Selon les plus récentes données de la SCHL concernant les mises en chantier de logements, dire que la chute au Québec par rapport à la même période de l’année précédente est catastrophique, à Montréal en particulier, serait un euphémisme.

Nous admettons que ces chiffres nous ont étonnés. Manifestement, quelque chose ne tourne pas rond au Québec.

Fin de l’avantage québécois

Les mises en chantier peuvent servir d’indicateur pour anticiper ce que sera le marché dans un horizon de 12 à 24 mois. Tout recul se traduira par une aggravation de la crise actuelle et probablement par une hausse des prix. Si la tendance devait se poursuivre sur l’année et, encore pire, sur les années 2024 et 2025, le Québec ferait face d’ici quelques années à des prix de logement comparables à l’Ontario. Fini l’avantage Québec1.

Plusieurs facteurs peuvent jouer pour expliquer le contraste avec ces deux provinces : des hausses moins fortes de population, la concentration du marché québécois dans le locatif qui le rend plus réactif, un PIB par habitant plus faible, la structure de l’industrie, ou encore la forte construction dans la période précédente. Mais aucun ne saurait suffire pour expliquer l’ampleur du recul québécois.

Calculé sur une base par habitant, le Québec affiche actuellement l’une de ses pires performances des vingt-cinq dernières années, tandis que l’Ontario connaît un sommet historique.

Face à cette crise du logement, l’Ontario et la Colombie-Britannique ont agi en 2022 en adoptant respectivement la loi 23, visant à accélérer la construction de plus de logements2, et le Housing Supply Act (loi 43)3 ; lesquels ont été suivis cette année par la mise en œuvre de mesures supplémentaires et plans d’action.

Dans les deux cas, la réduction des obstacles au niveau du zonage et des processus d’approbation constitue un objectif clé. Aussi, le gouvernement de l’Ontario déploie des incitatifs financiers pour les municipalités eu égard à l’atteinte d’objectifs qu’il détermine.

Il est trop tôt pour évaluer leur impact véritable. Mais les deux gouvernements envoient désormais un message clair. Dans l’immobilier, les attentes comptent.

Le tour de Québec d’agir

Une politique québécoise de stimulation de construction résidentielle et d’amélioration de l’abordabilité ne saurait être une simple copie. Cependant, le grand défi, ici comme ailleurs, reste la réduction des obstacles locaux à la construction, ce qui risque, ici comme ailleurs, d’en heurter certains, au premier titre partiellement le droit des municipalités de planifier leur territoire et les processus de consultation des citoyens.

En Ontario, la consigne aux municipalités de la loi 23 de réduire les redevances imposées aux promoteurs s’est heurtée, sans surprises, à l’opposition des maires. Toute nouvelle politique demandera nécessairement des compromis politiques.

Québec est en voie de préparer son plan d’action. La ministre responsable de l’Habitation mène actuellement des consultations. Les propositions ne manquent pas, dont des interventions conjoncturelles, notamment pour contrer la hausse des taux d’intérêt, comme des crédits d’impôt, fonciers et autres, et des exonérations des droits de mutation et de TPS et TVQ pour les premiers acheteurs. Mais ce sont des mesures conjoncturelles ; il faut aller plus loin.

Mentionnons aussi l’enjeu particulier du centre-ville de Montréal, durement frappée par les séquelles de la COVID et la montée du télétravail, qui nous invite à regarder des mesures spécifiques pour y relancer la construction résidentielle et faciliter notamment la reconversion d’édifices de bureaux4.

L’urgence de relancer la construction de logements sociaux, longtemps négligée par les deux ordres de gouvernement, fait largement consensus dans les milieux concernés.

La nécessité d’augmenter les contributions de l’État n’a pas besoin d’explication. Aussi faut-il rapidement ajuster les aides aux organismes d’habitation et autres intervenants dans le cadre de différents programmes pour tenir compte de la hausse des coûts de terrains et de construction.

Cependant, toute réforme pour être efficace ne peut pas faire l’économie d’interventions structurelles qui s’attaqueront directement à la réglementation et aux modes d’approbation des projets résidentiels. Les choix ne seront pas toujours faciles.

Le gouvernement du Québec devrait-il, pour prendre un exemple, avoir le droit d’intervenir lorsqu’un projet de densification urbaine autour d’une infrastructure majeure de transport collectif est refusé, comme cela s’est vu récemment dans le Grand Montréal ? Si oui, alors à quelles conditions ?

En parallèle, une réflexion s’impose sur les règles d’aide gouvernementale pour la rénovation de grands sites. Et d’autant que la rénovation de ces grands sites peut aussi contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Le financement des infrastructures de base, dont la viabilisation des sites, est souvent le premier obstacle au démarrage de projets résidentiels.

Le lecteur aura compris que la mise en place d’une politique québécoise de stimulation de construction résidentielle ne sera pas chose facile et ne fera pas que des heureux. Cependant, nous sommes convaincus, dans la belle tradition québécoise de concertation, qu’une politique audacieuse et à l’avant-garde est possible. Nous n’avons plus le choix.

1. Lisez « Pourquoi les logements sont plus abordables au Québec » 2. Consultez le contenu du projet de loi 23 de l’Ontario, visant à accélérer la construction de logements 3. Consultez le contenu de la loi 43 du gouvernement de Colombie-Britannique (en anglais) 4. Lisez « Les immeubles de bureaux : une situation préoccupante pour Montréal » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion