Depuis plusieurs mois déjà, une tempête secoue l’habitation au Québec. Et les indicateurs montrent que loin de s’essouffler, si rien n’est fait, le pire est à venir.

Le marché du logement est en crise : la pénurie de logements est aiguë et le coût de l’habitation n’est plus abordable pour une grande partie de la population. Les changements climatiques, dont on voit déjà les effets, sont appelés à s’intensifier. La transformation des modes de travail et d’achat, accentuée par la pandémie, fragilise les centres-villes. Parallèlement, les municipalités sont mal équipées pour lutter contre ces phénomènes, puisque leurs revenus, trop dépendants des taxes foncières, ne s’accroissent pas proportionnellement à ces défis.

L’entente de partenariat en vigueur entre le gouvernement du Québec et les municipalités se termine à la fin de 2023.

Les négociations qui s’amorcent offrent l’occasion aux parties d’élaborer conjointement un plan d’action ambitieux pour retourner la situation. L’habitation doit être au cœur de ces discussions, la densification, les infrastructures et le transport collectif figurant parmi les principaux leviers.

Le pivot de ce plan doit consister à rétablir l’équilibre sur le marché du logement, où l’offre ne suffit pas pour répondre à la demande. Cette situation est bien sûr exacerbée par des facteurs hors du contrôle du gouvernement et de ses partenaires municipaux, comme l’inflation et les taux d’intérêt élevés, mais cela ne fait que renforcer la nécessité et l’urgence d’agir.

Favorisons la densification

La densification assortie de l’inclusivité sociale et de la mixité des usages, particulièrement dans les zones situées à proximité du transport collectif, est l’une des clés de la réponse. Elle permet simultanément d’augmenter l’offre de logements tout en intégrant à celle-ci une part significative de logements inclusifs et de diminuer les émissions de GES en réduisant l’étalement urbain et l’usage de l’automobile. Elle permet aussi d’augmenter la résilience des centres-villes aux conséquences négatives du télétravail et du commerce en ligne.

Avec en toile de fond la nécessité d’affronter la crise climatique, il faut donc viser à favoriser la densification et la mixité des milieux et à éliminer les obstacles qui les contrecarrent, en agissant à la fois sur les outils financiers et fiscaux et sur les outils de planification et d’aménagement du territoire. Il faut aussi adopter des mesures de nature plus générale sur ces deux plans pour atteindre les objectifs définis en matière d’habitation, de revitalisation et d’adaptation aux changements climatiques.

Pour atteindre ces objectifs, il faudra adapter les infrastructures existantes aux changements climatiques, en construire de nouvelles dans les secteurs propices à la revitalisation et à la densification, soutenir adéquatement le transport collectif, intensifier les efforts pour assurer à tous les ménages un logement convenable.

Les municipalités n’en ont pas les moyens et le niveau actuel de l’aide financière gouvernementale est nettement insuffisant.

Le gouvernement du Québec doit tout mettre en œuvre pour conclure dans les plus brefs délais des ententes souples avec le gouvernement fédéral afin d’augmenter significativement les aides financières disponibles pour le logement inclusif et pour la mise en place de programmes d’infrastructures priorisant la densification et l’adaptation aux changements climatiques.

Quant aux municipalités, leurs actions sont souvent contre-productives. Les divers frais et redevances facturés par bon nombre d’entre elles atteignent des niveaux qui, cumulativement, freinent le développement résidentiel et font augmenter significativement le coût du logement.

Des taxes foncières « disproportionnées » au centre-ville

Bien que l’offre en habitation soit déficiente, certaines imposent des grilles de taxes foncières défavorables aux immeubles comptant davantage de logements. Alors même que les immeubles de bureaux et les commerces doivent s’adapter au télétravail et au commerce électronique et que les centres-villes en souffrent, on leur impose un fardeau de taxes foncières disproportionné, surtout dans les grandes villes. D’ailleurs, c’est à Montréal que l’on trouve le surpoids du fardeau foncier non résidentiel le plus élevé au Canada.

Les mêmes tendances contre-productives peuvent aussi s’observer en matière de planification et d’aménagement du territoire. Souvent, la planification ne favorise pas l’utilisation optimale des équipements et infrastructures existants et ne détermine pas les zones prioritaires à développer ou revitaliser.

De même, plutôt que de favoriser la densification et la revitalisation, les interventions vont souvent dans le sens contraire.

Les paramètres contenus dans les règlements de zonage et les plans d’implantation et d’intégration architecturale sont en général trop restrictifs et trop peu flexibles, par exemple en ce qui concerne le nombre et le type de logements, le pourcentage d’occupation du sol, les aires de plancher ou la hauteur du bâtiment.

Ce faisant, ils découragent l’implantation d’un plus grand nombre et d’une plus grande variété de logements dans les secteurs les plus propices au développement et à la densification. En plus, les délais de traitement des demandes et permis sont souvent excessifs, ce qui retarde la construction et en augmente les coûts.

S’ajoutent à ces éléments les référendums qui doivent être tenus en cas de modification des usages ou des densités permises et qui donnent prise au phénomène trop répandu du « pas dans ma cour ». Malgré certains ajustements bienvenus apportés récemment à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), les exemptions à la tenue de référendums sont encore trop limitées, alors que d’autres provinces les ont beaucoup élargies (l’Ontario) ou ont annoncé leur intention de le faire (la Colombie-Britannique).

On le voit, plusieurs actions sont nécessaires pour rectifier la situation, tant de la part du gouvernement du Québec que du côté des municipalités. Toutefois, l’urgence de la crise exige des partenaires qu’ils donnent une impulsion à l’action dans les plus brefs délais, en agissant conjointement et audacieusement dans des secteurs prioritaires ciblés et en sortant du cadre des programmes normés lorsque nécessaire.

Nous sommes à une croisée des chemins : nous pouvons investir maintenant pour des villes abordables, résilientes et vertes, ou nous paierons plus tard pour notre inaction et, ne nous faisons pas d’illusions, le coût en sera alors beaucoup plus élevé.

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