Léonie Asselin est étudiante au baccalauréat en enseignement au secondaire à l’Université Laval. Comme plusieurs, elle fera son troisième stage obligatoire cet hiver, où elle combinera des cours universitaires à une tâche temps plein de 75 %.

Aucune rémunération n’est prévue pour son stage, et faute de temps, elle ne voit pas comment elle pourra continuer à accepter des offres de suppléance, son seul revenu.

En mars, une motion unanime a été adoptée à l’Assemblée nationale demandant au gouvernement de reconnaître le statut de salarié aux personnes étudiantes stagiaires du secteur public.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry

En avril, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, reconnaissait publiquement que les personnes étudiantes effectuant des stages dans notre réseau public méritaient de toucher une rémunération pour leur travail. Depuis, nous sommes toujours en attente de gestes concrets de sa part.

Tandis que les compensations et la rémunération des stages réalisés en entreprises privées sont intégrées à une politique de développement économique depuis 20 ans1, les stages réalisés dans nos réseaux public et parapublic, quant à eux, tardent toujours à bénéficier d’un tel traitement. En 2018, on reconnaissait déjà qu’un « tel plan d’ensemble [faisait] actuellement défaut », décriant un développement « erratique » des stages dans le secteur public depuis le début du siècle2. La mobilisation étudiante dans ce dossier date du début des années 2000.

Nous sommes 20 ans plus tard, veille de rentrée. Et encore une fois, pour des milliers de personnes étudiantes au Québec souhaitant développer leur bagage dans notre réseau, ce sera une rentrée universitaire et collégiale marquée par des stages obligatoires non rémunérés.

Pour la majorité des stagiaires du Québec, le stage est inscrit au cursus scolaire, nécessaire à la diplomation. L’implication est temps plein, rendant impossible la cumulation d’un stage et d’un emploi. Alors on quitte notre travail, on ne touche aucun salaire, puis on s’endette.

Chaque rentrée, on indique à nos futures infirmières, intervenantes, enseignantes et éducatrices que la charge de travail qu’elles prennent sur leurs épaules pendant leur formation temps plein ne mérite pas de rémunération. Mais on les remercie pour leur dévouement, on leur répète que ça ne doit pas être facile, et on souligne leur courage. Surtout, on les remercie d’avoir choisi ce métier, cette vocation. « On en a besoin ! », dit-on avec une tape dans le dos.

Valorisation

L’erreur, c’est qu’on ne paie pas son loyer avec des mercis et des bravos. La valorisation et l’attractivité d’un emploi sur le marché du travail, ça passe aussi par les conditions de formation académique. Et il semble que ce sont toujours les mêmes domaines qui peinent à être valorisés – domaines composés à majorité de femmes, par ailleurs. Curieusement, ce sont aussi des domaines frappés durement par la pénurie de main-d’œuvre.

On se rappelle le rapport de la Fédération interuniversitaire des doctorant.e.s en psychologie (FIDEP) démontrant que les personnes doctorantes en psychologie tendaient à se diriger vers le secteur privé plutôt que le secteur public en raison de leurs dettes3.

Aujourd’hui, des bourses de 25 000 $ sont offertes pour les personnes étudiantes en psychologie s’engageant à travailler au moins deux ans dans le public.

Le gouvernement semble bien au fait qu’en ignorant la situation financière précaire des personnes étudiantes aujourd’hui, on nuit au développement et à la valorisation de nos services sociaux étatiques de demain. Qu’attend-il pour étendre cette considération à l’ensemble des stagiaires des domaines public et parapublic ?

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, a démontré une ouverture appréciable le printemps dernier dans ce dossier. Depuis, les attentes sont grandes et le temps presse. Une bonne fois pour toutes, faisons-nous ce cadeau collectif qu’est la reconnaissance, la valorisation et la rémunération de nos futures professionnelles et futurs professionnels du secteur public.

1. Consultez la Stratégie nationale sur la main-d’œuvre 2018-2023 2. Consultez le rapport Les stages et les stagiaires du réseau universitaire québécois. Portraits, enjeux et réalités

3. FIDEP. (2012). Études sur les conditions académique, économique et professionnelle des doctorants en psychologie : vers une rémunération de l’internat ! Rapport no. 1.

* Cosignataires : Laurence Mallette-Léonard, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ; Catherine Bibeau-Lorrain, présidente de l’Union étudiante du Québec (UEQ), et 49 autres signataires.

Consultez la liste complète des associations étudiantes et des syndicats signataires de la lettre Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion