Ce n’est pas un secret : 99 postes de résidents en médecine de famille sont demeurés vacants au Québec. Près de 90 % de l’ensemble des postes de résidence en médecine dans tous les domaines non pourvus dans la province le sont d’ailleurs en médecine familiale. Cela s’annonce mal pour les Québécois.

Je suis médecin de famille, j’ai 42 ans et il ne se passe aucune journée sans que je remette en question mon choix de carrière. Je ne suis pas la seule, j’en suis convaincue. Si je quitte le bateau, mille patients se retrouvent orphelins, demain.

J’ai eu une illumination sur ce qui me permet de continuer à travailler dans cette jungle du système de santé. Chaque patient détient aussi ce pouvoir. Celui de garder son médecin de famille motivé.

Depuis le début de ma pratique médicale, mes collègues et moi déployons tous les efforts nécessaires pour assurer une accessibilité à nos patients de façon sécuritaire.

Nous travaillons avec le constant défi de garder un équilibre entre la charge de travail et le temps de repos. Concept que nous martelons à nos patients en burn out. Nous essayons tant bien que mal d’être des cordonniers chaussés « pas pire ».

Qui voudrait se faire soigner par un médecin épuisé ?

Ma découverte va changer des vies. Rien de moins. Voici.

Mon collègue et moi avons reçu, tous deux, deux lettres différentes.

Celle de mon collègue lui a donné envie de prendre sa retraite demain matin. Celle que j’ai reçue a ensoleillé ma semaine et m’a donné le goût de poursuivre mon travail malgré les obstacles évidents de notre système de santé brisé.

L’omnipraticien a reçu une plainte de la part du Collège des médecins parce qu’un patient avait de la difficulté à prendre rendez-vous avec lui. Cette accusation remettait en question son professionnalisme parce qu’un patient ne réussissait pas à obtenir un rendez-vous pour… renouveler ses pilules !

Une gifle au visage

Une gifle au visage qui signifiait : tu es non professionnel parce que tes patients sont incapables de prendre rendez-vous avec toi (dans un monde où les pharmaciens peuvent dépanner sans peine lors de ces situations. Sans oublier que la clinique du médecin en question offrait des services d’urgence facilement accessibles).

Le gouvernement a poussé ce médecin à prendre davantage de patients en charge… alors que la pandémie l’avait déjà épuisé. Le calcul est simple : un médecin qui accepte davantage de patients aura moins de place pour voir ceux qui sont déjà inscrits auprès de lui.

Qui pourrait blâmer ce médecin d’avoir envie de prendre sa retraite à la suite d’un courrier qui reflète l’absence absolue de reconnaissance des efforts de longue date ?

La lettre que j’ai reçue fut tout autre. Dans mon pigeonnier, j’ai découvert une belle carte. Un patient que j’avais soigné quelques semaines auparavant m’exprimait sa gratitude de façon sincère. Ses quelques phrases me touchèrent profondément. Il me disait : merci d’avoir été là pour moi.

J’ai exposé la carte devant ma fenêtre et je lui jette un coup d’œil de temps en temps. Un petit baume lors des jours difficiles.

Mon collègue mérite des centaines de cartes de la sorte pour tous ses efforts et son dévouement. Au lieu de recevoir une lettre accusatrice du Collège des médecins, il aurait dû recevoir une carte colorée avec des papillons et des cœurs pour lui dire qu’il faisait une différence dans le quotidien de mille patients.

La médecine familiale doit être valorisée. Les professionnels de la santé sont tenus de rester le plus longtemps possible sur le terrain… et si chaque patient leur témoignait un peu de reconnaissance avec un petit mot gentil ?

Un simple bout de papier dont l’effet sera exponentiel et qui changera des vies.

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