent notre monde. Certains en trouvent un en croyant dur comme fer que les feux d’Hawaii, c’est « stagé » pour que les plus riches et puissants de ce monde puissent acheter les terres brûlées à bas prix et s’enrichir davantage. D’autres vont voir des voyantes ou achètent des herbes chinoises. D’autres encore ont repris le chemin des antidépresseurs et une envisage même de prendre des microdoses de champignons à psilocybine, les fameux champignons magiques, pour se sentir mieux. Un s’est procuré un chien, très mignon je dois dire, et un dernier a rempli son agenda de tâches manuelles à la minute près pour se sentir vivant. Ou pour oublier, c’est selon.

Dans un monde souvent dénué de sens où on se sent de plus en plus seul, presque invisible, il y a au moins une chose qui, je crois, nous unit : ce besoin d’exister pour quelque chose, pour plus grand que soi. Je n’ai pas encore trouvé toutes les réponses, peut-être que je ne les aurai jamais entièrement, en fait. Mais entre-temps, comme nous tous, je ne suis qu’humaine.