Aurons-nous le courage de nous doter d’un plan de lutte contre la pauvreté audacieux et inspirant ?

Au cœur du développement social du Grand Montréal, depuis la fin des années 1990, il y a les tables de quartier et les corporations de développement communautaire.

Ce sont des forums de discussion et de concertation où les résidants, les organismes communautaires et culturels, les institutions publiques et les gens d’affaires se réunissent pour discuter des enjeux sociaux et économiques qui touchent leur quartier. Cette approche souligne l’importance de travailler en collaboration, en additionnant les cerveaux. La concertation permet de mettre en place des solutions efficaces et adaptées aux besoins locaux.

Il est intéressant de constater ici que les intérêts des uns et des autres convergent pour consolider le tissu social. Par exemple, si l’insécurité alimentaire est discutée dans un tel forum, elle peut l’être dans toute sa complexité et en gardant en tête ses impacts sur la réussite éducative, la santé physique et mentale, et la santé publique en général.

Il me semble que cette approche pourrait inspirer le gouvernement du Québec, qui travaille actuellement à l’élaboration de son quatrième plan d’action en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Briser les silos

Nous avons vu une ouverture intéressante de la ministre de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, qui a lancé des consultations qui impliqueront divers groupes plus tard cet été et à l’automne. Les groupes communautaires, entre autres, sont interpellés afin de nourrir la réflexion et de proposer des solutions.

De son côté, la ministre de l’Habitation mène des consultations sur son éventuel plan d’action contre la crise du logement.

Mais comme le rappelait Centraide dans un mémoire déposé dans le cadre des consultations sur le plan de lutte contre la pauvreté, il est primordial d’aborder la question du logement sous l’angle des personnes en situation de vulnérabilité. Trop de gens sont dans l’incapacité de joindre les deux bouts, ou même carrément de quitter la rue, en raison de la rareté de logements abordables.

Bref, il est évident que les réflexions du ministère de l’Habitation et de celui de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire ne peuvent se faire en silo.

Certains organismes communautaires du Grand Montréal reçoivent un soutien financier à la fois du ministère de la Solidarité sociale et de celui des Services sociaux (ce qui représente des demandes et des redditions de comptes distinctes, soit dit en passant). Puisque ce dernier ministère doit assurer la planification et la coordination des services offerts dans l’ensemble du Québec et veiller à l’organisation et à la prestation des fonctions de santé publique, il doit donc nécessairement faire partie des discussions sur le plan de la lutte contre la pauvreté.

Nous sommes ainsi rendus à trois ministères. Il faudrait aussi l’apport des ministères de l’Immigration, qui a un mandat d’intégration, de l’Éducation, du Travail, etc. Il peut y avoir plus de 15 ministères ou agences gouvernementales impliqués dans le plan de lutte contre la pauvreté. Chacun a son petit bout, ses propres objectifs, ses propres crédits budgétaires. C’est complexe et on peut douter de l’efficience.

C’est ici que le modèle des tables de quartier peut inspirer une nouvelle façon de travailler ; l’appliquer au plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale permettrait de rassembler tous les acteurs gouvernementaux impliqués dans cette lutte et d’élargir la discussion.

Rêver

Dans le Grand Montréal, une personne sur cinq a un revenu mensuel résiduel net négatif1 lorsque l’on ne compte que les dépenses essentielles (habitation, alimentation, transport, habillement). Pour ces gens, il est impossible de savoir quand leur situation s’améliorera de manière significative.

Récemment, le premier ministre Legault a mentionné que le gouvernement devait en faire plus sur la question du logement. Nous sommes on ne peut plus d’accord. Sans plan de sortie clair de la crise en habitation, nous perdons notre temps à essayer de rédiger un plan de lutte contre la pauvreté. Les dernières décennies démontrent sans équivoque le lien entre le coût du logement et le revenu disponible.

Je me surprends à rêver que la prochaine mouture du plan d’action gouvernemental de lutte contre la pauvreté sera justement ça, un plan d’action gouvernemental, indicateurs annuels à l’appui : du communautaire à l’éducation, en passant par le Logement et le Travail et tous les autres ministères impliqués de près ou de loin dans cette lutte, en s’inspirant de la concertation-action qui a fait ses preuves dans les tables de quartier.

1. Consultez le document « Base de faits et indicateurs sur le logement » préparé pour Centraide du Grand Montréal